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25/07/2019 | FRANCE | N°18VE00527-18VE00528

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Formation plénière, 25 juillet 2019, 18VE00527-18VE00528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis de sommes à payer n° 4219 émis à son encontre le 30 juin 2016 par le maire de Villepinte pour avoir paiement de la somme de 73 894 euros, de la décharger de l'obligation de payer cette somme et de mettre à la charge de la commune de Villepinte la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606669 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annu

lé l'avis de sommes à payer n° 4219 du 30 juin 2016 en tant qu'il excède la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis de sommes à payer n° 4219 émis à son encontre le 30 juin 2016 par le maire de Villepinte pour avoir paiement de la somme de 73 894 euros, de la décharger de l'obligation de payer cette somme et de mettre à la charge de la commune de Villepinte la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606669 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'avis de sommes à payer n° 4219 du 30 juin 2016 en tant qu'il excède la somme de 52 918 euros, a déchargé Mme D...de l'obligation de payer résultant de cet avis de sommes à payer à concurrence de la somme de 20 976 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande ainsi que les conclusions formées par la commune de Villepinte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 février 2018 et 10 avril 2019, sous le n° 18VE00527, MmeD..., représentée par Me Bazin, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de mettre à la charge de la commune de Villepinte le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la qualification de la faute personnelle qui lui est reprochée ;

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'absence de lien de causalité entre les sommes que la commune entend mettre à sa charge et les décisions qu'elle a pu prendre en qualité de maire ;

- les arrêtés du 31 janvier 2013 portant suspension de Mmes F...et C...et les arrêtés du 3 juin 2013 portant prolongation de cette suspension ne révèlent de sa part aucune faute personnelle détachable du service ; la copie et la diffusion par ces deux agents d'un courriel personnel trouvé dans la boîte de messagerie du maire présentaient un caractère de vraisemblance suffisant ; ces faits caractérisaient l'existence d'une faute suffisamment grave pour justifier la suspension de ces agents qui ont exercé un chantage en vue d'une évolution professionnelle favorable et qui ont manqué à leur obligation de discrétion professionnelle ; la faute qui lui est reprochée ne relève pas d'une préoccupation d'ordre privé ; l'ensemble de la procédure de suspension a été menée par les agents et conseils de la commune de Villepinte ; les mesures litigieuses ne sont pas non plus dues à l'inconduite de l'exposante ou à un excès de comportement ; enfin, la suspension de ces agents ne saurait être qualifiée de faute d'une particulière gravité ;

- les sommes mises à sa charge sont sans lien direct avec les décisions qu'elle a prises en qualité de maire ; la commune a présenté un mémoire en défense à une date où elle n'était plus en fonction ; le jugement n° 1401637 du 7 novembre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil condamne la commune à verser la somme de 13 502 euros à Mme F...et met à sa charge le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative non seulement en raison de l'illégalité de la mesure de suspension dont elle a fait l'objet mais aussi de sa mutation illégale par un arrêté du 15 mai 2014 ; la commune ne faisant pas le partage entre ce qui relève de la première et de la seconde faute, la somme totale de 14 502 euros est sans lien direct avec la faute reprochée à l'exposante ; les frais d'avocat afférents aux mémoires de la commune enregistrés les 27 août 2014 et 22 octobre 2014 ainsi qu'à l'exécution du jugement, soit les sommes de 4 450,50 euros TTC et 4 063,80 euros TTC, doivent être écartés ; il en va de même pour MmeC... ; les frais exposés en appel seront également écartés, soit 4 579,50 euros TTC ; au total, la somme de 57 780 euros, correspondant à la totalité des factures du cabinet Gide, soit 25 671 euros, aux frais irrépétibles, soit deux fois 2 700 euros, et aux dommages et intérêts, soit 26 709 euros, doit être retranchée du titre de recettes ;

- il n'est pas établi que, compte tenu du dépassement du seuil des marchés publics, un marché public a été passé entre la commune et le cabinet Gide.

..........................................................................................................

