Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BNP Paribas Sécurities Services a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n°s 1307739 et 1308039 du 15 décembre 2014 et un jugement n° 1600070 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 février 2015, 26 octobre 2015, 1er février 2016, 7 novembre 2018 et 2 mai 2019 sous le n° 15VE00454, la société BNP Paribas Sécurities Services, représentée par le cabinet d'avocats CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n°s 1307739 et 1308039 ;
2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société BNP Paribas Sécurities Services soutient que :
- les propositions de rectification des 22 décembre 2010 et 16 juillet 2012 ne sont pas suffisamment motivées en ce qui concerne la reprise du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
- à concurrence de 2 995 157 euros, le rappel concerne un crédit de taxe acquis sur la période comprise entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005 qui est prescrite ;
- à concurrence de 1 284 724 euros, le rappel concerne un crédit de taxe acquis sur la période couvrant les années 2007 à 2008 pour lequel il ne peut pas lui être reproché de ne pas l'avoir spontanément régularisé ;
- un avis de mise en recouvrement devait être émis au titre de la totalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
- les dépenses engagées pour la réalisation d'opérations internes au bénéfice de ses succursales ouvrent droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses ;
- en considérant que ces opérations n'entraient pas dans le champ d'application de la TVA, l'administration a fait application d'un cadre juridique erroné ;
- les succursales établies à Madrid, Londres, Francfort sont membres " d'un groupe taxe sur la valeur ajoutée " au sens de l'article 11 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, ouvrant droit à la déduction de la taxe grevant les dépenses engagées en France et partiellement réallouées à ces succursales.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 août 2015 et 17 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société BNP Paribas Sécurities Services ne sont pas fondés.
II. Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 avril 2017, 7 novembre 2018 et 2 mai 2019 sous le n° 17VE01071, la société BNP Paribas Sécurities Services, représentée par le cabinet d'avocats CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société BNP Paribas Sécurities Services soutient que :
- la proposition de rectification du 23 juillet 2014 n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne la reprise du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
- à concurrence de 2 737 515 euros, le rappel concerne un crédit de taxe acquis sur la période couvrant les années 2010 et 2011 pour lequel il ne peut pas lui être reproché de ne pas l'avoir spontanément régularisé ;
- un avis de mise en recouvrement devait être émis au titre de la totalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
- les dépenses engagées pour la réalisation d'opérations internes au bénéfice de ses succursales ouvrent droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses ;
- en considérant que ces opérations n'entraient pas dans le champ d'application de la TVA, l'administration a fait application d'un cadre juridique erroné ;
- les succursales établies à Madrid, Londres, Francfort sont membres " d'un groupe taxe sur la valeur ajoutée " au sens de l'article 11 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, ouvrant droit à la déduction de la taxe grevant les dépenses engagées en France et partiellement réallouées à ces succursales.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt C-165/17 du 24 janvier 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société BNP Paribas Sécurities Services.
1. Les requêtes n° 15VE00454 et n° 17VE01071 présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. Il résulte de l'instruction que la société BNP Paribas Sécurities Services qui exerce une activité d'intermédiation financière a opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a concurremment réalisé des opérations pour sa propre clientèle et, en tant que siège, a apporté essentiellement une assistance informatique à ses succursales, lesquelles sont des établissements stables au regard des règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée établies dans des pays membres de l'Union européenne et dans des pays tiers. La société BNP Paribas Sécurities Services a déduit l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant frappé les dépenses afférentes à ces deux catégories de prestations. Elle a fait l'objet de vérifications de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur les périodes allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'occasion de ces contrôles, l'administration fiscale a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition des biens et services utilisés exclusivement pour les opérations internes réalisées avec les succursales établies dans les pays membres de l'Union européenne ne pouvait ouvrir droit à déduction au motif que ces opérations étaient situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, mais a toutefois admis, par mesure de tempérament, la déduction d'une fraction de la taxe en cause en tenant compte des proportions d'opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée de ces exploitations dans leur pays d'implantation. L'analyse ainsi retenue par l'administration fiscale l'a en outre conduite à procéder à des corrections de crédits de taxe sur la valeur ajoutée non spontanément corrigés par la société. Les droits rappelés ont été mis en recouvrement pour un montant total de 24 257 180 euros en principal et 1 684 041 euros en intérêts de retard au titre de la période en litige allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013. La société BNP Paribas Sécurities Services demande l'annulation des jugements des 15 décembre 2014 et 9 février 2017 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
Sur les crédits de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
4. Pour justifier le rappel d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 2 995 157 euros au titre de la période examinée allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, l'administration fiscale a indiqué dans la proposition de rectification du 22 décembre 2010, qu'à l'issue d'une précédente vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, un rehaussement de taxe sur la valeur ajoutée de 2 995 157 euros avait été notifié à la société requérante, diminuant d'autant le crédit de taxe dont elle était titulaire. L'administration a en outre relevé dans sa proposition de rectification que la société n'avait pas spontanément corrigé ses situations créditrices à due concurrence sur ses déclarations des années 2006 à 2009.
