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25/07/2019 | FRANCE | N°18VE02499-18VE04117-18VE03809

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 25 juillet 2019, 18VE02499-18VE04117-18VE03809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GE Capital Equipement Finance, aux droits de laquelle vient la société CM-CIC Leasing, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1500438, de prononcer la résiliation du contrat K26361901 de location de longue durée de matériel qu'elle a conclu avec le COLLEGE JEAN BULLANT à Ecouen aux torts et griefs de celui-ci, de condamner le COLLEGE JEAN BULLANT à lui restituer le matériel faisant l'objet du contrat dans un délai de huit jours à compter du jugement à i

ntervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner le collè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GE Capital Equipement Finance, aux droits de laquelle vient la société CM-CIC Leasing, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1500438, de prononcer la résiliation du contrat K26361901 de location de longue durée de matériel qu'elle a conclu avec le COLLEGE JEAN BULLANT à Ecouen aux torts et griefs de celui-ci, de condamner le COLLEGE JEAN BULLANT à lui restituer le matériel faisant l'objet du contrat dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner le collège à lui verser la somme de 41 614,03 euros toutes taxes comprises (TTC), augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 26 septembre 2014, correspondant à des loyers impayés et à des loyers à échoir assortis de pénalités contractuelles ;

- sous le n° 1500440, de prononcer la résiliation du contrat K60804901 de location de longue durée de matériel qu'elle a conclu avec ce collège aux torts et griefs de celui-ci, de condamner le COLLEGE JEAN BULLANT à lui restituer le matériel faisant l'objet du contrat dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de condamner le collège à lui verser la somme de 84 973,97 euros TTC, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 26 septembre 2014, correspondant à des loyers impayés et à des loyers à échoir assortis de pénalités contractuelles.

Par un jugement n° 1500438-1500440 du 5 juin 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a :

- résilié les contrats K26361901 et K60804901 à compter du 16 janvier 2015,

- condamné le COLLEGE JEAN BULLANT à verser à la société CM-CIC Leasing la somme de 36 168 euros TTC, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter de la date d'échéance de chaque loyer impayé antérieurement au 16 janvier 2015, et la somme de 75 350 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 janvier 2015,

- et enjoint au COLLEGE JEAN BULLANT de restituer à la société CM-CIC Leasing le matériel loué en application des contrats K26361901 et K60804901 dans le délai d'un mois à compter de la désignation du lieu de dépôt de ce matériel par cette société.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement le 13 juillet 2018, le 8 janvier 2019, le 22 mars 2019 et le 5 juillet 2019 sous le n° 18VE02499, le COLLEGE JEAN BULLANT, représenté par le cabinet Richer et associés droit public, avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société GE capital équipement France devant le tribunal administratif ;

2° d'annuler les contrats K26361901 et K 60804901conclus avec la société GE capital équipement France ;

3° à titre subsidiaire, de résilier ces contrats et, à titre encore plus subsidiaire, d'annuler ou d'écarter les clauses de ce contrat ;

4° de mettre à la charge de la société GE capital équipement France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les contrats conclus avec la société GE capital équipement France pour la location de photocopieurs n'ont pas été précédés d'une procédure de mise en concurrence et doivent donc être annulés ; en tout état de cause, ces contrats étant entachés de nullité du fait de l'irrégularité entachant la procédure de passation, le litige ne peut être réglé sur le terrain contractuel et les stipulations des contrats prévoyant le versement d'une indemnité de résiliation ne pourront qu'être écartées ;

- en outre, les conditions générales de ventes des contrats en cause n'étaient pas présentées de manière claire et compréhensible en méconnaissance des dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation ; il n'a pas signé ces conditions générales de vente ; les clauses des contrats doivent donc être considérées comme abusives et non écrites et ne peuvent être appliquées ; le montant de l'indemnité de résiliation est manifestement abusif ;

