Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme F...J...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1502176 du 21 novembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 janvier 2018 et le 27 juin 2018, M. et Mme J..., représentés par Me Deruelle, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le recours à la procédure de taxation d'office sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales est irrégulier dès lors qu'ils ont a répondu de façon suffisante aux demandes d'éclaircissements et de justifications ;
- ils justifient du caractère non imposable des sommes en litige, qui proviennent de dons familiaux, de ventes de manuscrits et d'espèces appartenant au Sultanat de Bruneï.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bobko,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme J...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les revenus perçus en 2008 et 2009. Au cours de ce contrôle, le service vérificateur leur a adressé, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, une demande de justification de certains versements en espèces et en chèques sur leurs comptes bancaires ainsi que de sommes déclarées en douane. Estimant leur réponse insuffisante pour une partie de ces sommes, l'administration fiscale les a mis en demeure de la compléter, sur le fondement de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales. Faute pour les requérants d'avoir apporté des compléments de réponse considérés comme suffisants par l'administration, cette dernière a taxé d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes de 82 131 euros au titre de l'année 2008 et 69 884 euros au titre de l'année 2009. M. et Mme J...relèvent appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de cette rectification.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle dont les contribuables ont fait l'objet : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. [...] Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. [...] ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. ". L'article L. 69 du livre des procédures fiscales dispose que : " [...] sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ".
3. Pour justifier, en réponse à la demande du service et à la mise en demeure qui leur a été adressée le 18 octobre 2011, de l'origine d'une partie des sommes imposées d'office par l'administration fiscale, M. et Mme J...ont indiqué, en premier lieu, avoir reçu du père du requérant 19 versements en espèces pour un montant total de 30 300 euros en 2018 ainsi que 4 versements en espèces pour une somme de 9 625 euros et 2 chèques d'un montant total de 12 175,22 euros en 2009. Ces sommes devaient permettre à M. J... de venir en aide aux membres de sa famille ayant fui la guerre au Liban et ayant immigré en France. Les requérants ont produit au soutien de leurs allégations une attestation de M. E... M...J..., mentionnant avoir remis à " [s]es fils Mustapha (Stéphane) et Ali (Allan) " en 2008, 35 000 euros et en 2009 " un montant s'élevant à approximativement 14 000 euros et un autre montant s'élevant à 11 000 livres sterling ", ce dernier ayant été versé au moyen de 2 chèques de 6 000 et 5 000 livres. L'attestation de M. E... J..., qui n'est assortie d'aucun document d'identité et qui comporte une date de naissance manifestement erronée, fait état de montants qui ne correspondent pas à ceux pour lesquels l'administration fiscale a demandé des justifications, d'autant plus qu'elle évoque, sans autre précision, un partage entre deux frères. Dès lors, elle ne permet pas d'établir ni l'origine des versements litigieux, ni la réalité des dons allégués.
4. M. et Mme J...ont, en deuxième lieu, expliqué que le chèque de 715,30 euros versés sur leur compte en 2008 et les 15 chèques crédités sur leur compte bancaire en 2009 pour un montant total de 39 137 euros, proviennent de la vente de 7 manuscrits religieux des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Ils ont produit, au soutien de leurs allégations, une attestation, établie a posteriori, par M. D... K..., qui indique avoir acheté ces manuscrits pour un montant qui, en 2008, " s'élève à approximativement 2 000 euros et à 38 000 euros pendant l'année 2009 " et qui " sera échelonné sur plusieurs paiements selon [s]a capacité et payé[es] par des chèques retirés en France ". Cependant, les montants corrigés qui figurent dans cette attestation ne correspondent pas aux montants en litige sur lesquels l'administration fiscale attendait des justifications et aucune précision n'a été apportée quant aux nombres de chèques, à leur montant et à leur date d'émission. Par suite, cette seule attestation ne permettait pas de justifier de l'origine des 16 chèques crédités sur le compte bancaire des requérants entre 2008 et 2009.
5. En troisième et dernier lieu, les requérants ont indiqué que les espèces qu'ils ont déclarées en douane à hauteur de 51 116 euros en 2008 et 8 947 euros en 2009 correspondaient à des fonds transportés depuis le Sultanat de Brunei pour le compte de M. L... A..., architecte, qui s'est rendu en France pour affaires en 2008 et en 2009, et confiés par " le cabinet d'architectes et/ou la famille de M.G... ". Les requérants se sont, toutefois, bornés à produire une attestation établie postérieurement par M. L... A...qui certifie avoir reçu du requérant " la somme totale d'environ " 53 000 euros en 2008 et la " somme totale de 12 000 euros " en 2009, afin de couvrir ses dépenses lors de " [s]on séjour en Europe ", " suite au vol de [s]a carte bleue ". Les montants qui figurent dans cette attestation ne correspondent cependant pas aux sommes litigieuses et les informations relatives au séjour de l'intéressé en Europe et au vol de sa carte bleue demeurent.peu précises Enfin, les attestations produites par les entreprises rencontrées par MM. H...A...et I...n'apportent aucune précision quant aux fonds transportés par les requérants.
