La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2019 | FRANCE | N°19VE00997-19VE01906

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 11 juillet 2019, 19VE00997-19VE01906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au président du Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet des Yvelines a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté préfectoral du même jour décidant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1901328 du 20 février 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.
r>Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019 sous le n° 19VE0099...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au président du Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet des Yvelines a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté préfectoral du même jour décidant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1901328 du 20 février 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019 sous le n° 19VE00997, M.A..., représenté par Me Pacheco, avocat, demande à la Cour :

1° d'être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2° d'annuler ce jugement et ces deux arrêtés ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines, à titre principal, de mettre un terme à la procédure de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, de l'autoriser à solliciter l'asile en France en lui délivrant un dossier de demande d'asile à transmettre à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile, dans un délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une attestation de demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser soit à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, soit au requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordé.

M. A...soutient que le jugement est infondé :

- les décisions de transfert et d'assignation à résidence sont affectées d'incompétence de leur auteur, en l'absence de justification d'une délégation de signature ;

- la décision de transfert a été prise à l'issue d'une procédure méconnaissant l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ;

- elle a été édictée en violation de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la saisine des autorités espagnoles à fin de prise en charge de l'intéressé n'a pas été réalisée dans les conditions, notamment de délai, prévues par les articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 et l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 ;

- la mesure de transfert a été prise en violation des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait du risque de traitement inhumain et dégradant en cas de transfert vers l'Espagne ;

- la décision d'assignation à résidence présente un défaut de motivation ;

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision de transfert.

...............................................................................................................

II. Par une requête, enregistrée le 21 mai 2019 sous le n° 19VE01906, M.A..., représenté par Me Lienard-Leandri, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision de transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile ;

2° d'enjoindre au préfet des Yvelines de reconnaître la France comme responsable de l'examen de la demande d'asile de M.A... ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que le jugement est infondé : la décision de transfert a été prise en méconnaissance des articles 13, 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 dit Dublin III.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le protocole de New York ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit Dublin III ;

- le règlement d'application (CE) n° 1560/2003 modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guével a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 19VE00997 et 19VE01906 présentées pour M. A...sont dirigées à l'encontre du même jugement n° 1901328 du 20 février 2019 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet des Yvelines a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile et l'arrêté préfectoral du même jour décidant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. A...ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er avril 2019 dans l'instance d'appel ses conclusions relatives à l'aide juridictionnelle présentées devant la Cour sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la requête n° 19VE00997 :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Il ressort des décisions du 13 février 2019 par lesquelles le préfet des Yvelines a décidé respectivement de transférer M.A..., ressortissant sénégalais, aux autorités espagnoles, responsables de l'examen sa demande d'asile, et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours qu'elles sont signées de Mme B...C..., directrice des migrations, qui, par un arrêté du 21 décembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 78-2018-189 de la préfecture des Yvelines publié le même jour, a reçu délégation du préfet des Yvelines pour signer en toutes matières ressortissant à ses attributions, tous arrêtés, décisions, documents et correspondances relevant des attributions du ministère de l'intérieur, de l'administration du département, à l'exception des arrêtés présentant un caractère réglementaire ou de principe, des arrêtés portant création ou suppression de syndicats ou de groupements de communes, des actes portant nomination de membres de commissions, conseils ou comités, des décisions attributives de subvention et des arrêtés d'autorisation d'emprunt. Dès lors, Mme N. C... a pu légalement signer les décisions contestées. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur manque en fait et doit, par suite, être écarté.

4. La décision du 13 février 2019 par laquelle le préfet des Yvelines a décidé d'assigner à résidence M. A...pour une durée de quarante-cinq jours comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est par suite suffisamment motivée.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Aux termes des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...)/. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...). ". Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend :/(...). 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées./(...). ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., demandeur d'asile, s'est vu remettre le 14 novembre 2018, soit au début de la procédure d'examen de sa demande d'asile et à la date où ont été relevées ses empreintes digitales, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", ainsi que la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". Ces documents, rédigés en français, langue que l'intéressé, ressortissant sénégalais, n'a pas déclaré ne pas comprendre, et qui ont été établis conformément aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 susvisé, comprennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 doivent être écartés.

7. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur./(...). 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ". Aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. ".

