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18/06/2019 | FRANCE | N°19VE00316

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 juin 2019, 19VE00316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés en date du 26 décembre 2018 par lesquels le préfet du Val-d'Oise a prononcé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1813626 du 4 janvier 2019, le magistrat désigné par le Pr

sident du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir admis M. C... A...au b...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés en date du 26 décembre 2018 par lesquels le préfet du Val-d'Oise a prononcé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1813626 du 4 janvier 2019, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir admis M. C... A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé les arrêtés du 26 décembre 2018 par lesquels le préfet du Val-d'Oise a prononcé son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence, et a enjoint au préfet du Val-d'Oise d'enregistrer la demande d'asile de M. C... A...en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2019, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1813626 du 4 janvier 2019.

Il soutient que M. C... A...n'établit pas que sa demande d'asile ne serait pas traitée en Italie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n ° 604/2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lepetit-Collin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant soudanais né le 1er juillet 1979, est entré irrégulièrement en France. Concomitamment à l'introduction de sa demande d'asile le 7 août 2018, la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été préalablement enregistrées par les autorités italiennes et allemandes. Une demande de reprise en charge a donc été adressée aux autorités italiennes et allemandes le 24 septembre 2018, demande acceptée implicitement par l'Italie le 24 novembre 2018. Par arrêtés en date du 26 décembre 2018, le préfet du Val-d'Oise a ordonné le transfert de M. C... A...aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... A...a demandé l'annulation de ces arrêtés au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par jugement n° 1813626 du 4 janvier 2019, a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet du Val-d'Oise d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement. Le préfet du Val-d'Oise relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ".

3. Pour annuler l'arrêté du 26 décembre 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé de transférer M. C... A...aux autorités italiennes, le magistrat désigné a estimé que le préfet du Val-d'Oise avait méconnu les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors que M. C... A...ne disposait d'aucune garantie quant au traitement auquel il serait soumis en cas de retour en Italie.

4. Si M. C... A...invoque les conditions d'accueil défaillantes et dissuasives des demandeurs d'asile en Italie et soutient qu'il n'aurait pu y déposer sa demande d'asile, il n'établit nullement, par les documents qu'il produit, que les autorités italiennes ne seraient pas en mesure d'assurer son accueil ni d'examiner sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni même qu'il aurait été empêché de déposer une telle demande dans ce pays. Il n'établit pas davantage qu'il se serait vu refuser l'accès à des soins adéquats en Italie et donc aurait été exposé à des risques sérieux de traitements inhumains ou dégradants dans ce pays, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'alinéa 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé pour annuler l'arrêté du 26 décembre 2018 portant remise de M. C... A...aux autorités italiennes ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour décidant son assignation à résidence.

5. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... A...:

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités italiennes :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 18-023, régulièrement publié, le préfet du

Val-d'Oise a donné à Mme B...D..., chef du bureau du contentieux des étrangers, délégation à l'effet de signer la décision attaquée. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...). ".

8. L'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 26 novembre 2018 vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement CE 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté précise également que M. C... A..., de nationalité soudanaise, est entré irrégulièrement en France, s'y est maintenu sans être muni des documents et visa exigés par les textes en vigueur, et détaille les circonstances dans lesquelles les autorités françaises ont été amenées à saisir les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge et celles dans lesquelles ces dernières l'ont implicitement acceptée et doivent dès lors être regardées comme responsables de la demande d'asile de M. C... A.... L'arrêté mentionne également que M. C... A...ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France, qu'il n'établit, ni être dans l'impossibilité de retourner en Italie ni l'existence de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile. Ainsi, l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent. Cette motivation satisfait aux exigences de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... A...avant de prendre l'arrêté contesté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités italiennes ne seraient pas en mesure d'assurer l'accueil de M. C... A...et d'examiner sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il s'ensuit que le préfet du Val-d'Oise n'était pas, dans ces conditions, tenu d'examiner la possibilité pour les autorités françaises de prendre en charge sa demande d'asile.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...). ".

11. Il ressort des pièces produites par le préfet du Val-d'Oise devant le tribunal administratif, notamment du compte-rendu de l'entretien individuel dont l'intéressé a bénéficié avec le concours d'un interprète et qui comporte sa signature, qu'il a certifié avoir reçu communication du " guide du demandeur d'asile " et " l'information sur les règlements communautaires ". Il n'est pas contesté par M. C... A... que ces documents lui ont été remis dans une langue qu'il comprenait. Par la production de ces documents, l'autorité préfectorale justifie, de manière suffisante, avoir remis à l'intéressé les informations prescrites par les dispositions précitées. Par suite, M. C... A...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées auraient été méconnues.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien individuel dont M. C... A...a bénéficié le 7 août 2018 et pendant lequel il a été assisté d'un interprète en langue arabe, aurait, en tout état de cause, été conduit en méconnaissance des garanties de confidentialité prévues par les dispositions précitées. Il ressort en particulier du formulaire rempli selon les éléments apportés par M. C... A...que celui-ci a pu exposer sa situation personnelle avant d'être informé qu'il pourrait être soumis à la procédure dite " Dublin ". Si, comme le fait valoir M. C... A..., le compte-rendu de l'entretien individuel ne mentionne pas l'identité ou la qualification de l'agent de la préfecture du Val-d'Oise qui a mené l'entretien, les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'imposent pas une telle mention. En outre, aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale /. Si le demandeur a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'État membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ".