II. Par une requête enregistrée le 8 février 2018, sous le n° 18VE00528,

MmeD..., représentée par Me Bazin, avocat, demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a soulevé des moyens sérieux concernant la régularité du jugement et le fond du litige ;

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour elle.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Bonfils, rapporteur public,

- les observations de MeG..., substituant Me Bazin pour Mme D...et celles de MeE..., substituant Me H...pour la commune de Villepinte.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 juin 2019, présentée pour la commune de Villepinte.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux décisions du 12 novembre 2012, deux arrêtés du 31 janvier 2013 et deux arrêtés du 3 juin 2013, MmeD..., alors maire de la commune de Villepinte, a invité Mmes C...etF..., adjoints administratifs de 2ème classe, affectées au secrétariat de son cabinet, à demeurer à leur domicile, a suspendu les intéressées de leurs fonctions puis a prolongé leur suspension. Mmes C...et F...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation et, en référé, la suspension de l'exécution des arrêtés du 3 juin 2013 et des refus implicites du maire de Villepinte d'en prononcer le retrait ainsi que la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices résultant de l'illégalité des mesures de suspension. Elles ont également relevé appel des jugements du 7 novembre 2014 en tant que ce tribunal, après avoir jugé que la commune de Villepinte n'établissait pas l'existence d'une faute grave commise par elles, a condamné cette commune à leur verser respectivement les seules sommes de 13 207 euros et 13 502 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité des mesures de suspension. Enfin, elles ont sollicité l'annulation et, en référé, la suspension de l'exécution des décisions du maire de Villepinte des 5 et 15 mai 2014 les réintégrant dans les services de la commune sur des emplois différents de ceux qu'elles occupaient auparavant. La commune de Villepinte, estimant que les diverses sommes exposées par elle à l'occasion de ces litiges provenaient d'une faute personnelle détachable du service commise par MmeD..., maire de la commune de 2008 à 2014, a adressé à cette dernière un avis de sommes à payer, d'un montant de 73 894 euros, conformément à un titre de recettes émis et rendu exécutoire le 30 juin 2016, correspondant aux sommes versées à MmeC..., soit 17 507 euros, à MmeF..., soit 17 802 euros, et aux frais d'avocat s'élevant alors à la somme de 38 585 euros. MmeD..., contestant notamment qu'elle aurait commis une faute personnelle, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler ce titre de recettes et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 73 894 euros. Par la requête susvisée enregistrée sous le no 18VE00527, elle doit être regardée comme relevant appel du jugement du 7 décembre 2017 en tant que le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée de l'obligation de payer la seule somme de 20 976 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Par la requête susvisée enregistrée sous le no 18VE00527, elle demande le sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, il résulte du jugement attaqué et notamment de son point 7 que le tribunal administratif a suffisamment précisé les raisons pour lesquelles il a estimé que les mesures édictées par Mme D...à l'égard de Mmes C...et F...n'avaient eu en réalité pour seul objectif que d'écarter ces agents du service pour des motifs personnels liés à la découverte par les intéressées sur sa messagerie de fichiers comportant des vidéos pornographiques la concernant et que ces agissements, eu égard à leur particulière gravité et aux préoccupations d'ordre privé sur lesquelles ils étaient fondés, révélaient de la part de MmeD... une faute personnelle détachable du service. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute d'une motivation suffisante sur ce point.

3. D'autre part, il ressort des points 7 et 8 du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé que la commune de Villepinte était fondée à rechercher, par la voie d'une action récursoire, le paiement par Mme D...des sommes qu'il l'avait condamnée, par six jugements dont il cite les références, à verser à Mmes C...et F...en conséquence de l'illégalité des arrêtés de suspension des 31 janvier et 3 juin 2013 et qu'en revanche, les sommes mises à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par quatre autres jugements se rapportaient aux décisions de réintégration de Mmes C...et F...prises les 5 et 15 mai 2014 par le successeur de MmeD..., dont l'illégalité était sans lien de causalité directe avec la faute personnelle commise par cette dernière. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'absence de lien direct entre les sommes mises à sa charge par la commune de Villepinte et l'illégalité des décisions qu'elle a prises en sa qualité de maire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence d'une faute personnelle :

4. Si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas pécuniairement responsables envers ces collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice qu'ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de l'exercice de leurs fonctions. Présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité.

