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13/06/2019 | FRANCE | N°18VE01159

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 13 juin 2019, 18VE01159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1800071 du 6 mars 2018, le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête enregistrée le 5 avril 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1800071 du 6 mars 2018, le président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance et l'arrêté préfectoral ;

2°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de quinze jours à compte de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire " salarié " ou " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

Sur la régularité de l'ordonnance :

- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de l'existence d'une contradiction de motifs ;

Sur la légalité externe :

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

Sur la légalité interne :

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une contradiction de motifs ;

- le préfet s'est cru, à tort, lié par les rejets de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu le 7° de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a méconnu la circulaire du 28 novembre 2012.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Tronel, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...relève appel de l'ordonnance du 6 mars 2018 du président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a pris à son encontre un arrêté lui refusant la délivrance du titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. A l'appui de sa demande, M. A...soutenait notamment que l'arrêté contesté était entaché d'une contradiction de motifs, lorsqu'il est mentionné, d'une part, qu'il a présenté un contrat de travail mais en refusant, d'autre part, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute pour lui de présenter un contrat de travail. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen. Par suite, l'ordonnance doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. MmeD..., chef du bureau du séjour, signataire de l'arrêté contesté, bénéficiait d'une délégation par arrêté du préfet du Val d'Oise, n° 17-023 du 6 avril 2017, régulièrement publié le 14 avril 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet notamment de signer les décisions portant refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

4. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de salarié, le préfet a indiqué que M. A...ne remplissait pas les conditions posées par cet article en se bornant à produire un contrat de travail en vue d'exercer le métier de cuisinier et quelques bulletins de salaire. L'argument dont M. A...se prévaut au titre du moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de délivrance d'un titre de séjour, selon lequel la loi ne quantifie pas le nombre de fiches de paie à produire, se rapporte en réalité à un moyen de légalité interne tiré de l'éventuelle méconnaissance par le préfet de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il demeure sans incidence sur la motivation de la décision contestée, motivation au demeurant suffisante en l'espèce.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En précisant, d'une part, que M. A...ne peut pas prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute de produire un contrat de travail visé par l'autorité administrative en vertu de l'article L. 5221-2 du code du travail et d'autre part, que l'intéressé ne remplit pas davantage les conditions posées par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant seulement d'un contrat de travail et de quelques bulletins de salaires, le préfet, qui a opéré une distinction entre un contrat de travail visé par l'autorité administrative pour l'application de l'article L. 313-10 et un contrat de travail non visé pour l'application de l'article L. 313-14, n'a entaché son arrêté d'aucune contradiction de motif.

6. Contrairement à ce que soutient M.A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par la décision du 21 janvier 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par celle de la Cour nationale du droit d'asile du 9 octobre 2014, rejetant la demande d'asile de l'intéressé.

7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. A l'appui de son moyen tiré de ce que le refus du préfet de régulariser sa situation méconnaît les dispositions précitées, M. A...fait valoir qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il ne vit pas en état de polygamie, qu'il a subi des persécutions en Turquie en raison de son engagement politique et de son appartenance à la communauté kurde. Il soutient en outre qu'il vit en France depuis de nombreuses années au sein de la même famille. Il se prévaut enfin d'un contrat de travail à durée indéterminée, signé le 14 novembre 2016, en qualité de cuisiner, reconnu comme métier en tension dans le Val-

d'Oise, au sein d'une entreprise de restauration rapide ainsi que de bulletins de salaire couvrant la période allant du mois de novembre 2016 au mois de novembre 2017 à l'exception du mois de septembre 2017.

9. Toutefois, d'une part, il n'apporte aucun élément permettant de tenir pour établies les persécutions alléguées. D'autre part, il ne justifie ni de la durée, ni de ses conditions de son séjour en France et ne remet pas utilement en cause l'appréciation du préfet selon laquelle il vit isolé en France depuis 2015. Les éléments évoqués par M. A...ne permettent donc pas de caractériser des considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, la situation professionnelle de M. A...telle que précédemment décrite ne caractérise pas l'existence de circonstances exceptionnelles qui auraient pu conduire le préfet du Val-d'Oise à régulariser sa situation. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la présence en France de M. A...n'est pas établie avant 2015. Il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie où il a vécu jusqu'à 25 ans et où résident ses parents et ses frères et soeurs. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

12. La circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne comporte que des orientations générales qui ne sont pas utilement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre une décision portant refus de titre de séjour. Par suite, M. A...ne peut pas utilement se prévaloir de cette circulaire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. L'exécution du présent arrêt, qui rejette la demande d'annulation de M.A..., n'implique pas que le préfet lui délivre un titre de séjour ou procède à un réexamen de sa situation. Les conclusions d'injonction présentées en ce sens par M. A...doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. A...présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1800071 du 6 mars 2018 du président de la 2ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande de M. A...est rejetée.

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01159
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : BENAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-13;18ve01159 ?
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