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11/07/2019 | FRANCE | N°19VE01584

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 11 juillet 2019, 19VE01584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900884 du 28 février 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2019, M. A...représenté par

Me Partouche-Kohana, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900884 du 28 février 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2019, M. A...représenté par Me Partouche-Kohana, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pour la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3° de lui permettre de saisir l'OFPRA d'une demande d'asile dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ; il est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- la décision de transfert stéréotypée est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 car il risque d'être refoulé sans examen de sa situation au Maroc et donc renvoyé au Mali où il a été esclave ;

- elle méconnait l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'a pas été informé de son droit à faire prévenir son consulat ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen personnel et circonstancié de sa situation notamment au regard du bénéfice de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans la mesure où il n'a aucune attache en Espagne.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Geffroy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant malien, né le 31 décembre 1983, est entré irrégulièrement en France après avoir traversé notamment l'Espagne. Il a présenté une demande d'asile le 31 juillet 2018 au guichet unique des demandeurs d'asile. Le système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été préalablement relevées par les autorités espagnoles, le préfet de la Seine-Saint-Denis a saisi ces autorités, le 22 août 2018, d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement, le 17 septembre suivant. Par un arrêté du 17 janvier 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé le transfert de M. A...aux autorités espagnoles au motif qu'elles sont responsables de l'examen de sa demande d'asile sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. M. A... fait appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative, " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement dont il est fait appel que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a suffisamment répondu à l'ensemble des moyens qui lui ont été soumis par M.A.... Il a notamment suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation aux points 7 et 8 du jugement attaqué. Par suite, les moyens tirés de l'omission à statuer et de la méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix (...) ".

4. M. A...soutient que le préfet n'a pas suffisamment motivé sa décision dès lors qu'il s'est contenté de formules stéréotypées. Toutefois, après avoir visé notamment la convention de Genève du 28 juillet 1951, le protocole de New York du 31 janvier 1967, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et les articles L. 741-1 à L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté contesté mentionne que M. A...est entré irrégulièrement en France, qu'il a sollicité l'admission au titre de l'asile le 31 juillet 2018, qu'à la suite du relevé de ses empreintes, il est apparu qu'elles avaient été enregistrées en catégorie 2, le 2 juillet 2018, en Espagne, que l'intéressé, majeur, ne peut justifier de la présence d'un membre de sa famille bénéficiaire ou demandeur de la protection internationale dans un Etat membre, qu'il est entré irrégulièrement en Espagne, que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 17.1 et 17.2 du règlement n° 604/2013, que marié à une compatriote et père de deux enfants vivant au Mali, il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France. L'arrêté litigieux énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a fondé sa décision et est suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En deuxième lieu, les conditions de notification d'une décision administrative et celles relatives à son exécution n'affectent pas sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral aurait été notifié dans des conditions irrégulières en ne mentionnant pas le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, en méconnaissance de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Aux termes de l'article 13 du même règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul État membre et qu'en principe cet État est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre. Cette faculté laissée à chaque État membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, malgré une erreur de plume sur une date d'entrée en France du 1er février 2017 correspondant à celle à laquelle le requérant a déclaré à l'administration avoir quitté le Mali, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas examiné la possibilité, prévue par les articles 3 et 17 du règlement du 26 juin 2013, d'examiner la demande d'asile présentée et relevant de la compétence d'un autre Etat, en considération d'éléments tenant à la situation personnelle du demandeur, aux défaillances systémiques dans la procédure d'asile et aux conditions d'accueil dans le pays désigné par la décision de réadmission, notamment au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si M. A... se prévaut d'un rapport d'Amnesty international du 26 septembre 2018 relatif aux dysfonctionnements dans l'accueil des migrants et demandeurs d'asile qui ont pu être relevés dans les enclaves espagnoles au Maroc de Ceuta et Melilla, ces éléments ne sont pas de nature à établir que la réadmission de M. A... auprès des autorités espagnoles pour le traitement de sa demande d'asile, qui n'implique pas le renvoi vers ces territoires ni vers le Maroc, serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte au droit d'asile ou d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A...fait valoir qu'il est intégré à la société française, dont il maîtrise la langue et qu'il a un niveau scolaire suffisant pour débuter des études dans l'enseignement supérieur. Toutefois, M. A... qui ne produit aucun document à l'appui de ses allégations, est dépourvu d'attaches familiales en France où il ne résidait que depuis six mois à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cet arrêté a été pris. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait manifestement mal apprécié les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A...doit également être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé son transfert aux autorités espagnoles. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

2

N° 19VE01584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01584
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : PARTOUCHE-KOHANA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-07-11;19ve01584 ?
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