Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles :
- sous le n°1305296, d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté sa demande tendant au retrait de la sanction de l'avertissement du 15 janvier 2013, notifiée le 1er février 2013, ensemble la sanction du 15 janvier 2013 ;
- sous le n°1504776, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 224 494 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises dans le traitement de sa situation.
Par un jugement n°1305296-1504776 du 10 novembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°1700084 respectivement le 9 janvier 2017 et le 12 mars 2018, M.B..., représenté par Me Serre, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 224 494 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises par l'administration dans le traitement de sa situation ;
2° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 224 494 euros, soit 19 494 euros au titre de la perte de chance de percevoir, sur toute la période de suspension, les compléments de salaires versés avant la suspension, 20 000 euros au titre du préjudice matériel, 50 000 euros au titre du préjudice moral et 135 000 euros au titre du préjudice subi dans le calcul de la liquidation de ses droits en matière de retraite ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que son éviction du service pendant cinq années ne constituait pas une faute de service de la part du rectorat de Versailles ; en effet, les courriers dénonçant le comportement de certains élèves à son égard ne constituaient pas une faute de nature à justifier la décision de suspension et ont été utilisés afin de l'évincer de l'établissement ; la cour d'appel de Paris l'a relaxé des poursuites pour dénonciations calomnieuse, procédure qui avait justifié la prolongation de sa suspension ;
- il est fondé à demander les compléments de salaires non perçus pendant les cinq années de suspension, la réparation du préjudice matériel subi du fait du refus du recteur de Versailles de lui accorder la protection fonctionnelle, ainsi que le versement d'une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral causé par sa situation, dès lors notamment qu'il a été réintégré en tant que titulaire sur une zone de remplacement et non pas sur un poste fixe équivalent à celui qu'il occupait avant sa suspension ; de plus, il a été victime d'un accident vasculaire cérébral causé par les troubles liés au déroulement de la procédure disciplinaire ;
- il est fondé à demander réparation de la perte de chance de percevoir les revenus d'activité, puis de pension qu'il aurait pu percevoir si sa carrière n'avait pas été interrompue prématurément pour raison de santé par la faute de l'Etat, pour un montant global de 135 000 euros.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n°99- 823 du 17 septembre 1999
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cabon,
- et les conclusions de M. Ablard, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., professeur certifié d'histoire-géographie, affecté au lycée Robert Doisneau à Corbeil-Essonnes (91100), a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois par un arrêté du recteur de l'académie de Versailles du 21 février 2008. Cette décision était fondée sur les faits rapportés par M. B...dans deux courriers du 8 février 2008 adressés au proviseur du lycée mettant en cause le comportement de deux élèves et sur un rapport établi par le proviseur le 16 février 2008 après audition des deux élèves et de M.B.... Cette mesure de suspension a été prolongée, avec maintien d'un demi-traitement jusqu'au 1er février 2013, par un arrêté du recteur de l'académie de Versailles du 26 juin 2008. M. B...a formé un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été rejeté par une décision du 25 août 2008 au motif qu'une procédure pénale était en cours concernant les faits ayant motivé la mesure de suspension. Par un jugement du 22 octobre 2009, le Tribunal de grande instance d'Evry a déclaré M. B...coupable de dénonciation calomnieuse. Par un arrêt du 21 juin 2012, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement et déclaré M. B...non coupable du délit de dénonciation calomnieuse de deux élèves pour lequel il avait été poursuivi. Par un arrêté du 15 janvier 2013, le recteur de l'académie de Versailles a infligé à M. B...la sanction de l'avertissement pour avoir tenu des propos déplacés à l'égard de plusieurs élèves, puis, par un arrêté du 25 janvier 2013, l'a réintégré dans ses fonctions d'enseignant à compter du 1er février 2013. Par un jugement du 13 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite du ministre chargé de l'éducation nationale refusant de mettre fin à la mesure de suspension dont il était l'objet et a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme d'au plus 71 054,22 euros au titre du remboursement des traitements non perçus pendant sa période de suspension assortie des intérêts au taux légal. M. B...a saisi le Tribunal administratif de Versailles de deux demandes, l'une tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Versailles rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision du 15 janvier 2013 lui infligeant un avertissement, ensemble ladite sanction, l'autre tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 19 494 euros au titre de la perte de chances de percevoir sur toute la période de suspension les compléments de salaire qui lui étaient versés avant sa période de suspension, 20 000 euros au titre du préjudice matériel, 50 000 euros au titre du préjudice moral et 135 000 euros au titre du préjudice subi dans le calcul et la liquidation de ses droits à pension de retraite. Par deux requêtes enregistrées sous les nos 17VE00084 et 17VE00085, M. B...fait appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ces demandes.
2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Un recours administratif n'est de nature à conserver le délai de recours contentieux que s'il est présenté avant l'expiration de ce délai.
