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14/02/2019 | FRANCE | N°16VE02162

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 14 février 2019, 16VE02162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ABC TRANSPORT, anciennement dénommée " SARL TMS ", a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1508755 du 18 mai 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés l

es 8 juillet 2016 et 7 mars 2017, la SARL ABC TRANSPORT, représentée par Me Rouzaud, avocat, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ABC TRANSPORT, anciennement dénommée " SARL TMS ", a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1508755 du 18 mai 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 juillet 2016 et 7 mars 2017, la SARL ABC TRANSPORT, représentée par Me Rouzaud, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

La SARL ABC TRANSPORT soutient que :

- en reconstituant ses résultats par comparaison à ceux de trois autres entreprises dites " A, B et C ", sans préciser la dénomination sociale de celles-ci, le nombre de leurs salariés et leur zone géographique d'activité, le service a insuffisamment motivé la proposition de rectification du 4 décembre 2013, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- l'origine et la teneur des renseignements ainsi obtenus auprès de tiers sur ces trois entreprises n'ont pas été précisées par le service, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- le calcul des charges reconstituées par le service est erroné dès lors qu'il a omis de tenir compte des charges patronales pour établir les salaires nets ;

- la méthode de reconstitution suivie est excessivement sommaire ;

- en utilisant les comparables retenus par le service, qui font ressortir un taux de charges salariales par rapport au chiffre d'affaires de 37,18 %, les salaires bruts reconstitués doivent être portés à 52 387 euros ;

- il convient d'admettre en déduction complémentaire les charges patronales omises par le vérificateur, qui représentent 41,45 % des salaires bruts ainsi reconstitués à 52 387 euros, soit une somme de 21 714 euros ;

- en retenant, sur l'exercice 2010 en litige, le taux de charges de 90 % ressortant de la reconstitution ensuite opérée par le service pour les exercices clos en 2011 et 2012, le montant total de charges déductibles s'élèverait alors à 106 028 euros ;

- les majorations de 40 % qui lui ont été assignées pour manquement délibéré sont insuffisamment motivées et injustifiées ;

- de même, est insuffisamment motivée l'application de la majoration de 100 % pour absence de désignation des bénéficiaires de distributions.

........................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL ABC TRANSPORT, anciennement dénommée " SARL TMS ", a été créée le 1er juillet 2010 et a pour activité le transport routier de fret en région Ile-de-France. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2012. A la suite de ce contrôle, l'administration a notamment rejeté la comptabilité présentée par la SARL ABC TRANSPORT, sur l'ensemble de la période vérifiée, et a reconstitué ses bénéfices imposables au titre des trois exercices concernés. La SARL ABC TRANSPORT a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, de la seule cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été consécutivement assujettie au titre de l'exercice clos en 2010. Par jugement n° 1508755 du 18 mai 2016, dont la SARL ABC TRANSPORT relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

3. Il résulte de l'instruction que, par proposition de rectification du 4 décembre 2013, le service a notamment informé la SARL ABC TRANSPORT de ce qu'il envisageait de rehausser ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2010. Ce document, qui rappelle les bases primitivement comptabilisées et déclarées par la SARL ABC TRANSPORT, mentionne également, de manière suffisamment précise, les motifs pour lesquels le vérificateur a rejeté la comptabilité qu'elle lui a présentée, ainsi que ceux sur lesquels il s'est fondé pour reconstituer, notamment d'après les relevés bancaires de ladite société obtenus par exercice du droit de communication, ses recettes et ses diverses charges d'exploitation, dont les montants rectifiés sont systématiquement indiqués. A cet égard, la requérante se borne, à l'occasion de la présente instance, à soutenir qu'en reconstituant le montant des salaires et appointements déductibles en tant que charges - dépenses pour lesquelles elle n'avait fourni aucune pièce justificative en cours de contrôle - par comparaison à ceux exposés par trois autres entreprises de transport routier de fret dites " A, B et C ", sans préciser la dénomination sociale de celles-ci, le nombre de leurs salariés et leur zone géographique d'activité, l'administration aurait insuffisamment motivé ce chef de redressement. Néanmoins, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 4 décembre 2013 qu'à l'issue de cette comparaison, le vérificateur a porté ce poste de charges déductibles, primitivement comptabilisé pour 2 574 euros seulement, à un total de 42 142 euros. Cette rectification par comparaison étant ainsi favorable à la requérante, la contestation de sa motivation est insusceptible d'emporter la décharge ou la réduction des droits et pénalités en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette proposition de rectification, au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

5. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les renseignements et documents obtenus par l'administration auprès de tiers sur les trois entreprises de transport routier de fret dites " A, B et C ", mentionnées dans la proposition de rectification du 4 décembre 2013, n'ont pas été utilisés par le vérificateur pour fonder un chef de redressement dont procèderait le supplément d'imposition en litige mais, à l'inverse, pour majorer le montant des charges de salaires et appointements primitivement déduit par la SARL ABC TRANSPORT. Au surplus, cette proposition de rectification précise expressément que les renseignements en cause sont issus des déclarations de résultats que ces trois entreprises ont respectivement déposées, au titre de l'exercice clos en 2010, auprès du Tribunal de commerce. Dans ces conditions, le moyen tiré par la requérante de ce que la teneur et l'origine de ces renseignements ne lui auraient pas été indiquées, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du supplément d'imposition en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) ".