6. Il suit de là que les documents produits par les requérants en réponse à la demande de justifications du service du 11 juillet 2011 et à la mise en demeure du 18 octobre 2011, fournissent des informations trop imprécises et invérifiables, quant à l'origine et la nature des crédits portés sur leurs comptes bancaires. L'administration a dès lors pu regarder à bon droit ces explications comme équivalant à un défaut de réponse et, par suite, régulièrement taxer d'office les sommes en litige en application de l'article L. 69, précité, du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
7. La procédure de taxation d'office ayant été régulièrement appliquée à M. et Mme J..., il leur incombe, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de leurs bases d'imposition.
8. Pour établir le caractère exagéré des impositions en litige, M. et Mme J... soutiennent, en premier lieu, qu'une partie des sommes en litige, à hauteur de 30 300 euros pour 2008 et de 21 800 euros pour 2009, proviendrait de dons du père du requérant. Ils produisent, au soutien de leurs allégations, des relevés de compte en livres libanaises au nom de M. E... M...J..., qui révèlent seulement des opérations effectuées par un tiers, M. C... B..., que les requérants présentent comme l'homme de confiance de M. E... J..., sans toutefois l'établir. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'attestation établie par M. E... M...J...ne permet pas d'établir l'origine des sommes en litige. Enfin, ni l'attestation établie a posteriori par une cousine de M. J..., qui déclare avoir remis au requérant des " colis de denrées alimentaires, et argent en liquide en moyenne 2 000 euros ", " à plusieurs reprises " au cours de la période 2006-2011, ni les différents documents administratifs envoyés à des personnes présentées par les requérants comme étant des membres de leur famille et domiciliées chez eux, ne permettent d'établir l'origine des sommes perçues par le requérant. Par suite, M. et Mme J...ne justifient ni de la corrélation entre les retraits opérés en livres libanaises sur les comptes de M. E... J...et les versements litigieux sur leurs comptes bancaires, ni du fait que les sommes encaissées provenaient du père de M.J.peu précises Ils ne peuvent, dès lors, se prévaloir de la présomption d'entraide familiale.
9. M. et Mme J...font état, en deuxième lieu, de la vente de manuscrits anciens pour justifier du versement d'un chèque de 715,20 euros en 2008 et de 15 chèques d'une somme totale de 39 137 euros en 2009. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'attestation de l'acheteur présumé comporte des montants approximatifs qui ne correspondent pas aux sommes que les requérants auraient obtenues de la vente de ces biens. Elle ne mentionne, en outre, aucune information précise sur les modalités de paiement et de livraison des manuscrits. Par suite, ni cette attestation, ni les deux attestations de dignitaires libanais mentionnant que le père de M. J...possédait " plusieurs manuscrits religieux islamiques dans des tableaux artistiques, fait par l'artiste Mahmoud Magdati ", et qu'il en avait légué une partie à son fils, n'apportent la preuve des modalités de la vente des manuscrits et des paiements auxquels elle aurait donné lieu.
10. En troisième et dernier lieu, les requérants allèguent que les sommes de 19 480 euros, 31 636 euros, et 8 947 euros, déclarées en douane respectivement le 4 février 2008, le 3 octobre 2008 et le 25 février 2009, ne leur appartenaient pas mais qu'ils les avaient seulement transportées du Sultanat de Brunei en France pour le compte d'un tiers, à qui ils les avaient remises. Les montants, approximatifs, qui figurent dans l'attestation produite par le bénéficiaire présumé de ces fonds ne concordent, toutefois, pas avec ceux en litige. Par suite, ni ce document, ni les attestations des entreprises rencontrées par le bénéficiaire présumé des fonds et M. J... ne permettent d'établir le bien-fondé des allégations des requérants.
11. Dans ces conditions, les requérants n'établissent pas que les sommes en litige portées au crédit de leurs comptes bancaires correspondraient à des dons familiaux, résulteraient de la vente d'objets personnels ou appartiendraient en réalité à des tiers et qu'elles n'auraient, par suite, pas le caractère de revenus imposables. Ils n'apportent dès lors pas la preuve, qui leur incombe, du caractère exagéré des impositions en litige.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme J... est rejetée.
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N° 18VE00219