4. Il ressort des pièces du dossier que la sanction d'avertissement prise le 15 janvier 2013 par le recteur de l'académie de Versailles à l'encontre de M. B...a été notifiée à l'intéressé le 1er février 2013 avec mention des voies et délais de recours. Le recours contentieux qu'il a introduit dans le délai de recours devant le Tribunal administratif de Versailles a été rejeté par une ordonnance du 8 avril 2013, pour défaut d'acquittement de la contribution prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts.
5. Le courrier daté du 14 mai 2013, par lequel M. B...a demandé le retrait de la sanction d'avertissement du 15 janvier 2013, qui ne fait état d'aucune circonstance nouvelle relative à la situation de l'intéressé, constitue un recours gracieux à l'encontre de la décision du 15 janvier 2013 qui, présenté après l'expiration du délai de recours contentieux, n'a pu avoir pour effet de conserver le délai de recours à l'encontre de cette décision. Le rejet implicite opposé par le recteur de l'académie de Versailles à la demande du 14 mai 2013 était purement confirmatif de la décision du 15 janvier 2013.
6. C'est donc à bon droit que le Tribunal administratif de Versailles a jugé que les conclusions du requérant dirigées tant contre la décision du 15 janvier 2013 que contre le rejet implicite de sa demande du 14 mai 2013, étaient tardives et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions./ Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. "
8. La mesure provisoire de suspension prévue par les dispositions précitées ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave. Elle n'a pas à être précédée d'une procédure contradictoire.
9. En l'espèce, le compte rendu adressé par la proviseure du lycée d'affectation du requérant du 16 février 2008 indiquait clairement que la situation de conflit avec deux élèves de la classe dont M. B...avait la charge résultait de la trop grande familiarité qu'il avait laissé s'installer dans la classe, de ses difficultés à instaurer une relation conforme à l'exercice de ses fonctions avec les élèves et de propos déplacés qu'il avait pu tenir à différentes occasions. Compte tenu des termes des courriers de dénonciation rédigés par l'intéressé le 8 février 2008, puis de la procédure judiciaire initiée à son encontre par les deux élèves pour dénonciation calomnieuse, les faits reprochés au requérant présentaient, aux dates auxquelles les mesures de suspension ont été prises, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier la suspension du requérant de ses fonctions. Par suite, le recteur de l'académie de Versailles a pu prendre les décisions de suspension des 21 février et 26 juin 2008 sans commettre d'erreur d'appréciation. Dès lors, en l'absence d'illégalité fautive, le requérant n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour lui des mesures de suspension dont il a fait l'objet.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré : " Des personnels enseignants du second degré, des personnels d'éducation et d'orientation, titulaires et stagiaires, peuvent être chargés, dans le cadre de l'académie et conformément à leur qualification, d'assurer le remplacement des agents momentanément absents ou d'occuper un poste provisoirement vacant. ".
11. M. B...soutient qu'à la suite de sa réintégration dans l'académie de Versailles, il n'aurait pas reçu une affectation conforme à son statut, ayant été affecté en tant que titulaire en zone de remplacement. Toutefois, il n'établit pas en quoi son affectation en zone de remplacement dans les conditions fixées par les dispositions du décret du 17 septembre 1999, ne serait pas une affectation conforme à son statut. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. B...tendant à la réparation de l'illégalité commise par le rectorat de Versailles dans les conditions de sa réintégration doivent être rejetées.
12. Enfin, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...). IV.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. "
13. Par un arrêt du 21 juin 2012, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris a déclaré M. B... non coupable du délit de dénonciation calomnieuse de deux élèves pour lequel il avait été poursuivi, au motif que les faits reprochés n'avaient pu être établis. Si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient le refus du bénéfice de la protection fonctionnelle.
14. Le ministre de l'éducation nationale fait valoir que le refus d'accorder la protection fonctionnelle demandée par M. B...était justifié par l'existence d'une faute personnelle, et fait état, pour démontrer l'existence d'une telle faute, des propos déplacés que l'intéressé a tenus envers certains élèves et pour lesquels le recteur de l'académie de Versailles a décidé de lui infliger la sanction de l'avertissement du 15 janvier 2013. Cependant, ces propos ne constituent pas des dénonciations calomnieuses et, quel que soit leur caractère fautif, ne sont pas directement en rapport avec les chefs d'accusation dont M. B...a fait l'objet et finalement été relaxé. Dans ces conditions, le recteur de l'académie de Versailles, en rejetant la demande de protection fonctionnelle formulée par le requérant, a méconnu les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, l'illégalité ainsi commise étant de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Toutefois, M. B...ne peut se prévaloir des justificatifs produits à l'appui de sa requête, lesquels consistent en des factures d'honoraires relatifs aux procédures engagées devant le tribunal administratif, au recours hiérarchique devant le ministre de l'éducation nationale, ou à l'action indemnitaire qui a été introduite devant la juridiction administrative, et ne se rattachent pas à la procédure engagée devant la juridiction judiciaire. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. B...du fait du refus qui a été opposé à sa demande de protection fonctionnelle, en l'évaluant à la somme globale de 5 000 euros.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande indemnitaire. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1305296-1504776 du Tribunal administratif de Versailles du 10 novembre 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B....
Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 5 000 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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Nos17VE00084...