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11/07/2019 | FRANCE | N°18VE03236

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 11 juillet 2019, 18VE03236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2016 par lequel la préfète de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 1702619 du 9 février 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :


Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2018, MmeA..., représentée par Me Morel, avocat, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2016 par lequel la préfète de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 1702619 du 9 février 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2018, MmeA..., représentée par Me Morel, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous condition que ce conseil renonce au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ; les moyens nouveaux, notamment la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soulevés dans le mémoire qu'elle a présenté le 19 janvier 2018 et les pièces jointes n'ont pas été pris en considération par le tribunal ; l'absence de communication au préfet de ce mémoire a méconnu le principe de la contradiction ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa demande ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en méconnaissance de son pouvoir d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les traitements de ses pathologies et leur prise en charge multidisciplinaire ne sont pas disponibles au Mali ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard des forts liens privés qu'elle a tissés en France depuis 2011 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi :

- elles méconnaissent les articles L. 511-4 10° et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des faits de la cause.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Geffroy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante malienne née le 30 mars 1986, entrée en France le 10 février 2011, a été admise au séjour en raison de son état de santé de juin 2012 au 21 octobre 2016. Par arrêté du 14 décembre 2016, le préfet de l'Essonne a refusé de lui renouveler ce titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine dans le délai de trente jours. Mme A...relève régulièrement appel du jugement du 9 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour sollicité par MmeA..., le préfet de l'Essonne s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 7 octobre 2016 indiquant que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, " elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ". Alors que la requérante apporte suffisamment d'éléments en vue de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur l'existence d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine à ses multiples pathologies cardiologique, rhumatologique, urinaire et de santé mentale notamment en ce qui concerne l'accès au traitement par la prégabaline prescrite par le centre du traitement de la douleur de l'hôpital Saint-Antoine et la paroxétine prescrite par le médecin psychiatre de l'établissement public de santé Barthélémy-Durand d'Etampes, lesquelles ne figurent pas sur la liste des médicaments essentiels du Mali, en ligne sur le site internet de l'Organisation mondiale de la Santé, le préfet se borne à produire les trois précédents avis contraires émis de 2013 à 2015 par les médecins de l'agence régionale de santé estimant alors qu'il n'existait pas de traitement approprié au Mali. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A...souffre toujours des mêmes pathologies traitées par plusieurs médicaments qui permettent d'obtenir un contrôle supportable de ses maladies et que le défaut de ces traitements pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité. Le médecin traitant de Mme A...a également rappelé le 19 janvier 2017 que l'ensemble des pathologies existantes à la date de l'arrêté attaqué qu'elle a détaillées avec précisions " nécessite que Mme A... reste sur le sol français pour...les soins ". Ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contredits par le préfet, sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé selon laquelle les traitements appropriés seraient disponibles au Mali. Dans ces conditions, Mme A...est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment en l'absence de précisions suffisantes sur la prise en charge médicale récente de l'intéressée, que le présent arrêt impliquerait nécessairement que le préfet de l'Essonne délivre une carte de séjour à Mme A...sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer la demande de renouvellement de l'intéressée dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Morel, avocat de MmeA..., sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702619 du 9 février 2018 du Tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 14 décembre 2016 du préfet de l'Essonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la situation de Mme A...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de mettre l'intéressée en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Morel, avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

N° 18VE03236 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03236
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : MOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-07-11;18ve03236 ?
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