Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Air France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 26 novembre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a décidé de lui infliger une amende de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant étranger dépourvu de document de voyage régulier revêtu du visa requis.
Par un jugement n° 1600717 du 2 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 mars 2017, la société Air France, représentée par Me Gravé, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du ministre de l'intérieur du 26 novembre 2015 ;
2° à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'amende à une somme n'excédant pas 500 euros ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Air France soutient que :
- la passagère incriminée était porteuse d'un visa Schengen de type D régulièrement délivré par la Norvège, lui permettant de transiter par la France afin de se rendre en Norvège ; elle était en outre en possession d'un laissez-passer permettant de pallier l'absence de passeport. Le ministre de l'intérieur ne lui a d'ailleurs pas opposé l'absence de passeport. La police aux frontières a finalement admis le transit de la passagère pour la Norvège. En raison de la complexité de la réglementation en la matière le titre présenté n'était pas manifestement irrégulier ;
- le défaut de réponse à une demande d'observations de la part de l'administration dans le cadre d'une procédure préalable contradictoire ne constitue pas un aveu implicite des faits ;
- le montant de l'amende qui lui a été infligée est disproportionné.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas (code des visas) ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
- l'arrêté du 10 mai 2010 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire européen de la France.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 26 novembre 2015, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France une amende de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la compagnie aérienne avait, le 14 janvier 2015, débarqué du vol AF 0559 en provenance de N'Djamena (Tchad), une passagère du nom de Zanouba Zakaria-Abdallah, de nationalité soudanaise, démunie du document de voyage et du visa requis pour entrer en France. Par un jugement du 2 février 2017, dont la société Air France relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues. ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable du 1er mars 2005 au 9 mars 2016 : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 5 000 Euros l'entreprise de transport aérien (...) qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. / Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien (...) qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination. ". Aux termes de l'article L. 625-2 du même code : " Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l'autorité administrative compétente. (...) / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision de l'autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. / L'autorité administrative ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an. ". Enfin, aux termes de son article L. 625-5 dans sa rédaction applicable du 1er mars 2005 au 9 mars 2016 : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1, L. 625-3 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. ".
3. Il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l'article 26 de la convention de Schengen signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de la Communauté économique européenne, devenue l'Union européenne, sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.
4. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 12 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil susvisé : " Le demandeur présente un document de voyage en cours de validité satisfaisant aux critères ci-après : / a) sa durée de validité est supérieure d'au moins trois mois à la date à laquelle le demandeur a prévu de quitter le territoire des États membres ou, en cas de voyages multiples, de quitter pour la dernière fois le territoire des États membres. Toutefois, en cas d'urgence dûment justifiée, il peut être dérogé à cette obligation ; / b) il contient au moins deux feuillets vierges ; / c) il a été délivré depuis moins de dix ans. ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " (...) 2. Un visa à validité territoriale limitée est valable pour le territoire de l'État membre de délivrance. À titre exceptionnel, il peut être valable pour le territoire d'un ou plusieurs autres États membres, pour autant que chacun de ces États membres ait marqué son accord. (...) ". Ensuite, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2010 susvisé : " 1. Pour franchir les frontières du territoire européen de la France tout étranger doit être muni d'un document de voyage répondant aux critères définis aux b et c de l'article 12 du règlement (CE) n° 810/2009 susvisé et présentant une durée de validité supérieure d'au moins trois mois à la date d'expiration du visa sollicité. Toutefois, en cas d'urgence dûment justifiée, il peut être dérogé à ce dernier critère. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Sont également dispensés de visa : / - les étrangers transitant par le territoire métropolitain de la France en empruntant exclusivement la voie aérienne, sous réserve qu'ils ne sortent pas des limites de la zone de transit international de l'aéroport durant les escales, à l'exception des étrangers mentionnés à l'annexe D du présent arrêté ; (...) ". L'annexe D de cet arrêté fixant la liste des étrangers soumis au visa de transit aéroportuaire par la France prévoit : " 1. Sont soumis au visa de transit aéroportuaire les étrangers mentionnés à l'annexe IV du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009. / 2. Sont en outre soumis au visa de transit aéroportuaire : / - les titulaires d'un document de voyage délivré par les pays ou entités suivants : (...) Soudan / L'obligation de visa s'applique seulement aux titulaires d'un passeport ordinaire. / - les réfugiés et les apatrides titulaires d'un document de voyage délivré par les pays ou entités mentionnés à l'annexe IV du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 et au tableau ci-dessus. ".
5. Il résulte de l'instruction que la société Air France a débarqué en provenance de N'Djamena (Tchad), une passagère de nationalité soudanaise porteuse d'un laissez-passer norvégien intitulé " PASSERBREV/EMERGENCY TRAVEL DOCUMENT " ainsi que d'un visa portant la mention expresse " NORGE ". Le ministre de l'intérieur s'est fondé à la fois sur la circonstance que le laissez-passer norvégien n'était pas un document de voyage reconnu par la France et sur l'absence de visa Schengen requis pour infliger à la société Air France l'amende litigieuse.
6. Si la société Air France soutient que le laissez-passer norvégien détenu par la passagère est un document de voyage délivré en vue de pallier la disparition ou l'inexistence d'un passeport, elle ne conteste pas le motif qui lui a été opposé par le ministre tiré de ce que ce document de voyage délivré par les autorités norvégiennes n'est pas au nombre des documents de voyage reconnus par la France. Au surplus, en application des stipulations précitées de l'article 25 du règlement n° 810/2009, la validité territoriale du visa présenté par la passagère était limitée au territoire de l'Etat membre de délivrance, soit la Norvège. Ainsi, à la seule vue et lecture de ces documents, l'agent de contrôle de la compagnie ne pouvait que constater que la passagère incriminée était démunie des documents l'autorisant à entrer dans l'espace Schengen en débarquant en France. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le ministre a pu légalement infliger à la société Air France une amende sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce. S'il incombe à l'entreprise de transport de procéder à la vérification des documents de voyage présentés par un passager à l'embarquement, l'attitude adoptée par cette entreprise lors du débarquement est au nombre des circonstances qu'il revient au juge d'apprécier.
8. Compte tenu du caractère manifeste de l'absence de documents de voyage requis, en l'absence de toute circonstance particulière invoquée par la société Air France, et alors même que la passagère a finalement été admise sur le territoire afin de continuer son vol à destination de la Norvège, celle-ci n'est pas fondée à demander la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par la décision en litige.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.
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N° 17VE00750