5. Pour justifier le rappel d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 1 284 724 euros au titre de la période examinée allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, l'administration a repris une motivation identique à celle exposée au point précédent, en précisant dans la proposition de rectification du 16 juillet 2012, d'une part, qu'à l'issue de la vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, un rehaussement de taxe sur la valeur ajoutée de 1 284 724 euros avait été notifié à la société requérante, diminuant d'autant le crédit de taxe dont elle était titulaire et d'autre part, que la société n'avait pas spontanément corrigé ses situations créditrices à due concurrence sur ses déclarations des années 2010 à 2011.
6. Pour justifier le rappel d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 2 735 515 euros au titre de la période examinée allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, l'administration fiscale a précisé, dans la proposition de rectification du 23 juillet 2014, d'une part, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 5 938 097 euros résultant de la vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 avaient entièrement consommé le crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 2 735 515 euros dont la société requérante était titulaire. Cette proposition de rectification a précisé par ailleurs que la société n'a pas spontanément corrigé à hauteur de ce montant ses situations créditrices sur ses déclarations des années 2012 à 2013.
7. Ces trois propositions de rectification comportent toutes les informations nécessaires pour permettre à la société BNP Paribas Sécurities Services de formuler utilement ses observations. Elles n'avaient, contrairement à ce que soutient la société, ni à identifier les propositions de rectification et les réponses aux observations du contribuable transmises dans le cadre de ces vérifications de comptabilité, ni à préciser les motifs des rehaussements de taxe ayant concouru à la diminution du crédit de taxe dont elle était titulaire. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation des propositions de rectification des 22 décembre 2010, 16 juillet 2012 et 23 juillet 2014 doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce, sauf application de l'article L. 168 A, jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 177 du même livre : " En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par l'article 271 du code général des impôts, les redevables doivent justifier du montant de la taxe déductible et du crédit de taxe dont ils demandent à bénéficier, par la présentation de documents même établis antérieurement à l'ouverture de la période soumise au droit de reprise de l'administration ". Enfin, selon les dispositions de l'article 224, alors en vigueur, de l'annexe II au code général des impôts, reprises à compter du 1er janvier 2008 à l'article 273 du même code, lorsque le montant de la taxe déductible mentionné sur une déclaration excède le montant de la taxe due d'après les éléments qui figurent sur cette déclaration, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur les déclarations suivantes.
9. En application de ces dispositions combinées, l'administration, pour la détermination du montant de la taxe due au cours de la période soumise à vérification, est en droit de contrôler toutes les opérations qui ont concouru à la formation du crédit de taxe déductible quelles qu'en puissent être les dates, sans que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le contrôle ainsi exercé constitue, eu égard à son objet et aux limites qui lui sont assignées, une extension irrégulière de la procédure de vérification de la comptabilité à des années atteintes par la prescription prévue à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait pas, sauf à méconnaître les règles de prescription, procéder sur la période contrôlée allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, au rappel du crédit de taxe sur la valeur ajoutée que la société n'avait pas spontanément corrigé à la suite du rehaussement de taxe de 2 995 157 euros résultant de la vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005.
10. En application de ces mêmes dispositions et sous réserve de ce qui sera exposé aux points 13 à 20, dès lors que la société BNP Paribas Sécurities Services n'a pas été en capacité de régulariser spontanément sa situation créditrice de taxe sur la valeur ajoutée et même si aucune disposition législative ou réglementaire ne l'y contraignait, l'administration pouvait procéder au rappel, à l'ouverture de la période vérifiée au 1er janvier 2010, de la somme de 1 284 724 euros correspondant à l'excédent non justifié de crédit de taxe constaté au 31 décembre 2009 et à l'ouverture de la période vérifié au 1er janvier 2012, de la somme de 2 735 515 euros correspondant à l'excédent non justifié de crédit de taxe constaté au 31 décembre 2011.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ".
