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29/05/2019 | FRANCE | N°18VE01564

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 29 mai 2019, 18VE01564


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'État à lui verser la somme de 45 879,39 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 décembre 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et du délai excessif s'étant écoulé entre la lecture du jugement de ce Tribunal annulant cet arrêté et la délivrance de ce titre.

Par un jugement n° 1608410 du 12 septembre 2017, le

Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'État à lui verser la somme de 45 879,39 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 décembre 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et du délai excessif s'étant écoulé entre la lecture du jugement de ce Tribunal annulant cet arrêté et la délivrance de ce titre.

Par un jugement n° 1608410 du 12 septembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2018, M. A..., représenté par Me Mileo, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 45 879,39 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 décembre 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et du délai excessif s'étant écoulé entre la lecture du jugement de ce Tribunal annulant cet arrêté et la délivrance de ce titre, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, Me Mileo, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- entré en France en 2007, il a été muni à compter de l'année 2010 d'une carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le renouvellement de ce titre lui a été refusé par un arrêté du préfet de la Seine-Saint- Denis daté du 26 décembre 2013 ;

- cet arrêté a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 30 octobre 2014, devenu définitif, lequel a, en outre, enjoint au préfet de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois ;

- il n'a cependant été muni que de récépissés de demande de titre ne l'autorisant pas à travailler jusqu'à la délivrance d'une nouvelle carte de séjour temporaire le 17 décembre 2015 ;

- en rejetant illégalement sa demande de renouvellement de titre de séjour par son arrêté du 26 décembre 2013, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une première faute de nature à engager la responsabilité de l'État ;

- l'absence de diligences des services préfectoraux pour exécuter le jugement du 30 octobre 2014 dans le délai qui leur était imparti pour ce faire est constitutive d'une deuxième faute de nature à engager la responsabilité de l'État ;

- l'absence de régularisation de sa situation administrative durant près de deux années lui a causé un préjudice financier résultant de la perte du droit à perception de l'allocation pour adulte handicapé et de l'aide personnalisée au logement, laquelle a eu pour conséquence l'expulsion de son logement ;

- elle lui a également causé des troubles dans ses conditions d'existence ainsi qu'un préjudice moral.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant sénégalais né en 1972, entré en France au cours de l'année 2007 selon ses déclarations, a été muni d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au titre des soins médicaux à compter de l'année 2010. Par un arrêté du 26 décembre 2013, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être reconduit d'office. Par un jugement n° 1404609 du 30 octobre 2014 devenu définitif, le Tribunal administratif de Montreuil a toutefois prononcé l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. Par une demande préalable réceptionnée le 26 août 2016, sur laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a gardé le silence, M. A... a sollicité auprès de l'administration la réparation des préjudices nés de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2013 et du délai excessif s'étant écoulé entre la lecture du jugement annulant cet arrêté et la délivrance d'un nouveau titre de séjour le 17 décembre 2015. L'intéressé relève régulièrement appel du jugement du 12 septembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à ce que l'État soit condamné à réparer ces préjudices.

Sur l'illégalité fautive de l'arrêté du 26 décembre 2013 :

2. Par un jugement n° 1404609 du 30 octobre 2014 devenu définitif, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 26 décembre 2013 rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A...en accueillant le moyen, de légalité externe, tiré de l'irrégularité de la procédure suivie préalablement à son adoption. Le dispositif de ce jugement, ainsi que les motifs qui en constituent le soutien nécessaire, s'imposent à la Cour en raison de l'autorité absolue attachée aux décisions juridictionnelles prononçant l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif.

3. Toutefois, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

4. M. A...fait valoir que le refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposé le 26 décembre 2013 n'aurait, en toute hypothèse, pas légalement pu être adopté au terme d'une procédure régulière en ce qu'il méconnaissait, d'une part, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part, celles du 7° du même article ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision annulée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ".