- son consentement à conclure les contrats en cause était expressément lié à la prise en charge des loyers des contrats précédents, l'exposant ne pouvant assumer la charge financière résultant de l'ensemble des contrats ; dès lors que les cocontractants n'ont pas respecté cet engagement, son consentement a été vicié ;

- le versement de l'indemnité de résiliation constituerait une libéralité, son montant étant disproportionné par rapport au préjudice de la société ; la clause relative à l'indemnité de résiliation est ainsi abusive et devra être écartée ;

- la société GE Capital Equipement Finance, aux droits de laquelle vient la société CM-CIC Leasing ne justifie d'aucun préjudice compte tenu des montants abusifs des contrats signés en l'absence de toute mise en concurrence et du montant des loyers déjà versés; ce préjudice ne pourra excéder la différence entre la valeur d'acquisition des photocopieurs et les loyers déjà versés, soit les sommes de 15 230, 59 euros et 29 420, 24 euros ;

- les prix d'acquisition allégués des photocopieurs sont exorbitants, dès lors qu'il a pu acquérir deux photocopieurs en pleine propriété pour la somme globale de 7 110 euros.

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II. Par une requête enregistrée le 10 décembre 2018 sous le n°18VE04117, le COLLEGE JEAN BULLANT, représenté par le cabinet Richer et associés droit public, avocats, demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.

Il soutient que :

- le montant de la condamnation prononcée par le jugement contesté représentant presque deux fois le budget annuel du collège, son exécution serait de nature à compromettre la continuité du service public de l'enseignement ;

- les moyens tirés de la nullité du contrat, de l'illégalité de la clause de résiliation et de ce que la société CM-CIC leasing ne justifie pas du montant de son préjudice présentent un caractère sérieux.

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III. Par une lettre, enregistrée le 14 septembre 2018 la SOCIETE CM-CIC LEASING SOLUTIONS, venant aux droit de la société GE capital équipement France, représentée par Me Pichon, avocat, a saisi la Cour d'une demande d'exécution du jugement n°1500438-1500440 Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 juin 2018.

Par une ordonnance du 16 novembre 2018, le président de la Cour administrative d'appel de Versailles a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, sous le n° 18VE03809, en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'exécution de ce jugement.

Par deux mémoires enregistrés les 18 décembre 2018 et 22 février 2019, la SOCIETE CM-CIC LEASING SOLUTIONS, représentée par Me Pichon, avocat, demande à la Cour :

1° d'enjoindre au COLLEGE JEAN BULLANT d'exécuter le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 juin 2018 dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2° de mettre à la charge du COLLEGE JEAN BULLANT la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il appartient, en vertu de l'article L. 421-11 du code de l'éducation, au chef d'établissement de demander auprès de l'autorité de tutelle les crédits nécessaires ; l'article L. 213-1 du même code permet au département d'ajuster le budget de l'établissement ;

- elle n'a pas à justifier d'une quelconque urgence pour demander l'exécution du jugement ; le moyen tiré de la nullité du contrat est inopérant dans le cadre de l'exécution du jugement ;

- pour justifier qu'il ne peut pas rendre les photocopieurs de marque Ricoh, le collège ne peut se prévaloir d'un autre contrat de location passé avec la société All burotic et portant sur deux photocopieurs de marque Sharp.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cabon,

- les conclusions de Mme Bonfils, rapporteur public,

- les observations de MeB..., pour le COLLEGE JEAN BULLANT, et celles de Me A...C..., substituant Me Pichon, pour la société CM-CIC leasing.