7. D'une part, la SARL ABC TRANSPORT ne conteste pas que la comptabilité qu'elle avait présentée au titre de l'exercice clos en 2010, lors de la vérification diligentée en l'espèce, présentait de graves irrégularités. D'autre part, il résulte de l'instruction que le supplément d'impôt sur les sociétés assigné à la requérante au titre de cet exercice a été établi conformément à l'avis rendu la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 20 janvier 2015. Dès lors, il incombe à la SARL ABC TRANSPORT d'établir l'absence de bien-fondé ou l'exagération de ce supplément d'imposition.

En ce qui concerne la reconstitution des résultats :

8. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les résultats imposables de la SARL ABC TRANSPORT au titre de l'exercice clos en 2010, en l'absence de production par l'intéressée lors de la vérification de toutes les pièces justificatives des recettes et des dépenses qu'elle avait comptabilisées, le vérificateur a déterminé les produits d'exploitation, d'après les sommes portées au crédit des comptes bancaires de la requérante et ramenées hors taxe, à un total de 140 900 euros, puis a admis, par réalisme économique, la déduction de diverses charges, également comptabilisées sans pièces justificatives, pour des montants égaux, inférieurs ou supérieurs à ces écritures selon les postes de dépenses concernés et pour un total, tel que ressortant de la réponse aux observations du contribuable du 19 mars 2014, de 67 212 euros, dont 42 142 euros pour les salaires et appointements.

9. En premier lieu, si la SARL ABC TRANSPORT soutient, de manière générale, que la méthode de reconstitution suivie par le vérificateur serait excessivement sommaire, l'intéressée n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.

10. En deuxième lieu, la SARL ABC TRANSPORT, se prévalant de ce que la reconstitution par l'administration de ses bénéfices imposables au titre des exercices ultérieurs 2011 et 2012 ferait apparaître un taux moyen de charges, par rapport aux produits d'exploitation, de 90 %, réclame l'application de ce taux pour la détermination de ses résultats au titre de l'exercice 2010 seul ici en litige et la réduction, à due proportion, du supplément d'imposition contesté. Toutefois, l'intéressée n'établit pas que ses conditions réelles d'exploitation seraient demeurées identiques, au cours des trois exercices concernés, alors surtout qu'elle n'a exploité son activité, au titre de l'exercice 2010, qu'à compter du 1er juillet, date de sa création. Dans ces conditions, la requérante ne justifie pas du bien-fondé de l'application, pour la détermination de ses résultats imposables au titre de ce dernier exercice, du taux de charges ainsi invoqué.

11. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que, pour porter de 2 574 euros, montant primitivement comptabilisé mais non justifié, à 42 142 euros les charges de salaires et appointements admises en déduction des résultats de la SARL ABC TRANSPORT au titre de l'exercice clos en 2010, le service, ainsi qu'il a été dit au point 3, a procédé par comparaison avec les résultats déclarés par trois autres entreprises de transport routier de fret exerçant leur activité dans la même zone géographique, méthode selon laquelle le ratio moyen de salaires nets sur le chiffre d'affaire total s'établissait à 29,20 %. Pour soutenir que la déduction supplémentaire ainsi admise à titre gracieux par le vérificateur serait insuffisante, la requérante prétend que le vérificateur aurait omis de tenir compte des charges patronales acquittées par l'employeur sur le montant des salaires bruts indiqués dans sa reconstitution. Néanmoins, même à l'admettre, la SARL ABC TRANSPORT, comme l'oppose le ministre en défense, ne verse aux débats aucune pièce justificative permettant d'établir, ainsi qu'il lui incombe, qu'elle aurait effectivement supporté des charges de salaires et appointements pour un montant, y compris les charges patronales y afférentes, supérieur à 42 142 euros et, en conséquence, que ses résultats reconstitués seraient exagérés.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la majoration de 100 % pour non désignation des bénéficiaires de revenus distribués :

12. Si la SARL ABC TRANSPORT conteste, pour la première fois en cause d'appel, la majoration de 100 % prévue, en cas de non désignation des bénéficiaires de distributions, à l'article 1759 du code général des impôts, dont l'application avait été envisagée dans la proposition de rectification susmentionnée du 4 décembre 2013, il résulte de l'instruction que cette pénalité n'a pas été mise en recouvrement. Aussi les moyens soulevés à ce titre sont-ils inopérants à l'encontre des seules pénalités en litige.

En ce qui concerne la majoration de 40 % pour manquement délibéré :

13. En premier lieu, si la SARL ABC TRANSPORT soutient que l'administration n'aurait pas suffisamment motivé l'application au supplément d'impôt sur les sociétés en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par l'article 1729 du code général des impôts, il ressort clairement des motifs de la proposition de rectification susmentionnée du 4 décembre 2013 que ce moyen manque en fait.

14. En second lieu, la SARL ABC TRANSPORT reprend à l'identique, en cause d'appel, le moyen tiré de ce que l'administration ne justifierait pas, ainsi qu'il lui incombe, de l'application de ces pénalités de 40 %. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL ABC TRANSPORT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL ABC TRANSPORT est rejetée.

2

N° 16VE02162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02162
Date de la décision : 14/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET ROUZAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-14;16ve02162 ?
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