6. Si M. A...soutient qu'il remplissait, à la date de l'arrêté annulé, l'ensemble des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue par les dispositions précitées, il ne verse aux débats, à l'appui de ses allégations, que deux certificats médicaux postérieurs, pour l'un, de plusieurs mois, et pour l'autre, de plus d'un an à cet arrêté. Dès lors, ces documents, qui sont les seules pièces de nature médicale produites par l'intéressé tant en première instance qu'en appel, sont sans influence sur la légalité de cette décision. M. A...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que celle-ci aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. D'autre part, au terme de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. A... n'établit par la production d'aucune pièce la réalité de sa présence en France depuis l'année 2007. Par ailleurs, il ne conteste pas être célibataire sans charge de famille, ne se prévaut d'aucune attache familiale en France et n'allègue pas être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans au moins. Dès lors, et nonobstant les conséquences, à les supposer avérées, que l'exécution de l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2013 aurait eu sur sa situation professionnelle, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne saurait être regardé comme ayant, par cette décision, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cet arrêté avait été pris. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il ne résulte pas de ce qui vient d'être dit que le refus de renouvellement de titre de séjour opposé à M. A...n'aurait pas pu être légalement pris au terme d'une procédure régulière. Ses conclusions tendant à la réparation des préjudices nés de l'illégalité fautive de cette décision doivent, par suite, être rejetées.

Sur le délai excessif pris pour exécuter le jugement du 30 octobre 2014 :

10. Par le jugement du 30 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 26 décembre 2013, lui a enjoint, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. A...dans un délai de trois mois. Il est cependant constant que la nouvelle instruction de cette demande n'a pris fin que le 17 décembre 2015, date à laquelle l'intéressé a été muni d'une nouvelle carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et que seuls des récépissés de demande de titre de séjour lui ont été délivrés dans cette attente. Celui-ci fait valoir que la durée excessive de l'instruction de cette demande lui a causé des préjudices d'ordre financier et moral jusqu'à la régularisation de sa situation administrative.

11. Le jugement du 30 octobre 2014 n'impliquait toutefois pas, par lui-même, la délivrance du titre dont M. A...a été muni en décembre 2015, mais uniquement un nouvel examen de sa demande. La circonstance que le titre sollicité lui ait finalement été délivré quatorze mois après que l'autorité préfectorale ait été ressaisie de sa demande ne saurait, à elle seule, révéler que l'intéressé remplissait l'ensemble des conditions fixées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité à l'expiration du délai de réexamen prescrit par le Tribunal administratif de Montreuil. Par ailleurs, le certificat médical daté du 12 mars 2014, antérieur de près de huit mois à la date à laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est trouvé ressaisi de la demande de titre de M. A...du fait de l'annulation de son arrêté du 26 décembre 2013, n'est pas de nature à renseigner la Cour sur la situation médicale de l'intéressé à la date de ce réexamen. S'agissant du certificat daté du 11 février 2015, si celui-ci atteste de ce que l'appelant souffrait, à cette date, de deux pathologies distinctes, son auteur, médecin généraliste, se borne à faire état d'un suivi médical régulier et de ce que des interventions correctrices seraient envisagées, sans attester de la nécessité impérative de tels soins ni de la gravité des conséquences, pour l'état de santé de M. A..., si ceux-ci venaient à faire défaut. Dans ces conditions, ce document, nonobstant la circonstance qu'il indique en des termes généraux et stéréotypés que l'intéressé remplirait l'ensemble des conditions de délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait davantage établir que la situation de l'appelant impliquait nécessairement la délivrance de ce titre à l'expiration du délai de réexamen de sa demande fixé au préfet de la Seine-Saint-Denis par le Tribunal. Dès lors, les préjudices d'ordre financier et moral résultant de la tardive régularisation de la situation administrative de M. A...ne sauraient être regardés comme présentant un lien direct de causalité avec la durée excessive de réexamen de sa demande. Ses conclusions à fin d'indemnisation fondées sur cette carence de l'administration doivent, par suite, être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

2

N° 18VE01564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01564
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : MILEO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-29;18ve01564 ?
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