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du " résumé de l'entretien individuel ", que M. A...a bénéficié, le 14 novembre 2018, d'un entretien individuel mené en français. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cet entretien à la préfecture des Yvelines, qui porte la signature de l'agent qui a conduit l'entretien et le cachet de cette préfecture, n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens de l'article 5 mentionné au point 5. Le résumé de l'entretien individuel mené avec le demandeur d'asile et qui selon l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, mentionné au point 5, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'agent qui établit ce résumé n'est pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom et sa qualité. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé aurait été menée en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En vertu des articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, applicable en l'espèce dès lors que M. A...a présenté une nouvelle demande d'asile en France, la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur d'asile doit être envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif (" hit ") Eurodac, tandis que l'Etat membre requis statue sur cette requête dans le même délai courant à compter de la réception de celle-ci. Aux termes de l'article 10 " Transfert suite à une acceptation implicite " : " 1. Lorsque, en vertu de l'article 18, paragraphe 7, ou de l'article 20, paragraphe 1, point c), du règlement (CE) no 343/2003, selon le cas, l'État membre requis est réputé avoir acquiescé à une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, il incombe à l'État membre requérant d'engager les concertations nécessaires à l'organisation du transfert. 2. Lorsqu'il en est prié par l'État membre requérant, l'État membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse. L'État membre responsable est tenu de prendre dans les meilleurs délais les dispositions nécessaires pour déterminer le lieu d'arrivée du demandeur et, le cas échéant, convenir avec l'État membre requérant de l'heure d'arrivée et des modalités de la remise du demandeur aux autorités compétentes. ".

10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du " récapitulatif de la procédure Dublin " concernant M. A...et des accusés de réception électroniques délivrés par l'application informatique " DubliNet " qui portent la référence FRDUB19930201229-780 correspondant au numéro de dossier de l'intéressé figurant sur le " formulaire uniforme pour les requêtes aux fins de reprise en charge " par l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, que le préfet des Yvelines a saisi les autorités espagnoles le 22 novembre 2018 d'une requête à fin de prise en charge de M. A..., dont les empreintes digitales ont été relevées par les autorités espagnoles le 28 août 2018 selon le fichier Eurodac. En l'absence de réponse explicite des autorités espagnoles ainsi saisies, leur accord implicite a été constaté le 7 décembre 2018 à l'expiration du délai de deux semaines prévu, lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, à l'article 25-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé. Les autorités françaises ont, conformément à l'article 10 du règlement (CEE) n° 1560/2003 susvisé, demandé aux autorités espagnoles, le 30 janvier 2019, de confirmer leur responsabilité de l'examen de la demande d'asile de M.A..., ainsi qu'en atteste l'un des accusés de réception électroniques, précités, délivrés par l'application informatique " DubliNet ". Ainsi, la requête aux fins de prise en charge de M. A...a été envoyée aux autorités espagnoles dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif (" hit ") Eurodac, le 14 novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'absence de saisine régulière des autorités espagnoles doit être écarté comme manquant en fait.

11. Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Selon l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement./(...). ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

12. Il résulte de ces dispositions et stipulations qu'un État membre de l'Union Européenne, comme l'Espagne, est présumé respecter ses obligations à l'égard des demandeurs d'asile et ses engagements internationaux découlant de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette présomption est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un risque de traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers.

13. Si M. A...soutient qu'il n'a pas trouvé de place d'hébergement en Espagne et qu'il n'a pu bénéficier de soins médicaux, ces circonstances, à les supposer établies, ne suffisent pas à démontrer l'existence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 3 du règlement, de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

14. En outre, pour les motifs exposés au point 13 et dans la mesure où la faculté pour les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnés au point 11, doivent être écartés.

15. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité de la décision du 13 février 2019 par laquelle le préfet des Yvelines a décidé de transférer M. A...aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, la décision préfectorale du même jour assignant à résidence l'intéressé pour une durée de quarante-cinq jours n'est pas privée de base légale.

Sur la requête n° 19VE01906 :

16. Aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière./(...). ".

17. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du " résumé de l'entretien individuel " mentionné au point 8, que M. A...a déclaré avoir quitté son pays d'origine le 7 juin 2018. Ses empreintes digitales ont été relevées le 28 août 2018 par les autorités espagnoles comme il est dit au point 10. Dès lors, à la date de la décision du 13 février 2019 par laquelle le préfet des Yvelines a décidé le transfert de M. A...aux autorités espagnoles, la responsabilité de celles-ci dans l'examen de la demande d'asile de l'intéressé n'avait pas pris fin. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé manque en fait et doit donc être écarté.

18. Pour les motifs exposés aux points 9 et 10, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé ne peuvent qu'être écartés.

19. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation présentées par M. A... tendant à l'annulation du jugement n° 1901328 du 20 février 2019 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet des Yvelines a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile et l'arrêté préfectoral du même jour décidant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...relatives à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des requêtes présentées par M. A...est rejeté.

2

N° 19VE00997...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00997-19VE01906
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : PACHECO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-07-11;19ve00997.19ve01906 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award