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18/06/2019 | FRANCE | N°17VE03857

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 18 juin 2019, 17VE03857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ERCA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, la décharge de l'obligation de payer, en droits et pénalités, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er août 2012 au 30 juin 2014 mis à la charge de la société Batimer et dont le paiement lui a été réclamé, à hauteur respectivement des sommes de 1 842 euros et de 46 883 euros,

en sa qualité de codébiteur solidaire de cette société sur le fondement de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ERCA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, la décharge de l'obligation de payer, en droits et pénalités, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er août 2012 au 30 juin 2014 mis à la charge de la société Batimer et dont le paiement lui a été réclamé, à hauteur respectivement des sommes de 1 842 euros et de 46 883 euros, en sa qualité de codébiteur solidaire de cette société sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts et, à titre subsidiaire, à ce que le montant des sommes qui lui sont ainsi réclamées soit ramené à de plus justes proportions.

Par un jugement n° 1609884 du 30 octobre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2017, la SARL ERCA, représentée par Me Balbo, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions litigieuses ;

3° subsidiairement, de ramener le montant des impositions qui lui sont réclamées à de plus justes proportions ;

4° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme dont la Cour déterminera le montant en équité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale n'a pas établi qu'elle avait manqué aux obligations de vérification de son sous-traitant qui lui incombaient en vertu des dispositions du code du travail et auxquelles le service ne saurait ajouter d'obligations supplémentaires ; le service ne fournit d'ailleurs aucun élément permettant de remettre en cause l'authenticité des attestations produites par la société Batimer et justifiant du respect par cette dernière de ses obligations sociales ; le procès-verbal relatif au recours au travail dissimulé par la société Batimer ayant été établi le 30 novembre 2015, soit postérieurement à la fin de leurs relations contractuelles, il ne saurait lui être reproché d'avoir ignoré l'utilisation de travailleurs clandestins par la société Batimer ; l'administration n'établit pas le caractère disproportionné des moyens déclarés et du volume d'activité réalisé par la société Batimer qui, d'ailleurs, ne pouvait caractériser à lui seul l'existence de manquements de la part de cette société à la législation sur le travail ;

- les périodes au cours desquelles elle a été liée par une relation de sous-traitance avec la société Batimer ne correspondent pas totalement à celles au titre desquelles sa responsabilité solidaire est recherchée par l'administration fiscale ;

- les sommes réclamées en principal ne sont pas dues à proportion de la valeur des travaux réalisés, car l'administration fiscale ne prend en compte que la valeur des travaux réalisés et des services fournis et non la rémunération en vigueur dans la profession.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- et les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Batimer, sous-traitante de la SARL ERCA qui exerce son activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er août 2012 au 30 juin 2014. A l'issue de ces opérations de contrôle, le service vérificateur a notifié à la société Batimer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de l'ensemble de la période vérifiée ainsi des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que les majorations correspondantes. La société Batimer, dissoute postérieurement à la notification de ces rehaussements, ne s'est pas acquittée de ces derniers. En conséquence, un avis de mise en recouvrement a été émis le 12 avril 2016 à l'encontre de la SARL ERCA afin de lui réclamer, en sa qualité de codébiteur solidaire de son sous-traitant, le paiement des impositions dues par la société Batimer et des majorations correspondantes, en proportion du chiffre d'affaires qu'elle avait réalisé avec celle-ci. La SARL ERCA fait appel du jugement du 30 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Sur le bien-fondé de l'engagement de la solidarité de paiement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est, conformément à l'article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l'article L. 8222-3 du code précité ".

3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail que toute personne qui conclut un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce est tenue de vérifier, lors de la conclusion de ce contrat et périodiquement jusqu'à la fin de son exécution, que son cocontractant s'acquitte de certaines obligations déclaratives et formalités exigées par la législation du travail. Aux termes de l'article L. 8222-2 du même code : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : / 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; / [...] ". En outre, aux termes de l'article L. 8222-3 de ce code : " Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ".

4. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article D. 8222-5 du code du travail : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale ;(...) ".

En ce qui concerne le respect de l'obligation de vigilance incombant aux donneurs d'ordre :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes non contestés d'un courrier du service chargé de la vérification de la comptabilité de la société Batimer adressé à la SARL ERCA le 20 janvier 2016 la société requérante ne s'est pas assurée auprès de l'URSSAF de l'authenticité des attestations que la société Batimer lui a remises, comme lui en font obligation les dispositions précitées de l'article D. 8222-5 du code du travail. Dans ces conditions, l'administration fiscale a pu, pour ce seul motif, regarder à bon droit la SARL ERCA comme ayant manqué à son obligation de vigilance vis-à-vis de son sous-traitant et mettre en jeu à son égard la solidarité de paiement prévue par l'article 1724 quater du code général des impôts. Les circonstances selon lesquelles la société Batimer n'a fait l'objet d'un procès-verbal pour travail dissimulé que postérieurement à la période au cours de laquelle les impositions litigieuses sont réclamées et que la disproportion entre le nombre de salariés employés par cette société et son volume d'activité ne pouvait permettre à elle seule à la SARL ERCA de soupçonner de la part de son sous-traitant un manquement à la législation sur le travail sont sans incidence sur ce point.

En ce qui concerne l'étendue de la solidarité financière :

6. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a déterminé le montant de la part des impositions supplémentaires et des majorations correspondantes mises à la charge de la société Batimer dont était redevable la SARL ERCA au titre de sa responsabilité solidaire en appliquant à ces impositions, pour les trois périodes courant, respectivement, du 1er août au 31 décembre 2012, du 1er janvier au 31 décembre 2013, et du 1er janvier au 30 juin 2014, un taux correspondant à la part du chiffre d'affaires de la société Batimer correspondant, pour chacune des périodes en cause, aux commandes que lui avait confiées en sous-traitance la SARL ERCA, soit, en l'espèce, 6,19%, 4,04 % et 2,95 %.

7. D'une part, l'application du taux de prorata déterminé dans les conditions énoncées au point précédent conduit, par nature, à limiter l'engagement de la solidarité financière de la SARL ERCA à la seule hauteur de la part de ses commandes dans l'activité de la société Batimer au cours de la période au titre de laquelle la comptabilité de cette dernière société a été vérifiée, alors même que les relations de sous-traitance qu'elle a engagées avec la société vérifiée n'auraient été engagées qu'après le 1er août 2012.

8. D'autre part, les termes du calcul de ce taux de prorata reposent, en ce qui concerne le montant des prestations confiées en sous-traitance à la société Batimer, sur le montant des factures émises par cette dernière à l'intention de la SARL ERCA. Le prix figurant sur ces documents ayant été nécessairement déterminé par le sous-traitant en fonction de la nature des travaux commandés et de la nature des moyens matériels et humains mis en oeuvre à cette occasion, l'administration fiscale doit ainsi être regardée comme ayant déterminé le montant des sommes dont le paiement est demandé à la SARL ERCA dans les conditions prévues par l'article L. 8222-3 du code du travail. La société requérante ne fait d'ailleurs état d'aucun élément permettant d'établir que, comme elle l'affirme, la méthode retenue par l'administration fiscale n'aurait pas permis de prendre en compte, pour déterminer l'étendue de sa solidarité financière, les critères listés par les dispositions précitées du code du travail et, notamment, la rémunération en vigueur dans le secteur, en l'espèce, du bâtiment.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL ERCA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'ailleurs irrecevables faute d'être chiffrées, doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL ERCA est rejetée.

4

N° 17VE03857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03857
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Paiement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : BALBO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-18;17ve03857 ?
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