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14/05/2019 | FRANCE | N°17VE03555

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 14 mai 2019, 17VE03555


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS VENTE-PRIVEE.COM a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rehaussements d'impôt sur les sociétés et contributions additionnelles au titre de la réintégration de provisions, à concurrence respective de 430 579 euros et 17 962 euros au titre des exercices clos en 2011 et 2012, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700330 du 5 octobre 2017, le

Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS VENTE-PRIVEE.COM a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rehaussements d'impôt sur les sociétés et contributions additionnelles au titre de la réintégration de provisions, à concurrence respective de 430 579 euros et 17 962 euros au titre des exercices clos en 2011 et 2012, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700330 du 5 octobre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 novembre 2017, 17 juillet 2018 et 3 janvier 2019, la SAS VENTE-PRIVEE.COM, représentée par Me A..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer les décharges correspondantes ;

3° à titre subsidiaire, de saisir l'ordre judiciaire d'une question préjudicielle tendant à l'interprétation des dispositions de l'article L. 123-14 du code de commerce ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour calculer la provision pour charges liée à l'utilisation des bons de parrainage auxquels ses clients pourront prétendre à raison des ventes réalisées au cours des exercices litigieux, elle est fondée à tenir compte de la valeur faciale des bons de parrainage ;

- par deux décisions du 2 juin 2006 n° 269997, Sté Lever Faberger France et n° 269998, Sté Unilever France, le Conseil d'Etat a admis qu'une société puisse déduire une provision pour charges à raison des bons de réduction qu'elle remet à ses clients à l'occasion de la vente d'un produit et qui pourront être utilisés pour une vente ultérieure ;

- une réduction de recettes est susceptible de faire l'objet d'une provision pour charges si les recettes correspondantes sont comptabilisées au titre de l'exercice litigieux ; la charge liée à l'utilisation des bons de réduction correspond aux recettes comptabilisées au titre des ventes à l'origine de l'attribution des chèques-cadeaux et auxquelles la société renonce ainsi ; cette position a été confirmée par l'avis du Conseil d'Etat du 27 octobre 2009, n°383197 s'agissant des programmes de fidélisation de la clientèle pour lesquels la réduction est attribuée lorsque les achats d'un client excèdent un certain montant ;

- l'avis du comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité n° 2004-E du

13 octobre 2004 prévoit que lorsque l'avantage consiste en une réduction à proportion de droits accumulés accordés aux clients au titre des ventes antérieures et utilisable à l'occasion de ventes futures, la provision est calculée selon la valeur faciale de l'avantage accordé ; la doctrine comptable prévoit la constitution de provision au titre des réductions contractuelles de prix à accorder au titre des opérations réalisées au cours de l'exercice ; l'interprétation de l'expression " réduction monétaire remboursable en espèces " retenue par le Tribunal administratif de Montreuil consistant à instaurer une différence de traitement selon que l'avantage octroyé aux clients donne lieu à un paiement en espèces ou à compensation sur le prix d'un produit, apparaît non justifiée et parfaitement artificielle.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dibie,

- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la SAS VENTE-PRIVEE.COM.

Une note en délibéré présentée pour la SAS VENTE-PRIVEE.COM, par MeA..., a été enregistrée le 24 avril 2019, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS VENTE-PRIVEE.COM, qui propose des ventes réservées exclusivement aux membres de son site, a mis en place un système de bons de parrainage, consistant en l'octroi à un client ayant parrainé un nouveau client d'un bon d'un montant de 8 euros à faire valoir lors d'un prochain achat. Elle a comptabilisé, au titre des exercices clos en 2011 et 2012, pour faire face aux risques que les clients détenteurs de ces bons de parrainage fassent valoir leurs droits à bénéficier de ces réductions, des provisions calculées sur la base de la valeur faciale de la remise, à savoir 8 euros. A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration a remis en cause le montant de ces provisions en considérant qu'elles devaient être calculées, non pas en fonction de la valeur faciale du bon, mais en prenant en compte cette valeur faciale de laquelle était déduite une marge commerciale de 34,59 % au titre de l'exercice 2011 et de 34,31 % au titre de l'exercice 2012, et a ainsi réintégré au résultat imposable la fraction des sommes correspondant à la marge commerciale. La SAS VENTE-PRIVEE.COM relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles correspondant à la réintégration des provisions, à concurrence de 430 579 euros au titre de l'exercice 2011 et de 17 962 euros au titre de l'exercice 2012, ainsi que des intérêts de retard afférents.

2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, les provisions pour charges ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits correspondant à ces charges.

3. Si un chèque-cadeau n'est utilisable que pour l'achat d'un autre produit, cette méthode de fidélisation favorise principalement, s'agissant d'un bien de consommation courante, l'achat des produits donnant droit à l'attribution de ce chèque-cadeau. De ce fait, la charge probable correspondant à l'utilisation du chèque-cadeau se rattache à la vente de ce premier produit par un lien suffisamment direct pour justifier qu'elle fasse l'objet d'une provision déductible à la clôture de l'exercice au cours duquel cette vente a été enregistrée.

4. L'attribution au client d'un chèque-cadeau à valoir sur des ventes ultérieures ne constitue pas une réduction du prix de vente des articles à l'origine de cette attribution. La valeur à provisionner, qui doit tenir compte de la probabilité d'utilisation effective des chèques-cadeaux, est celle de l'avantage accordé par l'entreprise en échange du chèque-cadeau et ne peut inclure le manque à gagner. Il suit de là que, comme l'a d'ailleurs indiqué le comité d'urgence du conseil national de la comptabilité dans son avis n° 2004-E du 13 octobre 2004, s'il s'agit d'un chèque-cadeau à valoir sur des ventes ultérieures, la provision correspond au seul coût de revient de l'avantage accordé par la société pour les articles dont le prix sera en tout ou partie acquitté au cours d'un exercice ultérieur au moyen de chèque-cadeau. Par suite, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la SAS VENTE-PRIVEE.COM ne pouvait inscrire en dette à l'égard de ses clients le montant des bons de réduction distribués et non utilisés à la clôture des exercices 2011 et 2012, sans exclure la marge commerciale à laquelle elle renonce lors des ventes ultérieures d'articles.

5. La société requérante fait valoir qu'elle a calculé, s'agissant des bons de parrainage utilisés par leurs bénéficiaires au cours des exercices litigieux, les charges déductibles afférentes en se fondant sur la valeur faciale des bons de parrainage, et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune rectification. Toutefois, la société ne saurait utilement se prévaloir de l'absence de rectification sur ce point et n'invoque pas de prise de position formelle de l'administration en sa faveur.

6. L'avis du comité d'urgence du conseil national de la comptabilité n° 2004-E du 13 octobre 2004 est en tout état de cause dépourvu de caractère normatif et ne peut être utilement invoqué par la société requérante.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir l'ordre judiciaire d'une question préjudicielle sur l'interprétation de ces dispositions ou de celles de l'article L. 123-14 du code de commerce, que la SAS VENTE-PRIVEE.COM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS VENTE-PRIVEE.COM est rejetée.

2

N° 17VE03555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03555
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : SELARL YDES SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-14;17ve03555 ?
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