Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fédération Sud activités postales et de télécommunications, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du site d'Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France et M. A...C..., salarié de la société Téléperformance France, ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 18 mai 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France en date du 2 mai 2018.
Par un jugement n° 1807099 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2018 et 18 février 2019, la Fédération Sud activités postales et de télécommunications, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du site d'Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France, ainsi que M. A...C..., salarié de la société Téléperformance France, tous représentés par Me Judith Krivine, avocat au barreau de Paris, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du 18 mai 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France ;
2° de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 5 400 euros et de 500 euros à verser respectivement à la Fédération Sud activités postales et de télécommunications et à M. C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérants soutiennent que :
- Le CHSCT du site d'Asnières-sur-Seine a intérêt pour agir ;
- la DIRECCTE, en s'abstenant de répondre au courrier adressé par le délégué syndical central et délégué syndical central adjoint pour Sud à Téléperformance France n'a pas procédé à un contrôle suffisant des documents transmis et n'a pas mené l'instruction de manière contradictoire ;
- la DIRECCTE ne pouvait légalement valider l'accord litigieux en raison du défaut de consultation des instances représentatives du personnel sur le projet de réorganisation à l'origine de l'accord de rupture conventionnelle collective, le comité d'entreprise devant être consulté en application des articles L. 2323-1, L. 2323-31 al 1 et L. 2323-46 du code du travail sur le projet de réorganisation et du droit fondamental découlant du préambule de la Constitution de 1946 et de normes européennes et internationales. La direction n'a procédé à aucune information ni consultation des CHSCT ou ICCHST préalablement à la signature de l'accord en contradiction avec les dispositions des articles L. 4612-1 et L.4612-8-1 du code du travail. La validation d'un accord signé en violation d'obligations aussi fondamentales que le principe de participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail, l'obligation de prévention de l'employeur et donc le droit à la santé ne peut qu'encourir la nullité.
- la DIRECCTE ne pouvait légalement valider l'accord litigieux sans méconnaître l'obligation de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'un plan de départ volontaire dès lors que la société Téléperformance France a clairement justifié son projet par des raisons économiques, comme cela ressort notamment du Préambule de l'accord signé le 7 mai 2018 et a prévu comme conséquence de ces raisons économiques des suppressions de postes, tout en privant les salariés concernés des protections afférentes à un plan de sauvegarde de l'emploi lequel aurait parfaitement pu comporter des mesures de départ volontaire. La DIRECCTE n'a pas contrôlé l'absence de fraude au PSE.
- la décision attaquée procède à la validation d'un accord collectif comportant des critères et des modalités de départage des candidats à la rupture conventionnelle ne garantissant pas le respect du principe d'égalité.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de Me F...pour la Fédération Sud activités postales et de télécommunications, le CHSCT du site d'Asnières-sur-Seine et M.C..., celles de Me E...pour la société Téléperformance France et celles de M. B...pour la ministre du travail.
La DIRECCTE d'Ile-de-France a présenté une note en délibéré enregistrée le 13 mars 2019.
La société Téléperformance France, représentée par MeE..., a présenté deux notes en délibéré enregistrées les 13 et 14 mars 2019.
La Fédération Sud activités postales et de télécommunications, le CHSCT du site d'Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France et M. A...C..., représentés par MeD..., ont présenté une note en délibéré enregistrée le 13 mars 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La Fédération Sud activités postales et de télécommunications, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du site d'Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France et M. A...C..., salarié de la société Téléperformance France, relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté leur demande en annulation de la décision du 18 mai 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France en date du 2 mai 2018.
2. Aux termes de l'article L. 1237-19 du code du travail : " Un accord collectif peut déterminer le contenu d'une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité. ". Aux termes de l'article L. 1237-19-1 du même code : " L'accord portant rupture conventionnelle collective détermine : 1° Les modalités et conditions d'information du comité social et économique, s'il existe (...) ". Et aux termes de l'article L. 1237-19-3 de ce code : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1237-19 est transmis à l'autorité administrative pour validation. L'autorité administrative valide l'accord collectif dès lors qu'elle s'est assurée : / 1° De sa conformité au même article L. 1237-19 ; / 2° De la présence des clauses prévues à l'article L. 1237-19-1 ; / 3° Du caractère précis et concret des mesures prévues au 7° du même article
L. 1237-19-1 ; / 4° Le cas échéant, de la régularité de la procédure d'information du comité social et économique. ".
Sur le moyen tiré de l'insuffisance du contrôle par l'administration du travail des documents transmis et de l'absence d'instruction contradictoire :
3. La circonstance que la DIRECCTE n'a pas répondu à la demande présentée le 11 mai 2018 par l'organisation syndicale requérante aux fins de refus de validation de l'accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France en raison des irrégularités et illégalités dont cet accord aurait été entaché n'est pas de nature à révéler que l'administration n'aurait pas procédé au contrôle qui lui impartissait en application des dispositions précitées. Elle n'était en outre tenue ni de répondre à cette demande qu'elle a, en tout état de cause, rejetée implicitement, ni d'engager une procédure contradictoire envers l'organisation syndicale requérante.