12. Il résulte de l'instruction que l'ensemble des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la société BNP Paribas Sécurities Services a fait l'objet de trois avis de mise en recouvrement émis les 1er mars 2012, 8 février 2013 et 25 février 2015. Le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues manque en fait.
Sur les droits à déduction :
En ce qui concerne les succursales de la société BNP Paribas Sécurities Service avec lesquelles elle forme un seul assujetti :
13. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1 La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 212 de l'annexe II à ce code, applicable jusqu'au 31 décembre 2007 : " 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. / Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu, après application, le cas échéant, des dispositions de l'article 207 bis, multiplié par le rapport existant entre :/ a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction, et de l'ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations (...) ". Aux termes de l'article 205 de la même annexe, applicable à compter du 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II.-Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ".
14. 14. Aux termes de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006 : " 2. Dans la mesure ou` les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé a` déduire de la taxe dont il est redevable : / a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti ; / (...) 3. Les Etats membres accordent également a` tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure ou` les biens et les services sont utilisés pour les besoins : / a) de ses opérations relevant des activités économiques visées a` l'article 4, paragraphe 2, effectuées a` l'étranger, qui ouvriraient droit a` déduction si ces opérations étaient effectuées a` l'intérieur du pays ; / (...) 5. En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer a` la fois des opérations ouvrant droit a` déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit a` déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. / Ce prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément a` l'article 19. (...) ". Aux termes de l'article 19 de cette même directive : " 1. Le prorata de déduction, prévu par l'article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d'une fraction comportant : / - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit a` déduction conformément a` l'article 17, paragraphes 2 et 3, / - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit a` déduction. (...) / Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixe´ en pourcentage et arrondi a` un chiffre qui ne dépassé pas l'unité supérieure ".
15. Aux termes de l'article 168 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, en vigueur à compter du 1er janvier 2007 : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti a le droit, dans l'Etat membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants: / a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée dans cet Etat membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti (...) ". Aux termes de l'article 169 de la même directive : " Outre la déduction visée à l'article 168, l'assujetti a le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée y visée dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : / a) ses opérations relevant des activités visées à l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, effectuées en dehors de l'Etat membre dans lequel cette taxe est due ou acquittée, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées dans cet Etat membre (...) ". Aux termes de l'article 173 de cette même directive : " 1. En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. / Le prorata de déduction est déterminé, conformément aux articles 174 et 175, pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti. (...) ". Aux termes de l'article 174 de la même directive : " 1. Le prorata de déduction résulte d'une fraction comportant les montants suivants : / a) au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément aux articles 168 et 169 ; / b) au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction (...) ". Aux termes de l'article 175 de la directive : " 1. Le prorata de déduction est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l'unité supérieure (...) ".
16. La Cour de justice de l'Union européenne a par son arrêt C-165/17 du 24 janvier 2019 dit pour droit, pour l'application des dispositions citées aux points 13 et 14, qu'une succursale immatriculée dans un Etat membre, lorsqu'elle n'exerce pas une activité économique indépendante, " est en droit de déduire, dans cet Etat, la taxe sur la valeur ajoutée grevant les biens et les services acquis qui présentent un lien direct et immédiat avec la réalisation des opérations taxées, y compris celles de son siège établi dans un autre Etat membre, avec lequel cette succursale forme un seul assujetti, à condition que ces dernières opérations ouvrent également droit à déduction si elles ont été effectuées dans l'Etat d'immatriculation de ladite succursale ".
17. Par ce même arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions citées aux points 14 et 15 " doivent être interprétées en ce sens que, en ce qui concerne les dépenses supportées par une succursale immatriculée dans un État membre, qui sont affectées, exclusivement, à la fois à des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et à des opérations exonérées de cette taxe, réalisées par le siège de cette succursale établi dans un autre État membre, il y a lieu d'appliquer un prorata de déduction résultant d'une fraction dont le dénominateur est formé par le chiffre d'affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, constitué par ces seules opérations et dont le numérateur est formé par les opérations taxées qui ouvriraient également droit à déduction si elles étaient effectuées dans l'État membre d'immatriculation de ladite succursale, y compris lorsque ce droit à déduction résulte de l'exercice d'une option, exercée par cette dernière, consistant à soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations réalisées dans cet État ".
