Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 9 mai 2016 par laquelle le maire de la commune de Crosne a prononcé son licenciement à la suite de la suppression du poste de directeur du patrimoine.
Par un jugement n° 1605381 du 18 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 9 mai 2016.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 août et 6 décembre 2018, la COMMUNE DE CROSNE, représentée par Me Blard, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu à son argumentaire portant sur la circonstance que l'article 39-5 du décret du 15 février 1988 aurait dû s'appliquer ;
- s'il n'est pas contesté que les agents contractuels en contrat à durée indéterminée et faisant l'objet d'une procédure de licenciement bénéficient, en vertu d'un principe général, d'un droit au reclassement, la mise en oeuvre de ce principe doit se faire conformément aux dispositions réglementaires qui sont intervenues pour en fixer les modalités précises, notamment celles qui sont prévues à l'article 39-5 du décret du 15 février 1988 ; les modalités fixées par le Conseil d'Etat dans sa jurisprudence ne pouvaient être prises en compte qu'en l'absence de dispositions réglementaires adéquates.
.............................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, dans sa version modifié par le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 ;
- le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016 relatif aux commissions consultatives paritaires et aux conseils de discipline de recours des agents contractuels de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour la commune de Crosne et de Me A...pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a exercé, à compter du 1er janvier 2013, les fonctions de directeur du patrimoine au sein de la COMMUNE DE CROSNE, en qualité d'agent contractuel. Par une décision du 9 mai 2016, le maire de la COMMUNE DE CROSNE a prononcé, à la suite à la suppression du poste de directeur de patrimoine, le licenciement de M.B.... Par jugement du 18 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision du maire de la commune précitée qui forme appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la commune requérante soutient que le tribunal administratif aurait omis de répondre à son argumentaire tenant à ce que l'article 39-5 du décret du 15 février 1988 aurait dû s'appliquer, cette circonstance, à la supposer établie, est relative au bien-fondé du jugement et reste sans incidence sur sa régularité.
Sur le fond :
3. Il résulte des dispositions de l'article de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988, pris pour application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, applicable en l'espèce que : " II. Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I du présent article, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 42. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 40. Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40, et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées.(...) IV.-Lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou en cas d'absence de demande formulée dans le délai indiqué au troisième alinéa du II du présent article, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 40. V.-Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 40, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue de ce délai, pour une durée maximale de trois mois, dans l'attente d'un reclassement dans les conditions prévues au I du présent article. (...) En cas de refus de l'emploi proposé par l'autorité territoriale ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié (...). ".
4. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation générale des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, motivé par la suppression, dans le cadre d'une réorganisation du service, de l'emploi permanent qu'il occupait, de chercher à reclasser l'intéressé. Toutefois, si l'administration est tenue au respect de cette obligation de reclassement en vertu de ce principe général du droit, sa mise en oeuvre doit se faire conformément aux dispositions réglementaires en vigueur.
5. L'administration doit ainsi inviter cet agent, en application des dispositions du II de l'article 39-5 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 mentionné plus haut, à présenter une demande écrite de reclassement dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40 et ne peut le licencier que si l'agent refuse de bénéficier de cette procédure de reclassement, ou s'abstient de répondre dans le délai mentionné plus haut, ou en cas d'acceptation de la procédure de reclassement, si ce reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a reçu notification en mains propres de la lettre de licenciement du 9 mai 2016 et que ce courrier, comprenant les mentions prévues par l'article 39-5 mentionné plus haut, invite ce dernier à demander un reclassement dans le délai d'un mois à compter de la réception de cette lettre. Il n'est pas contesté que M. B...n'a pas formé de demande de reclassement dans le délai imparti prévu par cet article et mentionné dans la lettre précitée. Dès lors, la commune est fondée à soutenir qu'elle pouvait prendre une décision de licenciement à l'encontre de M.B..., en application du IV de cet article 39-5, sans avoir à proposer d'emploi à M.B.... Le Tribunal administratif de Versailles ne pouvait ainsi, pour ce motif, annuler la décision du maire du 9 mai 2016.
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif.
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration: "Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. " et aux termes de l'article L. 212-1 du même code : "Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".
9. Il ressort des mentions de la décision attaquée que le prénom, le nom et la qualité de l'auteur de la décision attaquée sont lisibles. La circonstance que la signature ne le soit pas est sans influence sur la régularité de cette décision. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
10. En deuxième lieu, le II de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988, mentionné plus haut, prévoit que lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I de cet article, elle doit préalablement procéder à la consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984. Et l'article 136 de ladite loi, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, prévoit que : " (...) Les commissions consultatives paritaires connaissent des décisions individuelles prises à l'égard des agents contractuels et de toute question d'ordre individuel concernant leur situation professionnelle. Elles sont créées dans chaque collectivité territoriale ou établissement public. (...) Les dispositions relatives à la composition, aux modalités d'élection et de désignation des membres, à l'organisation, aux compétences et aux règles de fonctionnement des commissions consultatives paritaires sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".
11. M. B...soutient que la décision de licenciement du 9 mai 2016 a été prise en méconnaissance des dispositions du II de l'article 39-5 précité, en l'absence de consultation de la commission consultative paritaire. Toutefois, les règles, prévues par l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, relatives à la composition, aux modalités d'élection et de désignation des membres, à l'organisation, aux compétences et aux règles de fonctionnement de ces commissions n'ont été fixées que par le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016, soit postérieurement à la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.
12. En troisième lieu, M. B...soutient qu'il n'a pas été régulièrement convoqué à l'entretien préalable ni informé du délai dans lequel il pouvait présenter une demande écrite de reclassement ou des conditions dans lesquelles ces offres sont présentées. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la lettre de convocation à l'entretien préalable du 19 avril 2016 a fait l'objet d'une remise en mains propres à l'intéressé contre signature et que la lettre de licenciement du 9 mai 2016, remise en mains propres contre signature, mentionne les modalités de reclassement prévues par l'article 39-5 du décret du 15 février 1988. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
13. En quatrième lieu, M. B...soutient que la commune n'établit pas le bien-fondé de la nécessité de supprimer son emploi. Toutefois, il ressort de la délibération du conseil municipal de la commune de Crosne du 13 avril 2016 que la décision a été prise de supprimer cet emploi, après deux ans de fonction, en raison de son peu d'utilité dès lors que la commune ne dispose que d'un patrimoine peu important et que le coût de cet emploi est trop élevé. M. B...n'apportant aucun élément de nature à contester ces éléments de fait, le moyen tiré de l'absence de bien-fondé de la décision attaquée doit être écarté.
14. En dernier lieu, si M. B...soutient que la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir et qu'il aurait été licencié en raison de son état de santé, il n'assortit cette allégation d'aucun élément de nature à en établir le bien-fondé.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE CROSNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du maire de cette commune du 9 mai 2016 portant licenciement de M.B....
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. La COMMUNE DE CROSNE n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, les conclusions de M. B...tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme à verser à La COMMUNE DE CROSNE en application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1605381 du Tribunal administratif de Versailles du 18 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande formée par M. B... tendant à l'annulation de la décision du 9 mai 2016 par laquelle le maire de La COMMUNE DE CROSNE l'a licencié est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de La COMMUNE DE CROSNE et de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
2
N° 18VE02911