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23/05/2019 | FRANCE | N°16VE02895

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 mai 2019, 16VE02895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Romainville et les sociétés Sylvamétal, Valero Gadan et EDPC à lui verser une indemnité de 266 763 euros en réparation des préjudices subis du fait de la présence et du fonctionnement du gymnase Colette Besson à Romainville, selon leur degré de responsabilité déterminé dans le rapport de l'expert judiciaire du 30 novembre 2014.

Par un jugement n° 1504767 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Mont

reuil a condamné la commune de Romainville à verser à M. C...une somme de 38 500 eu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Romainville et les sociétés Sylvamétal, Valero Gadan et EDPC à lui verser une indemnité de 266 763 euros en réparation des préjudices subis du fait de la présence et du fonctionnement du gymnase Colette Besson à Romainville, selon leur degré de responsabilité déterminé dans le rapport de l'expert judiciaire du 30 novembre 2014.

Par un jugement n° 1504767 du 13 juillet 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune de Romainville à verser à M. C...une somme de 38 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Romainville et les sociétés Sylvamétal, Valero Gadan et EDPC.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 septembre 2016 et le 6 juin 2017, M. C..., représenté par Me Marchais, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas statué sur la responsabilité pour faute de la commune de Romainville et pour carence du maire dans l'usage de ses pouvoirs de police et en ce qu'il a inexactement chiffré le montant de la réparation à allouer à M. C...au titre de ses préjudices dus aux nuisances sonores et à la perte d'ensoleillement ;

2° de condamner la commune de Romainville à lui verser les sommes de 10 000 euros au titre de la réparation des préjudices sonores, 30 000 euros au titre des dommages et intérêts nés de la perte d'ensoleillement, 175 000 euros au titre de la valeur vénale de sa propriété, 4 000 euros au titre de la réparation de l'aggravation des conditions d'habitation, 37 763 euros au titre de la réparation de sa terrasse extérieure, 10 000 euros au titre de son préjudice moral et 6 208,02 euros au titre du remboursement des sommes engagées lors de l'expertise judiciaire ; les sommes accordées seront augmentées des intérêts au taux légal ainsi que de la capitalisation des intérêts ;

3° d'enjoindre, en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à la commune de Romainville de procéder dans un délai de deux mois aux travaux nécessaires en vue de remédier aux nuisances sonores subies par M.C... et, à défaut, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de la commune de Romainville du versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité sans faute de la commune de Romainville doit être engagée du fait de l'existence et du fonctionnement du gymnase municipal Colette Besson à raison du préjudice grave et spécial qu'il subit ;

- la responsabilité pour faute de cette commune résulte de l'illégalité fautive tenant au non-respect des règles du plan local d'urbanisme du 25 mars 2009 dans la construction du gymnase ;

- la responsabilité pour faute de la commune de Romainville doit être retenue du fait de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police pour mettre fin aux infractions sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- le requérant a subi les préjudices suivants : préjudice lié aux nuisances sonores, préjudice de perte d'ensoleillement et préjudices corrélatifs, préjudice de perte de valeur vénale de sa propriété, préjudice correspondant au coût de réhabilitation de la terrasse extérieure dégradée par l'humidité, préjudice procédant de l'aggravation des conditions d'habitation, préjudice moral ;

- il a droit au remboursement des sommes engagées lors de l'expertise judiciaire pour 6 208,02 euros.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guével,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Marchais pour M. C...et de MeD..., substituant MeB..., pour la commune de Romainville.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...relève régulièrement appel du jugement n° 1504767 du 13 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune de Romainville à lui verser une somme de 38 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015, en réparation des préjudices qu'il a subis et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. C...a recherché devant le Tribunal administratif de Montreuil, outre l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune de Romainville, celle fondée sur la faute de la collectivité résultant, d'une part, de l'irrégularité de la hauteur de construction du gymnase Colette Besson, et, de la carence du maire de Romainville dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tire de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, la reconnaissance de la faute du maire de cette commune éventuellement commise dans la délivrance de l'autorisation de construire l'ouvrage litigieux n'impliquerait que l'indemnisation de préjudices déjà réparés par la reconnaissance de la responsabilité sans faute lié à l'existence de cet ouvrage. En outre, la faute éventuelle résultant de la carence du maire dans l'exercice de son pouvoir de police ne saurait être constatée qu'après écoulement d'un délai d'inaction de la part de l'autorité municipale, circonstance qui aurait pour effet de réduire la période d'indemnisation. Par suite, dans la mesure où la reconnaissance d'une telle faute n'aurait pas permis au requérant de prétendre à une indemnisation de son préjudice plus favorable que celle qui lui a été allouée par le jugement entrepris en réparation des préjudices liés à la présence et au fonctionnement d'un ouvrage public, le jugement du Tribunal administratif de Montreuil, s'il s'est abstenu de se prononcer sur la faute ainsi invoquée, n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif.

