Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Supérette de Limay a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement et de la décharger de ces sommes et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale en application des dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail.
Par un jugement n° 1409373 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2016, la société à responsabilité limitée Supérette de Limay, représentée par MeC..., demande à la cour :
1° d'infirmer le jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes ;
2° à titre principal, d'annuler la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement et de la décharger de ces sommes ;
3° à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale à son plus strict minimum ;
4° de surseoir à statuer s'agissant du paiement de la contribution forfaitaire dès lors que la situation de M. A...B...est en cours de régularisation ;
5° en tout état de cause, de débouter l'Office français de l'immigration et de l'intégration de tous ses moyens et prétentions ;
6° de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux dépens ;
7° de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre des frais de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société à responsabilité limitée Supérette de Limay soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle n'avait nullement l'intention d'engager un travailleur étranger en situation irrégulière ; c'est en toute bonne foi qu'elle a embauché le salarié pour lequel elle a été verbalisée ; l'élément intentionnel de l'infraction relevée n'est donc pas établi ;
- la situation économique de la supérette est difficile ;
- il existe un doute quant à la date d'établissement du procès-verbal ce qui a pour effet d'entacher toute la procédure d'irrégularité ; les dispositions de l'article L. 8113-7 du code du travail n'ont pas été respectées ;
- elle est bien fondée à solliciter la modulation du montant de la sanction qui lui a été infligée dès lors qu'elle relève de l'application des dispositions du II ou du III de l'article R. 8253-2 du code du travail.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué le 19 novembre 2013 au sein de l'établissement géré par la société à responsabilité limitée Supérette de Limay, exploité sous l'enseigne " Supérette de la Gare " et situé 65, place Maximilien Robespierre à Limay (78520), les services de l'inspection du travail ont constaté que cette société employait un travailleur étranger démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée et de titre de séjour. Le 27 mai 2014, l'OFII informait la société de ce qu'il était susceptible de mettre en oeuvre à son encontre les procédures de versement des contributions spéciale et forfaitaire et l'invitait à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. La société a présenté ses observations le 11 juin 2014. Par une décision du 3 novembre 2014, l'OFII a mis à sa charge les sommes de 17 520 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société à responsabilité limitée Supérette de Limay a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de cette décision ainsi que la décharge de l'obligation de payer lesdites sommes. Par jugement n° 1409373 en date du 4 mai 2016 dont la société relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation, de modulation et de décharge :
2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". En l'espèce, la décision contestée mentionne les dispositions applicables du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait référence au procès-verbal ouvert le 19 novembre 2013, date à laquelle le travail irrégulier d'un employé, dont l'identité figure en annexe de la décision attaquée, a été constaté ainsi que le montant des sommes dues. Elle rappelle les dispositions des articles L. 626-1 et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les arrêtés du 5 décembre 2006 fixant, notamment, le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, permettant ainsi à la société requérante de connaître les modalités de calcul des contributions en cause. La décision attaquée comporte en conséquence les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ainsi que l'exigent les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit donc être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision, issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : /1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 (...) ". Aux termes de L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. /Le montant total des sanctions pécuniaires pour l'emploi d'un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. La société ne peut ainsi utilement se prévaloir de ce qu'elle n'avait nullement l'intention d'engager un travailleur étranger en situation irrégulière, que c'est en toute bonne foi qu'elle a embauché le salarié pour lequel elle a été verbalisée et de ce que l'élément intentionnel de l'infraction relevée n'est pas établi. Il en va de même de la circonstance selon laquelle la société rencontrerait des difficultés financières que les sanctions litigieuses aggraveraient.
5. Aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. / Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République. Un exemplaire est également adressé au représentant de l'Etat dans le département. / Avant la transmission au procureur de la République, l'agent de contrôle informe la personne visée au procès-verbal des faits susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues (...) ".
6. La société soutient que ces dispositions auraient été méconnues dès lors que la lettre du 3 février 2014, informant la société de ce que les faits constatés par procès-verbal étaient susceptibles de constituer une infraction pénale ainsi que des sanctions encourues, lui aurait été adressée avant la clôture du procès-verbal. Toutefois, le principe d'indépendance des procédures administrative et pénale fait obstacle à ce que la société puisse utilement se prévaloir, à l'appui de sa demande d'annulation et de décharge des contributions spéciale et forfaitaire en litige, des dispositions précitées de l'article L. 8113-1 du code du travail qui régissent uniquement la procédure pénale. Le moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté.
7. Enfin, il ressort des termes du procès-verbal d'infraction dressé à l'encontre de la société que cette dernière a été avisée du constat de deux infractions, relatives au travail dissimulé et à l'emploi d'un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire. Dès lors, la société à responsabilité limitée Supérette de Limay n'est pas fondée à solliciter l'application du taux réduit prévu par les dispositions du 1° du II de l'article R. 8253-2 du code du travail.
8. Il résulte de ce qui précède que la société à responsabilité limitée Supérette de Limay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin de sursis :
9. Si la société demande à la cour qu'il " soit sursis à statuer " sur le paiement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement au motif que la demande de régularisation de son salarié serait en cours, cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas établie. Ces conclusions doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions tendant à la condamnation aux dépens :
10. La présente instance n'ayant donné lieu à aucune des mesures mentionnées à l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions de la requérante tendant à la condamnation de l'OFII aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société à responsabilité limitée Supérette de Limay demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au tire des frais exposés par l'OFII dans la présente procédure et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée Supérette de Limay est rejetée.
Article 2 : La société à responsabilité limitée Supérette de Limay versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejeté.
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N° 16VE01979