5. Il résulte de l'instruction que, le 7 novembre 2012, Mmes C...etF..., adjoints administratifs de la commune de Villepinte, affectées en qualité de secrétaires au cabinet du maire et chargées à ce titre d'assurer le traitement de la messagerie professionnelle de MmeD..., ont découvert, sur cette messagerie, la présence de trois fichiers vidéos à caractère pornographique sur lesquels Mme D...était reconnaissable. Elles ont montré ces courriels au directeur de cabinet qui en a informé MmeD..., alors absente de Villepinte. Par deux décisions du 12 novembre 2012, remises en mains propres aux intéressées, Mme D...a " autorisé " Mmes C...et F...à demeurer à leurs domiciles, avec maintien de leur rémunération, dans l'attente d'une nouvelle affectation. Par deux arrêtés du 31 janvier 2013, elle a suspendu les intéressées de leurs fonctions puis a prolongé leur suspension par deux arrêtés du 3 juin 2013, dont Mmes C...et F...ont sollicité en vain le retrait. La nature des fautes commises par Mmes C...et F...dans l'exercice de leurs fonctions n'a été précisée par aucune de ces mesures de suspension. Mmes C...et F...ont été réintégrées dans les services de la commune par des décisions prises par le successeur de MmeD..., dont le mandat avait pris fin le 30 mars 2014. Les intéressées ont ainsi été tenues éloignées du service pendant plus de seize mois sous le mandat de MmeD.... Pour considérer que Mme D...avait commis une faute personnelle détachable de ses fonctions de maire, la commune de Villepinte a estimé, ainsi qu'il résulte notamment de la lettre du 22 juin 2016 adressée à la requérante, que celle-ci avait, de manière manifestement illégale et sans respecter aucune prescription prévue par les textes, suspendu Mmes C...et F...de leurs fonctions en raison de la découverte par les intéressées de vidéos à caractère intime et que Mme D...avait dès lors agi pour des motifs personnels et en ayant recours à des procédés revêtant une particulière gravité.

6. Mme D...soutient que les mesures de suspension litigieuses ne révèlent de sa part aucune faute personnelle détachable du service dès lors qu'elles étaient justifiées par le comportement gravement fautif de Mmes C...etF..., nécessitant de les tenir temporairement éloignées du service, et qu'elles ont été instruites par les services de la commune avec les conseils de ses avocats.

7. Toutefois, d'une part, si Mme D...fait valoir que Mmes C...et F...ont manqué à leur obligation de discrétion professionnelle en récupérant dans le dossier " brouillons " de sa boite mail, en copiant puis en diffusant les trois courriels comportant des vidéos dont le caractère strictement personnel ne prêtait à aucune confusion, il ne résulte cependant pas de l'instruction que les intéressées, dont les fonctions au cabinet du maire les conduisaient à prendre connaissance des messages figurant dans la messagerie professionnelle de l'élue, se seraient livrées à des manoeuvres pour consulter les messages litigieux et qu'elles les auraient diffusés avant l'intervention de la mesure dont elles ont fait l'objet le 12 novembre 2012. Si Mme D...soutient également que Mmes C...et F...ont exercé sur elle un chantage en vue d'obtenir une évolution professionnelle favorable, il ne résulte pas davantage de l'instruction, en particulier des seules plainte et plainte avec constitution de partie civile de Mme D...des 25 février 2013 et 17 janvier 2014, que Mmes C...et F...auraient menacé de révéler le contenu des vidéos recueillies sur la messagerie professionnelle de la requérante en vue d'obtenir un avantage dans le déroulement de leur carrière. En outre, Mme D...n'apporte aucun élément de nature à expliquer les raisons pour lesquelles elle n'a pas, dans ces conditions, engagé une procédure disciplinaire à l'encontre des intéressées mais a décidé, par des mesures qu'elle a prises personnellement, de les tenir éloignées des services de la commune pendant plus de seize mois, en les maintenant dans une situation administrative non conforme aux dispositions statutaires applicables aux intéressés.