Sur le moyen tiré de l'absence de consultation du comité d'entreprise :
4. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande de validation d'un accord collectif portant rupture conventionnelle collective, l'administration du travail n'est tenue, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, de ne s'assurer, le cas échéant, que de la seule régularité de la procédure d'information du comité social et économique s'il existe ou, à défaut du comité d'entreprise, au regard des prescriptions dudit accord, ainsi que le prévoit l'article
L. 1237-19-1 du code du travail. Il ne lui appartient pas, au titre de ce contrôle, de s'assurer que l'employeur a, avant la signature de l'accord, procédé à une consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation, de restructuration et de compression des effectifs qu'impliquerait la mise en oeuvre de cet accord, en application des dispositions des articles L. 2323-1, L. 2323-31 ou L. 2323-46 du même code. Par suite, les requérants ne contestant pas la régularité de la procédure d'information du comité d'entreprise, le moyen ne peut être qu'écarté.
Sur le moyen tiré de l'absence de contrôle par la DIRECCTE de la régularité de la procédure de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination des CHSCT :
5. Il n'appartient pas à la DIRECCTE, saisie d'une demande de validation d'un accord collectif ouvrant droit à une rupture conventionnelle collective, de vérifier que le CHSCT a été régulièrement consulté, les dispositions applicables à cette procédure ne prévoyant pas l'intervention de cette instance. Il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de l'absence de contrôle par la DIRECCTE de la régularité de la procédure de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination des CHSCT.
Sur le moyen tiré de la violation de principes de valeur constitutionnelle et
supra-nationale :
6. Le contrôle exercé par la DIRECCTE quant à la régularité de la procédure d'information des instances représentatives au sein de l'entreprise ne saurait en elle-même, contrairement à ce que soutiennent les requérants, méconnaître le droit à la santé ou le droit des travailleurs à participer, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective de leurs conditions de travail. Par suite les moyens tirés d'une violation des articles 8 et 11 du Préambule de la Constitution ou de règles européennes ou internationales rappelant le droit à l'information et à la consultation des travailleurs ne peuvent qu'être écartés.
Sur le moyen tiré du contournement des règles applicables en matière de plan de sauvegarde pour l'emploi :
7. Les requérants soutiennent que l'administration ne pouvait légalement valider l'accord litigieux sans méconnaître l'obligation de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'un plan de départ volontaire, dès lors que la société Téléperformance France, alors même qu'elle s'est engagée à ne procéder à aucun licenciement contraint durant 12 mois, a clairement justifié son projet par des raisons économiques et a prévu, en conséquence, des suppressions de postes de salariés non candidats à un départ volontaire, sans prévoir les dispositifs d'accompagnement prévus dans ce cadre.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision contestée, que conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1237-19-3 du code du travail, définissant le champ du contrôle administratif d'une demande de validation d'un accord collectif portant rupture conventionnelle collective, la DIRECCTE d'Ile-de-France s'est assurée de la conformité de cet accord à l'article L. 1237-19 du code du travail, de la présence des clauses de l'article L. 1237-19-1 et enfin du caractère précis et concret des mesures d'accompagnement et de reclassement prévues au 7° du même article L. 1237-19-1 du code du travail. A supposer que les suppressions de postes envisagées dans le cadre de l'accord collectif reposent sur un motif économique, cette circonstance ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d'une rupture conventionnelle collective. Il ressort ensuite des termes mêmes de l'accord en litige que les postes qui feront l'objet d'une suppression ne seront supprimés qu'au fur et à mesure des départs individuels basés sur un volontariat libre et éclairé. Alors que l'entreprise n'entend pas procéder à la suppression de l'un des 226 postes envisagée, avant le départ du salarié du poste concerné, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la suppression de poste serait contrainte et nécessiterait un plan de reclassement interne ni, dès lors, que l'accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France aurait été pris en violation des règles applicables en matière de plan de sauvegarde pour l'emploi. S'ils prétendent par ailleurs que la période durant laquelle l'employeur s'engage à ne pas prononcer de licenciement serait de surcroît limitée, ils n'ont assorti leur moyen d'aucune précision suffisante pour en apprécier le bien-fondé, alors qu'il ressort au demeurant des écritures en défense que l'entreprise a reçu, avant le terme de l'accord, un nombre de demandes au départ volontaire supérieur à celui des postes ouverts à la suppression, qu'elle s'est engagée à ne prononcer aucun licenciement, qui aurait pour finalité d'atteindre les objectifs assignés en termes de suppression d'emplois, pendant 12 mois suivant les premiers départs et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'accord que cette période de 12 mois d'interdiction de procéder à des licenciements serait inférieure à la période de validité de l'accord en cause. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la DIRECCTE d'Ile-de-France n'aurait pas contrôlé l'absence de fraude à la procédure du plan de sauvegarde pour l'emploi doit être écarté.
Sur le moyen tiré d'une rupture d'égalité :
9. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges le moyen tiré de ce que les stipulations fixant les modalités de validation des candidatures à la procédure de rupture conventionnelle collective ainsi que les critères de départage entre salariés en cas de pluralité de demandes de départ sur un même poste, seraient contraires au principe d'égalité.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense, que la Fédération Sud activités postales et de télécommunications, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du site d'Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France et M. A...C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande. Leur requête doit, dès lors, être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Téléperformance France tendant à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge in solidum de la Fédération Sud activités postales et de télécommunications et de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Fédération Sud activités postales et de télécommunications, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du site d'Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France et de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Téléperformance France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE04158