15. M. C... A...soutient avoir franchi irrégulièrement la frontière italienne le 29 juin 2017 alors qu'il tentait de fuir la Libye et qu'ainsi la responsabilité des autorités italiennes aurait pris fin avant l'intervention de l'arrêté de transfert litigieux. Toutefois, les pièces du dossier ainsi que les dires de M. C... A...établissent que ce dernier est entré une première fois en Italie, y a déposé une demande d'asile avant d'entrer en France où il a fait l'objet d'une procédure de réadmission vers l'Italie exécutée le 23 juillet 2018. Il a alors quitté l'Italie et s'est présenté une deuxième fois aux guichets des demandeurs d'asile de la préfecture du Val-d'Oise le 7 août 2018. Les autorités italiennes ont alors été saisies d'une demande de prise en charge le 24 septembre 2018 conformément aux articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permettent de déterminer l'Etat responsable de la demande d'asile par dérogation aux dispositions de l'article 13 précitées. Le moyen peut donc être écarté.

16. En septième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut (...) requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur (...). ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 26 du règlement : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge (...) d'un demandeur (...), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et applicable à la décision en litige : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement / (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. ". Aux termes de l'article 19 du même règlement : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un point unique d'accès national identifié. 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé réception pour toute transmission entrante. (...) ". Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

17. Il ressort des pièces du dossier, notamment des copies des accusés de réception " DubliNet " produites par le préfet comportant le numéro de référence du dossier de M. C... A..., que la préfecture du Val-d'Oise a été avisée, le 7 août 2018, par la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'intérieur, du résultat positif de la consultation du fichier Eurodac, dans lequel M. C... A...a été enregistré. La demande de reprise en charge de l'intéressé par les autorités italiennes a été formée le 24 septembre 2018 via ce réseau de communication " Dublinet " comme l'atteste l'accusé de réception automatique versé au dossier. Elle est, en outre, confirmée par la réponse automatique du point d'accès national français, en date du 13 décembre 2018, à l'envoi du constat d'accord implicite adressé par la préfecture du Val-d'Oise à destination des autorités italiennes. Ainsi, la réalité de la demande de reprise en charge de M. C... A...dans le délai de deux mois suivant la réception du résultat positif Eurodac et, par suite, l'existence d'un accord implicite de l'administration italienne, sont suffisamment établies.

18. En huitième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (....) ".

19. Il résulte des dispositions précitées que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. En l'espèce, il ressort de la motivation de la décision de transfert que le préfet a examiné les éléments du dossier du demandeur en exerçant le pouvoir d'appréciation prévu notamment par la clause discrétionnaire mentionnée ci-dessus, sans s'estimer lié par l'accord des autorités italiennes. Le moyen tiré de la violation de l'article 17 du règlement susvisé ne peut dès lors qu'être écarté.

20. En dernier lieu, si M. C... A...se prévaut de la méconnaissance des dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'erreur manifeste d'appréciation dont la décision attaquée serait entachée, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision assignant M. C... A...à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision ordonnant son transfert vers l'Italie ne peut qu'être écarté.

22. En deuxième lieu, par un arrêté n° 18-023, régulièrement publié, le préfet du

Val-d'Oise a donné à Mme B...D..., chef du bureau du contentieux des étrangers, délégation à l'effet de signer la décision attaquée. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté.

23. En troisième lieu, aux termes du I de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...). / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois (...) La décision d'assignation à résidence est motivée (...). ".

24. La décision en litige assignant M. C... A...à résidence vise, notamment, les règlements n° 603/2013 et n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil et l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision mentionne également que l'intéressé a fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et que l'exécution de cette mesure demeure une perspective raisonnable. Enfin, elle fait état de ce que M. C... A...ne dispose pas de moyens lui permettant de se rendre en Italie et n'a pas la possibilité d'acquérir légalement ces moyens dès lors qu'il est dépourvu de ressources. Par suite, cette décision, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 précité.

25. En dernier lieu, si M. C... A...soutient que son épouse et ses cinq enfants mineurs se trouvent en France et ont besoin de se déplacer, ces circonstances ne suffisent pas à établir l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 26 novembre 2018 ordonnant le transfert de M. C... A...vers l'Italie, l'assignant à résidence et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé au titre de l'asile dans un délai de quinze jours. Par voie de conséquence, la demande de première instance de M. C... A...et ses conclusions d'appel doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1813626 du 4 janvier 2019 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions d'appel sont rejetées.

9

N° 19VE00316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00316
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-18;19ve00316 ?
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