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01/10/2019 | FRANCE | N°18VE00653

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 18VE00653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre, respectivement, des années 2006 à 2008 et des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1304196 du 30 septembre 2014, le Tribun

al administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre, respectivement, des années 2006 à 2008 et des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1304196 du 30 septembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2014 et régularisée le 16 janvier 2015,

M. B..., représenté par Me Formond, avocat, a demandé à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ;

2° de le décharger de ces rappels et pénalités.

Il soutenait que :

- il n'exerce pas une activité de livraison de biens au sens de l'article 256 du code général des impôts ;

- à supposer qu'il ait la qualité d'assujetti, les prestations qu'il a facturées au cours de la période litigieuse doivent être regardées comme des prestations immatérielles de collecte de données informatiques transmises par voie électronique à ses clients, qui entrent dans le champ d'application du 5° de l'article 259 B du code général des impôts relatif aux traitements de données et fournitures d'informations, dont le lieu est réputé ne pas se situer en France, et elles ne sont donc pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en France ;

- à supposer même qu'il ait réalisé des travaux d'expertise, ces prestations ne pouvaient, aux termes du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts, être réputées se situer en France dès lors que les preneurs lui ont fourni leur numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre pays de la communauté européenne et que les biens ont été expédiés aux équipementiers situés hors de France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Il faisait valoir qu'en application du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts, l'activité du requérant est réputée se situer en France dès lors qu'il exerce une activité d'expertise et de liaison qualité, tri et retouches portant sur des biens meubles corporels, qui est matériellement exécutée sur les sites du constructeur automobile PSA en France et que les véhicules sur lesquels sont montées les pièces sont destinés au marché français.

Par un arrêt n° 14VE03298 du 1er mars 2016, contre lequel la SCP MOYRAND, en qualité de liquidateur judiciaire de M. B... s'est pourvue en cassation, la Cour a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'État :

Le Conseil d'État, par une décision n° 399161 du 20 février 2018, a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire, réenregistrée sous le n° 18VE00653.

Procédure devant la Cour après renvoi du Conseil d'État :

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens que ceux exposés lors de la procédure initiale devant la Cour.

Il fait valoir, en outre, qu'à titre subsidiaire, les prestations réalisées par M. B..., si elles ne peuvent être regardées comme des prestations d'expertise au sens du 4 bis de l'article 259 A du code général des impôts, ne sauraient relever, en ce qui concerne la détermination du lieu de leur exécution, que des dispositions de droit commun de l'article 259 du même code qui, au titre de la période considérée, fixaient en France le lieu de réalisation des prestations de services réalisées par un prestataire qui, comme M. B..., y avait le siège de son activité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... exerçait, à titre individuel, l'activité principale de prestation de services en matière de liaison qualité, tri et retouches pour le compte d'équipementiers espagnols fournissant des pièces détachées d'automobiles à la société PSA. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle l'administration fiscale a notamment estimé que cette activité, qualifiée d'activité d'expertise sur des biens meubles corporels, étant réalisée en France sur des véhicules assemblés en France et destinés au marché français, était ainsi imposable en France à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, M. B... a été assujetti, sur le fondement du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, assortis des pénalités correspondantes. M. B... a demandé la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée au Tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement n° 1304196 du 30 septembre 2014, a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 14VE03298 du 1er mars 2016, la Cour a rejeté la requête de M. B... dirigée contre ce jugement. Par une décision n° 399161 du

20 février 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux et saisi par la SCP MOYRAND, en qualité de liquidateur judiciaire de M. B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 18VE00653.

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code, dans sa version alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". L'article 259 A de ce code dispose : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259 le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : (...) 4° bis Travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels : a. lorsque ces prestations sont matériellement exécutées en France, sauf si le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et si les biens sont expédiés ou transportés hors de France. (...) ". Enfin, en vertu de l'article 259 B de ce même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle :(...) 5° Traitement de données et fournitures d'information (...) Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il convient de déterminer si la prestation en cause relève du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts ou des autres cas spécifiques mentionnés à cet article et aux articles 259 B à 259 D du même code et, à défaut, si elle entre dans le champ d'application de la règle générale posée à l'article 259 de ce code.

4. La Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit, au point 13 de son arrêt du 6 mars 1997 Maatschap M.J.M. D... A..., Pouwels en J. Scheres CS (C-167/95), que la notion d'" expertise de biens meubles corporels ", au sens des 1 et 2 de l'article 9 de la sixième directive, transposée au 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts, correspondait " à l'examen de l'état physique ou à l'étude de l'authenticité d'un bien, en vue de procéder à une estimation de sa valeur ou à une évaluation de travaux à effectuer ou de l'étendue d'un dommage subi ".