Considérant ce qui suit :

1. Le COLLEGE JEAN BULLANT d'Ecouen (Val-d'Oise) a conclu, le 24 avril 2012, avec la société GE Capital Equipement Finance un contrat K26361901, portant sur la location de deux photocopieurs pour une durée de 21 trimestres à compter du 1er juillet 2012 ainsi que la fraction du trimestre en cours. Il a également conclu, le 1er mai 2012, avec la même société un contrat K60804901, portant sur la location d'un photocopieur pour une durée de 21 trimestres à compter du 1er juillet 2012 et ainsi que la fraction du trimestre en cours. Le collège ayant arrêté le versement des loyers relatifs aux trois photocopieurs après l'échéance du 1er janvier 2014, la société GE Capital Equipement Finance, aux droits de laquelle vient la société CM-CIC Leasing, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la résiliation des deux contrats aux torts exclusifs du collège et de condamner ce dernier, d'une part, à lui restituer le matériel faisant l'objet des contrats et, d'autre part, à lui verser les sommes correspondant aux loyers impayés et à l'indemnité contractuelle de résiliation, assorties des pénalités prévues par les contrats. Par un jugement du 5 juin 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a résilié les deux contrats à compter du 16 janvier 2015, condamné le COLLEGE JEAN BULLANT à verser à la société CM-CIC Leasing la somme de 36 168 euros TTC augmentée des intérêts au taux contractuel à compter de la date d'échéance de chaque loyer impayé antérieurement au 16 janvier 2015, ainsi que celle de 75 350 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 janvier 2015, et enjoint au collège de restituer à la société CM-CIC Leasing le matériel loué dans le délai d'un mois à compter de la désignation du lieu de dépôt de ce matériel par cette société. Par les requêtes susvisées n° 18VE02499 et n°18VE04117, le COLLEGE JEAN BULLANT demande à la Cour d'annuler ce jugement et d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution. Par une requête enregistrée sous le n° 18VE03809, la société CM-CIC Leasing demande à la Cour de prescrire les mesures propres à assurer l'exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société CM-CIC Leasing :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. La requête par laquelle le COLLEGE JEAN BULLANT demande explicitement l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 juin 2018 contient l'exposé des faits et moyens, et notamment le moyen tiré de ce que, les contrats étant entachés de nullité, le litige ne peut être réglé sur le terrain contractuel, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. La fin de non-recevoir opposée par la société CM-CIC Leasing et tirée de ce que cette requête serait irrecevable pour ne comporter que des conclusions à fin d'annulation ou de résiliation des contrats en cause sans articuler de moyens à l'encontre du jugement contesté doit, par suite, être écartée.

Sur la validité des contrats et de certaines de leurs clauses :

En ce qui concerne la validité des contrats :

4. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il conteste une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.

5. En premier lieu, les marchés passés selon la procédure adaptée prévue par l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur sont soumis, quel que soit leur montant, aux principes généraux posés au deuxième alinéa du I de l'article 1er du même code, dans sa version applicable au marché en cause selon lequel " les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (...) ". Si la personne responsable du marché est libre, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure adaptée, de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix, toutefois, doit lui permettre de respecter les principes généraux précités qui s'imposent à elle.

6. Il est constant que la conclusion des contrats entre le COLLEGE JEAN BULLANT et la société GE capital équipement France n'a pas été précédée de mesures de publicité ni de mise en concurrence. Toutefois, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, ce vice imputable au collège qui s'en prévaut, et dont il n'est pas établi qu'il procèderait de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de la part de la société cocontractante ou qu'il aurait affecté les conditions dans lesquelles le collège a donné son consentement, ne saurait être regardé comme d'une gravité telle que le juge doive écarter les contrats liant le COLLEGE JEAN BULLANT et la société GE équipement capital France. A cet égard, la circonstance que la conclusion des contrats litigieux aurait été motivée par l'engagement de la société All burotic de prendre en charge les loyers prévus par les contrats conclus antérieurement par le collège et que ladite société n'aurait pas respecté cet engagement prévu par un contrat daté du 6 avril 2012, est relative à la méconnaissance d'un engagement contractuel mais n'est pas de nature à établir que les contrats litigieux auraient été conclus à l'issue d'une manoeuvre dolosive.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le collège a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la société GE capital équipement France en signant leur première page où il est mentionné qu'il a pris connaissance des conditions générales de location. Il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que ces conditions générales de vente soient rédigés en caractère de petite taille et pour partie au dos du contrat signé ait eu une incidence sur le consentement de l'établissement public requérant. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation doit, en tout état de cause, être écarté.