18. Enfin, par ce même arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions citées aux points 14 et 15 " doivent être interprétées en ce sens que, afin de déterminer le prorata de déduction applicable aux frais généraux d'une succursale immatriculée dans un État membre, qui concourent à la réalisation à la fois des opérations de cette succursale effectuées dans cet État et des opérations réalisées par le siège de celle-ci établi dans un autre État membre, il convient de tenir compte, au dénominateur de la fraction qui constitue ce prorata de déduction, des opérations réalisées tant par ladite succursale que par ce siège, étant précisé que doivent figurer au numérateur de ladite fraction, outre les opérations taxées effectuées par la même succursale, les seules opérations taxées réalisées par ledit siège, qui ouvriraient également droit à déduction si elles étaient effectuées dans l'État d'immatriculation de la succursale concernée ".
19. Les règles ainsi dégagées par la Cour de justice, qui découlent de la nécessaire prise en compte de l'unité de la personnalité juridique des sociétés intervenant sur le territoire européen, sont également applicables à la situation où les dépenses sont supportées par le siège pour les services rendus à ses succursales avec qui elle forme un seul assujetti. Il en résulte que c'est à tort que pour asseoir les rappels en litige l'administration fiscale, qui n'a au demeurant présenté aucune demande de substitution de base légale ou de motifs permettant le maintien des rappels en cause sur un autre fondement que celui initialement retenu, a considéré les opérations internes réalisées entre la société BNP Paribas Sécurities Services avec ses succursales établies dans les pays membres de l'Union européenne étaient situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne les succursales de la société BNP Paribas Sécurities membres d'un groupement autonome au regard de la TVA :
20. Aux termes du 1er alinéa de l'article 11 de la directive du 28 novembre 2006, qui reprend le second alinéa du paragraphe 4 de l'article 4 de la sixième directive du 17 mai 1977 : " Après consultation du comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée (...), chaque Etat membre peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le territoire de ce même Etat membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liée entre elles sur les plans financiers, économique et de l'organisation ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-162/07 du 22 mai 2008, que le recours à ce régime implique que les sociétés qui décident de se regrouper dans un tel groupement cessent d'être considérées comme des assujettis distincts à la taxe sur la valeur ajoutée, pour être considérées comme un assujetti unique.
21. Il résulte de l'instruction, ainsi que le relève la société BNP Paribas Sécurities Services, que ses succursales situées à Francfort, Londres et Madrid sont membres de groupements de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, du fait de leur qualité d'assujetties distinctes de la société BNP Paribas Sécurities Services, les règles exposées aux points 13 à 19 ne leur sont pas applicables.
22. La société soutient en revanche que les réallocations des coûts effectuées vers ces succursales doivent être analysées comme des prestations de services ouvrant droit à déduction de la taxe à hauteur de 7 762 073 euros au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2011 et 3 253 171 euros au titre de celle allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Cependant, comme le relève l'administration fiscale, la société BNP Paribas Sécurities Services ne fournit aucune précision à l'appui de son moyen sur les opérations réalisées par les groupements respectifs permettant de déterminer le caractère déductible de la taxe grevant les dépenses supportées par la société requérante selon qu'elles sont affectées à des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ou à des opérations exonérées de cette taxe. La société BNP Paribas Sécurities Services n'est par suite pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes en litige pour les opérations réalisées avec ses succursales situées à Francfort, Londres et Madrid.
23. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de décharger la société BNP Paribas Sécurities Services des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, à l'exception de ceux concernant les opérations de ses succursales situées à Francfort, Londres et Madrid, soit, compte tenu des sommes indiquées aux points 2 et 21, une décharge de 13 241 936 euros en droits, se décomposant comme suit : 7 643 013 euros au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 et 5 598 923 euros au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. La société requérante est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société BNP Paribas Sécurities Services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Montreuil du 15 décembre 2014 et 9 février 2017 sont annulés.
Article 2 : La société BNP Paribas Sécurities Services est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à concurrence, en principal, de 7 643 013 euros au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 et de 5 598 923 euros au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Article 3 : Le surplus des demandes de la société BNP Paribas Sécurities Services et des conclusions de ses requêtes n° 15VE00454 et n° 17VE01071 est rejeté.
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N° 15VE00454...