Sur la responsabilité de la commune de Romainville :

3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise et du rapport acoustique, que le gymnase Colette Besson en cause, implanté à 2,50 mètres de la propriété de M. et Mme C...et mis en service à une date postérieure à l'installation de ces derniers en 2002, connaît des périodes d'utilisation, en particulier les jours de semaine jusqu'à 22 heures et les jours de week-end, provoquant des nuisances sonores liées à l'action de joueurs et à l'utilisation de ballons de sport lors des entraînements et des compétitions. La circonstance que les bruits émanant du gymnase ne dépasseraient pas les valeurs limites réglementaires fixées par le code de la santé publique est sans incidence sur l'appréciation du dommage. En outre, la présence de cet équipement public municipal cause aux intéressés à la fois une perte d'ensoleillement et une perte de vue imputables à la seule présence de cet ouvrage. En revanche, l'illégalité affectant une autorisation d'urbanisme ne saurait par elle-même suffire à caractériser l'anormalité du préjudice. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la gêne subie par M. et Mme C... du fait de l'existence et du fonctionnement du gymnase excède les inconvénients que doivent normalement supporter sans indemnisation, dans l'intérêt général, les tiers résidant à proximité d'un ouvrage public. A défaut de démontrer que les intéressés auraient réalisé postérieurement à la réception du gymnase en 2012 des aménagements de leur habitation, par la création d'un pont phonique, qui seraient à l'origine des troubles de jouissance précités, la commune de Romainville n'établit pas que M. et Mme C...auraient commis des fautes, ni accepté un risque, de nature à l'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité. Dans ces conditions, le dommage subi par les intéressés revêt un caractère grave et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de la commune de Romainville en sa qualité de maître d'ouvrage du gymnase litigieux, ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Montreuil. Les conclusions incidentes présentées sur ce point par la commune de Romainville doivent être rejetées.

4. Dans la mesure où, comme il est dit au point 2, la reconnaissance d'une faute imputable à la commune de Romainville ou à son maire n'aurait pas permis à M. C...de prétendre à une indemnisation de son préjudice plus favorable que celle résultant de la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de la commune, il n'y pas lieu pour la Cour de se prononcer sur ce fondement de la responsabilité.

Sur les préjudices indemnisables :

5. Les premiers juges n'ont pas fait une injuste appréciation du préjudice représentatif des troubles de jouissance procédant des nuisances sonores et de la perte d'ensoleillement dégradant le confort visuel de l'habitation de M. et Mme C...en allouant au requérant une somme de 6 000 euros.

6. Par ailleurs, M. et Mme C...ont subi une perte de valeur vénale de leur propriété en raison de l'existence et du fonctionnement du gymnase Colette Besson appartenant à la commune de Romainville. Le requérant, qui se borne à discuter la hauteur supposément irrégulière du gymnase municipal, ne produit en appel aucun élément de nature à modifier l'indemnisation de ce chef de préjudice. Dans ces conditions, le Tribunal administratif de Montreuil a fait une exacte appréciation du préjudice correspondant à ce dommage permanent en le fixant à hauteur de 5 % de la valeur de 650 000 euros du bien immobilier des intéressés, soit une somme ressortant à 32 500 euros attribuée en réparation de la perte de valeur vénale de cette propriété.

7. M. C...n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune de Romainville à l'indemniser du préjudice résultant du coût de réhabilitation de la terrasse extérieure de sa maison d'habitation, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait imputable au gymnase municipal. Le préjudice procédant de l'aggravation des conditions d'habitation subies n'est pas distinct des troubles de jouissance qui sont réparés comme il est dit au point 5. La réalité du préjudice moral allégué n'est pas établie.

8. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement entrepris, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné la commune de Romainville à verser à M. C... une indemnité de 38 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015, date de réception de la demande indemnitaire préalable par la commune ci-dessus, en réparation des préjudices subis du fait de l'existence et du fonctionnement du gymnase municipal Colette Besson. Par suite, la requête de M. C...et les conclusions incidentes présentées sur ce point par la commune de Romainville doivent être rejetées.

Sur la capitalisation des intérêts alloués :

9. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 6 juin 2017 devant la Cour. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 30 avril 2016, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions en injonction :

10. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. Lorsqu'il met à la charge de la personne publique la réparation d'un préjudice grave et spécial imputable à la présence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, il ne peut user d'un tel pouvoir d'injonction que si le requérant fait également état, à l'appui de ses conclusions à fin d'injonction, de ce que la poursuite de ce préjudice, ainsi réparé sur le terrain de la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage, trouve sa cause au moins pour partie dans une faute du propriétaire de l'ouvrage. Il peut alors enjoindre à la personne publique, dans cette seule mesure, de mettre fin à ce comportement fautif ou d'en pallier les effets.

11. Il résulte de l'instruction que si M. C...soutient que " la commune de Romainville n'a pris aucune disposition pour remédier aux nuisances sonores subies par le requérant " et que " la défaillance de la commune de Romainville a porté préjudice à la santé de [son] épouse ", il ne peut pas être regardé comme faisant ainsi état, à l'appui de ses conclusions à fin d'injonction, de ce que la poursuite de son préjudice, réparé sur le terrain de la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage, trouve sa cause au moins pour partie dans une faute du propriétaire de l'ouvrage. Dans ces conditions, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Romainville de procéder dans un délai de deux mois aux travaux nécessaires pour remédier aux nuisances sonores subies par M.C... et, à défaut, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

12. Si M. C...demande le remboursement à hauteur de la somme de 6 208,02 euros des dépenses engagées à l'occasion de l'expertise judiciaire, il résulte de l'instruction que le Tribunal administratif de Montreuil a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 20 142 euros par ordonnance du 6 février 2015 de son président, à la charge de la commune de Romainville et a condamné celle-ci à rembourser au requérant la somme de 3 000 euros correspondant à l'allocation provisionnelle avancée par l'intéressé. M. C...ne justifie pas avoir exposé des dépens supérieurs à la somme de 3 000 euros ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Romainville une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Romainville présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les intérêts sur la somme de 38 500 euros que la commune de Romainville a été condamnée à verser à M. et MmeC..., échus à la date du 30 avril 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La commune de Romainville versera à M. C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. C...et les conclusions incidentes de la commune de Romainville sont rejetés.

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N° 16VE02895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02895
Date de la décision : 23/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Lutte contre les nuisances sonores et lumineuses.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SELARL HERMEXIS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-23;16ve02895 ?
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