5. Il résulte de l'instruction que l'activité de " liaison qualité " exercée par M. B... au profit d'équipementiers automobiles espagnols se bornait à la vérification, lors de déplacements sur les sites de production français des véhicules de la marque PSA, de la qualité des pièces utilisées sur les lignes de montage des véhicules et à la validation de la mise à l'écart de celles présentant des défauts, à l'analyse des messages d'alerte envoyés par les sites de montage et à la transmission des rapports de visite à ses donneurs d'ordres. Ainsi, alors même que le compte-rendu de l'entretien qui a été réalisé par le vérificateur avec M. B...

le 25 novembre 2009 et contresigné par celui-ci, mentionnait que l'intéressé exerçait une activité " d'expertise ", aucun élément ne permet d'établir que le travail d'examen auquel se livrait

M. B... était réalisé en vue de procéder à une estimation de la valeur des pièces ou à une évaluation de travaux à effectuer sur celles-ci ou d'un éventuel dommage subi par ces dernières. Par suite, M. B... est fondé, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 399161 du 20 février 2018, à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a regardé les prestations de services qu'il a fournies à ses donneurs d'ordre espagnols comme des expertises portant sur des biens meubles corporels, imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du

4° bis de l'article 259 A du code général des impôts et a, sur ce fondement, mis à sa charge la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces prestations.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et la Cour.

7. En premier lieu, M. B..., qui exerce une activité de prestation de services, ne peut donc soutenir qu'il ne serait pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de son activité en vertu des dispositions de l'article 256 du code général des impôts précitées, au seul motif qu'il n'exercerait pas une activité de livraison de biens.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des renseignements recueillis par l'administration fiscale auprès de cadres de l'établissement de la société PSA d'Aulnay-sous-Bois, qui était au nombre des usines de ce groupe dans lesquelles intervenait M. B..., que ce dernier intervenait sur son site pour constater et rendre compte à l'une des trois sociétés espagnoles qui étaient ses clientes, la société Mann-Humel, des problèmes de qualité de gestion des stocks de pièces de filtres à air équipant les véhicules Citroën C2 et C3 fabriqués sur place, notamment par l'examen visuel des pièces en cause et non seulement par le recollement des données d'analyse collectées par la société PSA elle-même. M. B..., qui est le seul à détenir les éléments de preuve relatifs à la nature exacte de son activité, lesquels ne sauraient, dans cette mesure, qu'être exigés de lui-même, ne remet pas sérieusement en cause cette définition des caractéristiques de son activité en se bornant à soutenir que la manipulation et la prise en charge des pièces défectueuses fournies par ses donneurs d'ordre aurait été prise en charge par la société Trigo, ce qui ne saurait être établi par les termes, vagues, des factures émises par cette société et des échanges informatiques intervenus entre elle et M. B... à l'occasion de la vérification de la comptabilité de ce dernier, et en affirmant, sans en rapporter la preuve, que son activité se bornait à la transmission de données exclusivement collectées par PSA à ses clients. Au demeurant, il ressort des mentions des factures produites par l'intéressé qu'il pouvait être amené à se déplacer sur les sites de production de la société PSA pour le compte de ses clients la nuit ainsi que les jours non ouvrés, alors même que de telles prestations ne présenteraient pas d'utilité si M. B... n'opérait pas lui-même une vérification au moins visuelle de la qualité des pièces produites par ses donneurs d'ordre dans le cadre de sa mission de contrôle. Dans ces conditions, les prestations de services fournies par M. B... ne peuvent pas davantage être regardées comme se limitant à la fourniture de prestations de traitement de données et fourniture d'informations, au sens du 5° de l'article 259 B du code général des impôts qui sont dès lors inapplicables.

9. En troisième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et M. B... ne soutient d'ailleurs pas, que ses prestations de service relèveraient d'une autre des situations mentionnées aux articles 259 A à D du code général des impôts et qui, par dérogation aux dispositions de l'article 259, dans sa rédaction alors applicable, feraient obstacle à ce que le lieu de ces prestations de service soit fixé en France, Etat dans lequel M. B... avait le siège de son activité. Il suit de là qu'en application de ces dernières dispositions, les prestations de service de M. B..., étant réputées être fournies en France, devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, comme le fait valoir l'administration fiscale en défense.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

5

N° 18VE00653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00653
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Territorialité.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : FORMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-10-01;18ve00653 ?
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