8. Enfin, en l'absence de vice ayant entaché le consentement du collège, la double circonstance que les conditions financières fixées par ces contrats soient défavorables à cet établissement et que la conclusion des contrats litigieux engage ses finances au-delà des crédits à sa disposition pour l'honorer, n'est pas de nature à justifier que les contrats soient écartés et que le litige ne puisse être réglé sur le terrain contractuel.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du COLLEGE JEAN BULLANT tendant à l'annulation ou à la résiliation des contrats en litige doivent être rejetées sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité.

En ce qui concerne la validité de la clause relative à l'indemnité de résiliation :

10. En vertu de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation.

11. L'article 10.3 des conditions générales de vente du contrat K60804901 et l'article 11.3 des conditions générales de vente du contrat K26361901 prévoient une indemnité de résiliation contractuelle égale à la somme des loyers restant dus jusqu'au terme conventionnel, à laquelle peut s'ajouter selon le bon vouloir de la société GE capital équipement France, une pénalité de 10 % sans lien avec un quelconque préjudice. Cette indemnité ne tient compte ni des éventuelles charges dont la résiliation du contrat dispense la société GE capital équipement France, ni des profits qu'il lui sera possible de tirer des matériels récupérés. Par suite, elle est manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par cette société du fait de cette résiliation. Les clauses d'indemnisation prévues respectivement aux articles 10.3 et 11.3 des contrats en cause, qui sont divisibles des autres clauses du contrat, doivent, dans ces conditions, être regardées comme entachées de nullité.

Sur le montant de l'indemnisation :

En ce qui concerne les loyers échus antérieurement à la date de résiliation :

12. La société CM-CIC leasing a droit au paiement des loyers dus jusqu'au 16 janvier 2015, date de résiliation des contrats en cause, ces montants étant assortis de la pénalité contractuelle de 10% et des intérêts au taux contractuel à compter de la date d'échéance de chaque loyer impayé. Le montant des loyers dus hors pénalité et intérêt s'élève à 22 071,16 euros s'agissant du contrat K26361901, portant sur la location de deux photocopieurs, et à 10 808,84 euros s'agissant du contrat K60804901, portant sur la location d'un photocopieur. Compte tenu des pénalités applicables, la société a droit au versement des sommes de 24 278,28 euros et de 11 889,72 euros en application des contrats. Le COLLEGE JEAN BULLANT n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à verser à la société CM-CIC leasing la somme de 36 168 euros TTC augmentée des intérêts au taux contractuel à compter de la date d'échéance de chaque loyer impayé.

En ce qui concerne le préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat :

13. D'une part, en raison de la nullité qui affecte la clause relative à l'indemnité de résiliation, le COLLEGE JEAN BULLANT est fondé à soutenir que le montant de l'indemnité due à la société CM-CIC leasing du fait de la résiliation anticipée des contrats prononcée par le tribunal administratif au motif qu'il n'a pas procédé au règlement des échéances des 1er avril, 1er juillet et 1er octobre 2014 et 1er janvier 2015, ne peut être calculé par application des stipulations des articles 10.3 et 11.3 des contrats litigieux.

14. D'autre part, en l'absence de faute de sa part, l'entreprise a droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour elle de la résiliation anticipée du contrat, y compris des frais qu'elle établit avoir engagés en vue de l'exécution du marché et du bénéfice qu'elle aurait été en droit d'attendre si le marché n'avait pas été résilié.

