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16/05/2019 | FRANCE | N°18VE00393

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 16 mai 2019, 18VE00393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Catherine B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1607190 du 4 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête et un mémoire enregistrés le 4 février 2018 et le 16 janvier 2019, M. et Mme B..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Catherine B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1607190 du 4 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 février 2018 et le 16 janvier 2019, M. et Mme B..., représentés par Me Montravers, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale ne leur a pas communiqué les documents sur lesquels elle s'est appuyée pour établir l'imposition en litige, en violation des dispositions des articles L. 57, L. 76 B et L. 81 du livre des procédures fiscales ;

- le service n'établit pas le bien-fondé du rehaussement relatif à l'avantage occulte qui serait, selon lui, caractérisé par la prise en charge par la SAS Emissaires de voyages effectués à titre purement personnel au Maroc, alors-même que les dates d'entrée et de sortie de ce territoire mentionnées sur leurs passeports diffèrent de celles correspondant aux voyages évoqués par l'administration fiscale ;

- il n'établit pas davantage l'appréhension effective du montant d'une prestation d'apporteur d'affaires effectuée pour le compte de la SAS Emissaires et réglée par celle-ci à la société Kivera Enterprises LTD, immatriculée à Chypre ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée s'agissant des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Emissaires a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration fiscale a identifié, d'une part, la comptabilisation de charges qu'elle a estimé injustifiées correspondant à des voyages au Maroc et à La Réunion offerts par cette société à M. A...B...et à sa famille, et d'autre part, le paiement de prestations d'apporteur d'affaires effectuées par l'intéressé à la société Kivera Enterprises Ltd, immatriculée à Chypre, État que l'administration fiscale a estimé doté d'un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, le service vérificateur a ainsi adressé à M. et Mme B...une proposition de rectification datée du 21 juillet 2014 leur notifiant des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 et de contributions sociales au titre de l'année 2011, assorties de majorations diverses, à raison de la réintégration de ces deux opérations au sein de leur revenu imposable. A la suite de l'admission partielle de leur réclamation préalable, les intéressés ont sollicité du Tribunal administratif de Montreuil la décharge des impositions restant en litige. M. et Mme B...relèvent régulièrement appel du jugement du 4 décembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 13 juin 2018, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, le directeur de contrôle fiscal Ile-de-France ouest a prononcé un dégrèvement partiel des impositions litigieuses à hauteur de la somme de 678 euros, correspondant à l'abandon de la majoration de 25 %, en droits et pénalités, de l'assiette des contributions sociales sur les avantages occultes initialement infligée aux appelants. Dès lors, leurs conclusions à fin de décharge de ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. (...) / Le droit prévu au premier alinéa s'exerce sur place ou par correspondance, y compris électronique, et quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. (...) ". L'article L. 76 B de ce livre dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

4. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, l'obligation qui lui est ensuite faite de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société.

5. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à la proposition de rectification qu'ils ont reçue le 28 juillet 2014, les appelants ont, par le truchement d'un courrier de leur conseil réceptionné par l'administration fiscale le 6 août 2014, notamment sollicité la communication d'éléments et de documents concernant la comptabilité de la SAS Emissaires ayant fondé les impositions en litige. Il n'est pas contesté que l'administration n'a pas répondu à cette demande avant de procéder à la mise en recouvrement de ces impositions le 31 décembre 2014. Si le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que les documents dont M. et Mme B... ont sollicité la communication n'étaient pas détenus par ses services mais uniquement par la SAS Emissaires, vers laquelle il appartenait aux contribuables de se tourner selon lui, il résulte de l'instruction que cette absence de détention desdits documents, qui ne pouvait se déduire des seules énonciations de la proposition de rectification, n'a pas été portée à la connaissance des appelants avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Ceux-ci n'ont, de ce fait, pas eu la possibilité d'obtenir communication de documents dont il est constant qu'ils ont fondé ces impositions, et de débattre utilement de leur pertinence et de leur teneur, avant cette mise en recouvrement. Il résulte de cette circonstance et de la volonté clairement exprimée par les appelants de bénéficier des garanties prévues par l'article L. 76 B précité du livre des procédures fiscales que ceux-ci ont, dès lors, été privés de ces garanties. Les suppléments d'impositions restant en litige doivent, par suite, être regardés comme ayant été établis au terme d'une procédure irrégulière.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions restant en litige.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2011 à hauteur de la somme de 678 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1607190 du Tribunal administratif de Montreuil du 4 décembre 2017 est annulé.

Article 3 : M. et Mme B...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et du surplus des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 restant en litige.

Article 4 : L'État versera à M. et Mme B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 18VE00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00393
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Droit de communication.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SELARLU JUDIJURISOL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-16;18ve00393 ?
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