8. D'autre part, ainsi que le fait valoir la commune de Villepinte, Mmes C...etF..., après avoir été " autorisées " à " rester à [leur] domicile " à compter du 12 novembre 2012, par de simples courriers de MmeD..., ont fait l'objet d'arrêtés portant suspension de fonctions le 31 janvier 2013, puis à nouveau le 3 juin 2013, sans qu'aucune action disciplinaire n'ait été engagée et alors qu'elles ne faisaient l'objet d'aucune poursuite pénale, en méconnaissance manifeste des dispositions de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et alors que, de surcroît, le président du conseil de discipline, par un courrier du 12 février 2013 adressé au maire de la commune, avait rappelé à la collectivité qu'elle devait saisir sans délai le conseil de discipline à la suite des arrêtés de suspension du 31 janvier 2013. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en prenant les mesures litigieuses à l'encontre de Mmes C...etF..., A...D...se serait bornée à suivre les recommandations des services de la commune et de ses conseils. Elle a d'ailleurs indiqué aux services de police avoir " demandé à [son] directeur de cabinet que ces deux secrétaires quittent le secrétariat immédiatement dans l'attente d'une autre affectation ". Au demeurant, eu égard à ses fonctions de maire et à la circonstance qu'elle ne pouvait ignorer l'illégalité des mesures qu'elle prenait à l'égard de deux fonctionnaires territoriaux, Mme D...ne peut se prévaloir de la circonstance que l'ensemble des décisions en litige auraient " été prises avec et instruites par des fonctionnaires de la Ville et, en bénéficiant des conseils des avocats de cette dernière " sans que " l'un d'entre eux ait émis la moindre réserve sur le fait qu'elle agissait ici dans le cadre de ses fonctions ".

9. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à la nature, aux conditions dans lesquelles sont intervenues les décisions de suspension édictées par MmeD..., ainsi qu'à leur durée, ces mesures répondaient à l'objectif d'écarter durablement Mmes C...et F...du service pour un motif personnel lié à la découverte de ces vidéos pornographiques. Ces faits, qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire de la commune de Villepinte.

En ce qui concerne les conséquences dommageables de la faute :

10. En premier lieu, si les mémoires en défense présentés pour la commune de Villepinte dans les deux instances n° 1401651 et n° 1401637 ayant donné lieu à sa condamnation à indemniser Mmes C...et F...de leur préjudice résultant de l'illégalité des mesures prononçant leur suspension, ont été enregistrés au greffe du Tribunal administratif de Montreuil à une date à laquelle Mme D...n'était plus en fonction, cette circonstance est cependant sans incidence sur le caractère direct du lien de causalité entre ce préjudice et la faute personnelle imputable à cette dernière. Par ailleurs, si les jugements du tribunal administratif du 7 novembre 2014 rendus dans ces instances retiennent l'existence de fautes de la commune à avoir réintégré Mmes C...etF..., en mai 2014, sur des emplois non équivalents à ceux qu'elles occupaient avant leur suspension, aucun chef de préjudice particulier ne s'en évince, les jugements précisant d'ailleurs expressément dans leur point 11 que la période de responsabilité imputable à la commune de Villepinte a débuté le 31 janvier 2013, date de prise d'effet de la suspension, et a cessé en mai 2014 à la " veille de la date à laquelle les effets de la mesure de suspension ont pris fin ". Ainsi, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que les indemnités, d'un montant de 13 502 euros et 13 207 euros, et les frais d'instance, d'un montant de 1 000 euros dans chaque instance, mis à la charge de la commune de Villepinte par les jugements du 7 novembre 2014, seraient même partiellement imputables à l'illégalité des décisions de réintégration prises par son successeur, de sorte qu'elle devrait être déchargée de la totalité de ces sommes. Enfin, il résulte de l'instruction que les diligences accomplies par le nouvel avocat de la commune du 11 juin 2014 au 24 août 2014 et du 20 octobre 2014 au 9 décembre 2014, en vue de procéder au dépôt des mémoires en défense enregistrés au greffe du tribunal les 27 août 2014 et 22 octobre 2014 et à l'exécution des jugements du 7 novembre 2014, se rattachent aux contentieux engagés par Mmes C...et F...en vue d'obtenir la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices résultant de l'illégalité des mesures prononçant leur suspension. Il en va de même des diligences relatives à l'instance d'appel engagées par les intéressées devant la Cour. Il suit de là que Mme D...n'est pas fondée à solliciter la décharge de la totalité des honoraires du second cabinet d'avocat choisi par la commune, soit 25 671 euros, des frais d'instance exposés par la commune qu'elle évalue à la somme totale de 5 400 euros et des dommages et intérêts versés à Mmes C...etF..., soit au total la somme de 26 709 euros.