15. En premier lieu, le COLLEGE JEAN BULLANT ayant déjà versé, s'agissant du contrat K26361901, la somme de 44 512,09 euros et devant verser, au titre des loyers non payés jusqu'à la résiliation, la somme de 22 071,16 euros, le montant total des loyers dus en application de ce contrat s'élève à la somme de 66 583,25 euros. La société CM-CIC fait valoir qu'elle a acquis les deux photocopieurs, objet du contrat, au prix de 95 680 euros et produit à cet effet la facture du magasin " All burotic ". Si le COLLEGE JEAN BULLANT fait valoir qu'il a pu acquérir deux photocopieurs pour la somme de 7 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, que ces matériels soient comparables à ceux qui ont été mis à sa disposition en application du contrat litigieux et, d'autre part, que la société GE capital Equipement n'ait pas effectivement engagé la somme de 95 680 euros pour l'exécution de ce contrat. Dès lors qu'il est constant que les deux photocopieurs objet de ce contrat, de marque Ricoh, n'ont pu être restitués à la société CM-CIC, qui n'est donc pas en mesure de tirer profit de la revente de ces matériels, cette dernière est fondée à soutenir qu'elle a effectivement exposé la somme de 95 680 euros pour l'exécution du contrat en litige. Dans ces conditions, compte-tenu du montant des loyers versés et des loyers dus, soit la somme globale de 66 583, 25 euros, la société CM-CIC est fondée à demander le versement de la différence entre ces deux sommes, soit la somme de 29 096,75 euros au titre des dépenses exposées.

16. S'agissant du contrat K60804901, le COLLEGE JEAN BULLANT, qui a déjà versé la somme de 21 628,38 euros de loyers et doit encore verser la somme de 10 808,84 euros au titre des loyers non réglés jusqu'à la résiliation du contrat prononcée le 16 janvier 2015, doit donc, en application de ce contrat, la somme globale de 32 437,22 euros. Si la société CM-CIC fait valoir qu'elle a acquis le photocopieur objet du contrat pour un montant total de 46 116,44 euros, elle n'établit pas ne pas être en mesure de tirer profit du matériel, un photocopieur Canon de modèle IR 3225 lui ayant été restitué. Dans ces conditions, le montant des loyers versés et dus par le collège, soit la somme globale de 32 437,22 euros, doit être regardée comme ayant couvert l'ensemble des dépenses supportées par la société CM-CIC leasing pour l'application de ce contrat.

17. En second lieu, l'indemnité due au titre de la résiliation des contrats en cause doit également inclure une indemnité représentative du profit que la société CM-CIC leasing aurait été en droit d'attendre si le marché n'avait pas été résilié. Il résulte de l'instruction que le profit global attendu par la société CM-CIC leasing, s'agissant du contrat n° K26361901 qu'elle évalue en soustrayant du montant des loyers dus sur toute la durée prévue du contrat, soit 124 863,41 euros, la somme qu'elle indique avoir engagée, soit 95 680 euros, s'élève à 29 183,41 euros, soit un bénéfice de 1 389 euros par trimestre. Dès lors que dix trimestres restaient à échoir à la date du 16 janvier 2015, la somme due au titre de la perte de bénéfices espérés en application du contrat K26361901 s'élève à la somme de 13 890 euros. S'agissant du contrat K60804901, le profit global espéré en appliquant la même méthode de calcul s'élevant à 674 euros par trimestre, le droit à indemnité au titre du manque à gagner pour ce contrat s'élève à 6 740 euros. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 11, il n'y a pas lieu de faire application de la clause d'indemnisation en cas de résiliation, les sommes de 13 890 euros et de 6 740 euros, soit un total de 20 630 euros, n'ont pas à être assorties de la pénalité contractuelle de retard ou des intérêts au taux contractuel.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le COLLEGE JEAN BULLANT est seulement fondé à demander que la somme de 75 350 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 janvier 2015, qui a été mise à sa charge par l'article 3 du jugement soit ramenée à la somme de 49 726,75 euros.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

19. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 18VE02499 du COLLEGE JEAN BULLANT tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 18VE04117 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'exécution présentées par la SOCIETE CM-CIC LEASING SOLUTIONS :

20. En premier lieu, aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables. " Art. 1er. (...) II. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. / En cas d'insuffisance de crédits, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l'établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement n'a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle y pourvoit et procède, s'il y a lieu, au mandatement d'office (...) " ".

