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16/05/2019 | FRANCE | N°18VE00197

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 16 mai 2019, 18VE00197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1703208 du 16 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil les a déchargés de la part des cotisations supplémentaires de contributions sociales ayant résulté de la majoration de 25 % de leur base imp

osable au titre des années 2009 et 2010 et a rejeté le surplus de leur demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1703208 du 16 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil les a déchargés de la part des cotisations supplémentaires de contributions sociales ayant résulté de la majoration de 25 % de leur base imposable au titre des années 2009 et 2010 et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 janvier et 7 décembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me Guidet, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la comptabilité de la SELARL Pharmacie Flandres Littoral étant sincère et probante, c'est à tort que l'administration fiscale l'a rejetée pour en reconstituer les recettes ;

- les éléments avancés par le service n'étant en tout état de cause révélateurs d'aucune manoeuvre frauduleuse, c'est à tort que la majoration de 80 % prévue par le c. de l'article 1729 du code général des impôts leur a été infligée à raison des revenus distribués en conséquence de la reconstitution des recettes de la SELARL Pharmacie Flandres Littoral, dont M. A...est associé ;

- leurs conclusions tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré prévue par le a. du même article sont recevables, dès lors que cette imposition a été incluse dans le quantum de leur réclamation préalable et que tout moyen nouveau est recevable en cours d'instance ;

- le manquement consécutif à la remise en cause de la déduction d'une somme correspondant au transfert d'un contrat dit " Madelin " de la base de leur revenu imposable ne revêtant aucun caractère délibéré, c'est également à tort que cette majoration leur a été infligée à raison de cette opération.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Illouz, conseiller,

- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Pharmacie Flandres Littoral a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration fiscale a rejeté sa comptabilité en estimant celle-ci ni sincère, ni probante, avant de reconstituer ses recettes. Estimant que cette reconstitution était susceptible de révéler l'existence de revenus distribués par cette société à M. A..., qui en était l'un des associés, le service vérificateur a initié un examen de la situation fiscale personnelle de celui-ci et de son épouse au terme duquel des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis de diverses pénalités, ont été mis à leur charge au titre des exercices 2009 et 2010. Par un jugement du 16 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé M. et Mme A...de la part des cotisations supplémentaires de contributions sociales ayant résulté de la majoration de 25 % de leur base imposable au titre de ces deux années. Les intéressés relèvent appel de l'article 3 de ce jugement par lequel les premiers juges ont rejeté leur demande tendant à la décharge du surplus de ces impositions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Il résulte de l'instruction que les impositions en litige résultent notamment de la réintégration, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers perçus par les appelants en 2009 et en 2010, des bénéfices de la SELARL Pharmacie Flandres Littoral, dont M. A...est associé majoritaire et co-gérant, ces recettes ayant elles-mêmes fait l'objet d'une reconstitution consécutive au rejet de la comptabilité de la société. Les appelants font valoir que cette comptabilité était sincère et probante, et que le service vérificateur ne pouvait, de ce fait, la rejeter.

3. Il résulte cependant de l'instruction qu'au cours des opérations de vérification, l'administration fiscale a constaté que la SELARL Pharmacie Flandres Littoral utilisait un logiciel de gestion comptable dénommé " Alliance + " par lequel elle était supposée procéder à l'enregistrement de l'intégralité de ses opérations, mais également que ce logiciel était doté d'une fonctionnalité masquée permettant la suppression de certaines opérations réglées en espèces, lesquelles disparaissaient ainsi du journal de caisse et des autres fichiers émanant de ce logiciel. Il résulte également de l'instruction que le vérificateur a constaté l'absence d'environ 4 000 factures et 2 000 règlements en espèces au cours de chacun des deux exercices vérifiés, ainsi qu'une discordance entre les quantités facturées et celles archivées dans le fichier statistique du logiciel. En se prévalant de la faiblesse du nombre et du montant des factures manquantes rapporté au volume d'activité de la société, les appelants ne contestent pas la matérialité de ces constatations. Si M. et Mme A...font également valoir que ces erreurs sont susceptibles d'avoir de multiples origines, ils ne produisent cependant au soutien de leurs allégations qu'un courrier émanant de l'éditeur du logiciel " Alliance + " énumérant en des termes conditionnels et peu circonstanciés les différents types de dysfonctionnements susceptibles d'affecter l'utilisation du logiciel. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise versé aux débats par l'administration fiscale, que ce logiciel génère une numérotation suivant une série continue et journalière, dénommée " chrono ", dont l'analyse a mis en lumière des ruptures de la continuité numérique de cette série, cette rupture ne pouvant s'expliquer que par des suppressions d'opérations préalablement enregistrées au sein du logiciel. Il s'ensuit que les co-gérants de la SELARL Pharmacie Flandres Littoral doivent être regardés comme ayant nécessairement fait usage de cette fonctionnalité permettant la suppression d'opérations. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la comptabilité de cette société tenue au moyen de ce logiciel n'était ni sincère, ni probante pour la rejeter.