11. En deuxième lieu, à supposer même que la commune de Villepinte aurait méconnu les règles de la commande publique pour recourir aux services d'un nouveau cabinet d'avocat en 2014, il n'est pas établi, ni d'ailleurs même allégué, que la somme mise à la charge de Mme D...correspondant à une partie des honoraires facturés par ce cabinet d'avocat à la commune, serait injustifiée ou que son montant excèderait, compte tenu des diligences accomplies et du taux horaire appliqué par ce cabinet, la dépense que la commune aurait normalement dû supporter si elle avait respecté les règles de la commande publique. Dès lors, à supposer même que la commune ait commis une faute sur ce point, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de la somme réclamée à MmeD....

12. Enfin, indépendamment du montant des indemnités allouées aux tiers, il appartient au juge administratif de déterminer le montant du préjudice dont la réparation peut être demandée à l'agent auteur du dommage que la collectivité a dû réparer. Le cas échéant, il incombe au juge d'évaluer la part respectivement prise dans la survenance du dommage fondant l'action récursoire de la collectivité par la faute personnelle commise par l'agent d'une part, et par des faits imputables au service d'autre part. Il résulte de l'instruction qu'alors même que les mesures d'éviction des deux secrétaires prises par Mme D...répondaient en partie à des motifs personnels ainsi qu'il est dit aux points 7 et 8 ci-dessus, elles visaient également à assurer le fonctionnement normal de l'administration municipale susceptible d'être perturbée par la révélation de l'existence des vidéos compromettantes et à permettre au maire de continuer à exercer ses fonctions avec l'autorité nécessaire. Ces éléments, non dénués de lien avec l'intérêt du service, sont de nature à atténuer la responsabilité pécuniaire de Mme D...vis-à-vis de la commune à hauteur d'une partie des dommages dont celle-ci demande réparation à son ancien maire. Il sera fait une juste appréciation de la part prise par la faute personnelle de Mme D...en laissant à la charge définitive de celle-ci la moitié de la somme dont la commune demande réparation et restant en litige. Dès lors que le titre de recettes contesté mettait à la charge de Mme D...la somme de 73 894 euros et que l'intéressée a été déchargée du paiement de la somme de 20 976 euros par le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 7 décembre 2017 devenu définitif sur ce point, ne demeure en litige devant la Cour qu'une somme de 52 918 euros, dont la moitié correspond à 26 459 euros.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme D...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil, par le jugement attaqué, a laissé à sa charge une somme excédant 26 459 euros.

14. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 18VE00527 de Mme D...tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 18VE00528 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par les parties.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme D...est déchargée du paiement de la somme mise à sa charge par le titre de recettes émis à son encontre le 30 juin 2016 par le maire de Villepinte, en tant que cette somme excède 26 459 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1606669 du Tribunal administratif de Montreuil du 7 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18VE00527 de Mme D...est rejeté.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE00528 de MmeD....

Article 5 : Les conclusions de la commune de Villepinte tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

Nos 18VE00527...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 18VE00527-18VE00528
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-02 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Action récursoire.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : BAZIN et CAZELLES AVOCATS ASSOCIES ; BAZIN et CAZELLES AVOCATS ASSOCIES ; BAZIN et CAZELLES AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-07-25;18ve00527.18ve00528 ?
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