Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...F...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2018 par lequel la préfète de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 1802976 du 30 avril 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, M. F..., représenté par Me Vouscenas, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder, dans le même délai, à l'examen de sa situation administrative ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est illégale en ce qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle-même illégale ;
- la décision fixant son pays de destination est illégale en ce qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle-même illégale ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Deroc a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant congolais né le 23 janvier 1988 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), fait appel du jugement du 30 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2018 par lequel la préfète de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français :
2. Par arrêté n° 2017-PREF-MCP-050 du 23 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de l'Essonne du 23 octobre 2017 n° 144, la préfète de l'Essonne a donné délégation, à Mme D...B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, pour signer " tous arrêtés en toutes matières ressortissant à ses attributions ". En cas d'empêchement ou d'absence, délégation est donnée à Mme A...C..., attachée d'administration et chef du bureau de l'éloignement du territoire pour signer les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français, y compris ceux portant interdiction de retour ainsi que les arrêtés fixant le pays de renvoi. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'incompétence doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, la décision attaquée vise, notamment, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment le I de son article L. 511-1 et son article L. 512-1, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique, d'une part, que M. F...est entré régulièrement en France en 2009 par la procédure du regroupement familial et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de son titre de séjour, d'autre part, qu'il a fait l'objet d'une condamnation le 19 mars 2018 par le Tribunal correctionnel de Paris à dix mois d'emprisonnement, que son comportement constitue un trouble à l'ordre public et qu'il a fait l'objet de 24 signalements à ce titre et, enfin, qu'il est sans emploi, sans ressource et ne justifie pas du lieu de résidence de son enfant, ni qu'il participe à son éducation et son entretien. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et mentionne notamment sa situation privée et familiale et sa durée de séjour. Cette décision est, dès lors et alors même qu'elle ne fait pas état de l'ensemble des éléments avancés par l'intéressé au cours de son audition, suffisamment motivée au regard des prescriptions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". A l'appui des moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'appelant fait valoir qu'il serait entré sur le territoire français en 2003 et y résiderait depuis lors auprès de ses parents et de sa fratrie, et qu'il est père d'un enfant né le 14 janvier 2008. Toutefois et d'une part, il ne produit aucune pièce permettant d'établir sa présence sur le territoire français entre 2003 et 2006 et qu'il entretiendrait avec sa famille résidant en France des liens étroits et stables. D'autre part, il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant, avec lequel il n'établit, ni même n'allègue, avoir déjà vécu. Enfin, il ne fait état d'aucune insertion particulière dans la société française alors surtout qu'il a fait l'objet, depuis 2006, de plus de dix condamnations, notamment à des peines d'emprisonnement, dont la plus récente, le 19 mars 2018, par le Tribunal correctionnel de Paris à 10 mois d'emprisonnement pour conduite d'un véhicule sans permis, récidive, refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'informité, ainsi que de plus de 20 signalements, sous alias, pour des faits relatifs à des troubles à l'ordre public. Dès lors, la préfète de l'Essonne, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquelles la décision a été prise. Ainsi, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
5. En premier lieu, la décision attaquée vise le 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait état de la condamnation à dix mois d'emprisonnement prononcée à l'encontre de l'intéressé par le Tribunal correctionnel de Paris le 19 mars 2018 ainsi que des nombreux signalements pour des faits relatifs à des troubles à l'ordre public dont il a fait l'objet, et indique que " le comportement de Monsieur F...constitue un trouble récurrent à l'ordre public " et que " eu égard à la nature et à la gravité des faits commis, [il] y a donc urgence à éloigner l'intéressé du territoire français ". Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision lui refusant un délai de départ doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
7. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
8. Au regard de la nature, de la gravité, de la multiplicité et de l'étalement dans le temps des infractions pénales commises par M. F...évoquées au point 5 du présent arrêt, la préfète de l'Essonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire au motif que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. M. F...ne saurait utilement faire état, à cet égard, d'une absence de risque de fuite, la préfète n'ayant pas fondé la décision litigieuse sur l'absence de garanties de représentation suffisantes, ainsi qu'il est prévu au f du 3° de ce II. Ce moyen doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, cette décision, qui vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 3, indique que M. F..." n'allègue pas être exposé à des peines ou traitements contraires à [cette] convention (...) en cas de retour dans son pays d'origine ", précise qu'elle ne contrevient pas à ces stipulations et mentionne que l'intéressé sera renvoyé dans son pays d'origine ou du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore, avec son accord, à destination de tout autre pays où il justifierait être légalement admissible comporte les éléments de droit et de fait qui la motivent. Par suite, M. F...n'est pas fondé à soutenir qu'elle est entachée d'un défaut de motivation.
10. En second lieu, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, aux termes du III. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...)La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour qu'elle doit prendre à l'encontre d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
13. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
14. Dans les motifs de l'arrêté attaqué, la préfète a fait référence au quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a indiqué que le requérant est entré régulièrement en France en 2009 par la procédure du regroupement familial. Après avoir rappelé la condamnation dont M. F...a fait l'objet en 2018 ainsi que les signalements dont il a fait l'objet pour trouble à l'ordre public, elle a précisé que " la présence sur le territoire français de M. F...E...constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société " et que s'il a déclaré être père d'un enfant né en France, il ne justifie pas de son lieu de résidence, ni pourvoir à son éducation et son entretien. L'arrêté comporte ainsi un exposé suffisant des motifs de droit et de fait sur lesquels la décision litigieuse est fondée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.
15. En second lieu, qu'eu égard aux éléments rappelés au point 5 tenant à la situation personnelle et familiale du requérant, M. F...n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État, n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante..
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
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N° 18VE01941