4. Les appelants ne contestent par ailleurs devant la Cour ni la pertinence de la méthode de reconstitution employée par le service, ni la disposition effective des sommes que M. A... est présumé avoir appréhendées en sa qualité d'associé de la société en application du 2° du 1. de l'article 109 précité du code général des impôts. Leurs conclusions tendant à la décharge, en droits, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis à raison de la réintégration de la quote-part des bénéfices reconstitués de cette société dans leurs revenus de capitaux mobiliers doivent, par suite, être rejetées.

En ce qui concerne les pénalités :

S'agissant de la majoration pour manoeuvres frauduleuses :

5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3. que les associés de la SELARL Pharmacie Flandres Littoral ont, par l'utilisation d'une fonctionnalité occulte d'un logiciel comptable, cherché à minorer artificiellement le résultat de cette société et, partant, le montant de l'impôt dû. Au regard des caractéristiques techniques inhérentes à cette fonctionnalité, qui n'a pu être activée par inadvertance dès lors que son utilisation est subordonnée à une complexe navigation dans les menus du logiciel et à la détention d'un mot de passe dont la communication devait être sollicitée auprès de son éditeur, et des conséquences financières et comptables nécessairement espérées de cette utilisation, le ministre de l'action et des comptes publics apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, de l'existence de manoeuvres frauduleuses. C'est, par suite, à bon droit que l'administration fiscale a infligé à M. et Mme A..., à raison des bénéfices reconstitués de la société réintégrés dans leurs revenus de capitaux mobiliers, la majoration de 80 % prévue par le c. de l'article 1729 du code général des impôts.

S'agissant de la majoration pour manquement délibéré :

7. En vertu des dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts précité, les inexactitudes relevées dans une déclaration entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré du contribuable.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a également réintégré dans la base du revenu imposable des appelants une somme correspondant au transfert d'un contrat dit " Madelin " dont ils avaient initialement opéré la déduction, faute, pour eux, d'avoir pu justifier du versement effectif de cette somme. M. et MmeA..., sans contester l'existence de cette inexactitude déclarative à l'origine de ce rehaussement, sollicitent la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont celui-ci a été assorti en se prévalant du caractère involontaire de ce manquement.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification datée du 13 juillet 2012, que l'administration fiscale a fondé l'infliction de cette pénalité sur la circonstance que M. et Mme A...ne pouvaient nécessairement pas ignorer, selon elle, l'absence de tout décaissement effectif depuis leur compte bancaire de la somme déduite, eu égard, notamment, à l'importance de celle-ci. Les appelants produisent un courrier de leur assureur, daté du 6 août 2010, par lequel celui-ci déclare avoir reçu le 8 juillet 2010 un versement exceptionnel d'un montant de 20 848,37 euros, lequel correspond à la somme initialement déduite de l'assiette de leur revenu imposable, " au titre du transfert de la provision mathématique du contrat souscrit auprès de CIC DE GRANDE-SYNHTE sous le numéro MADELIN ". Toutefois, ce courrier, en raison de ses termes insuffisamment explicites, n'est pas, à lui seul, susceptible de révéler l'existence d'une véritable opération de décaissement de la somme qu'il mentionne de nature à induire en erreur les appelants, en lieu et place d'un simple transfert entre les comptes bancaires qu'ils détiennent. Dans ces conditions, l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement commis. C'est, par suite, à bon droit qu'elle a pu infliger aux appelants la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions restant en litige. Leur requête doit ainsi être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

2

N° 18VE00197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00197
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SELARL GUIDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-16;18ve00197 ?
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