21. Dès lors que les dispositions législatives précitées permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que la partie perdante est condamnée à lui verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la première tendant à ce qu'il soit enjoint à celle-ci de payer cette somme sous astreinte.

22. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SOCIETE CM-CIC LEASING SOLUTIONS tendant à ce qu'il soit enjoint au collège Jean Bullant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de lui payer sous astreinte les sommes mises à sa charge par le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 juin 2018 tel que réformé par le présent arrêt, doivent être rejetées.

23. En second lieu, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par l'article 3 du jugement du 5 juin 2018, a enjoint au collège Jean Bullant de restituer les photocopieurs objet des contrats de location litigieux dans le délai d'un mois à compter de la désignation du lieu de dépôt de ce matériel par la SOCIETE CM-CIC LEASING SOLUTIONS. Celle-ci soutient que cette partie du dispositif du jugement attaqué n'a pas été exécutée dès lors que le collège a restitué deux photocopieurs de marque Sharp et non deux photocopieurs de marque Ricoh tels qu'ils figurent au " descriptif annexe du matériel loué par l'établissement bailleur " du contrat n° K26361901.

24. Le collège Jean Bullant soutient toutefois qu'il a restitué les seuls photocopieurs qu'il détenait, de marque Sharp, et qu'il n'était plus en possession des deux photocopieurs de marque Ricoh. Il précise à cet égard qu'il a également passé avec la société All burotic, qui était intervenue comme fournisseur de la société GE capital équipement selon les termes du contrat n° K26361901, un contrat de maintenance des photocopieurs objet de ce contrat n° K26361901, et indique que, dans le cadre du contrat de maintenance, cette société a pu être conduite à effectuer des changements de photocopieurs. Il est constant qu'à la date du jugement dont l'exécution est poursuivie, les seuls photocopieurs présents dans les locaux du collège et mis à sa disposition dans le cadre des contrats passés avec la société GE capital équipement et All burotic, étaient les deux photocopieurs de marque Sharp dont il a fait restitution. Dans ces conditions, l'impossibilité matérielle où se trouve le COLLEGE JEAN BULLANT de procéder à la restitution des matériels de marque Ricoh s'oppose à ce que soit prononcée à son encontre une astreinte pour assurer l'exécution du jugement susvisé.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le COLLEGE JEAN BULLANT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société CM-CIC leasing une somme quelconque au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CM-CIC leasing la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le COLLEGE JEAN BULLANT au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n°1500438-1500440 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 juin 2018 est annulé en tant qu'il condamne le COLLEGE JEAN BULLANT à verser à la société CM-CIC leasing la somme de 75 350 euros augmentée des intérêts au taux contractuel.

Article 2 : Le COLLEGE JEAN BULLANT est condamné à verser à la société CM-CIC leasing la somme de 49 726,75 euros.

Article 3 : La société CM-CIC leasing versera au COLLEGE JEAN BULLANT la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18VE02499 du COLLEGE JEAN BULLANT est rejeté.

Article 5 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n°18VE04117 tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1500438-1500440 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 juin 2018.

Article 6 : La requête n° 18VE03809 de la société CM-CIC leasing et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous les requêtes n° 18VE02499 et n°18VE04117 sont rejetées.

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Nos 18VE02499...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02499-18VE04117-18VE03809
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Pascal CABON
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : CABINET CORNET-VINCENT-SEGUREL CVS ; CABINET CORNET-VINCENT-SEGUREL CVS ; CABINET RICHER ET ASSOCIES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-07-25;18ve02499.18ve04117.18ve03809 ?
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