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14/02/2019 | FRANCE | N°16VE01594

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 14 février 2019, 16VE01594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a notamment demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Carrières-sous-Poissy à lui verser une indemnité de 41 000 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité de la décision du 18 juin 2012 l'ayant affecté au poste de chargé de mission sécurité, de l'illégalité de l'arrêté du 21 juin 2012 l'ayant suspendu de ses fonctions et des agissements répétés de harcèlement moral dont il serait victime.<

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Par un jugement n° 1300748 du 29 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a notamment demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Carrières-sous-Poissy à lui verser une indemnité de 41 000 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité de la décision du 18 juin 2012 l'ayant affecté au poste de chargé de mission sécurité, de l'illégalité de l'arrêté du 21 juin 2012 l'ayant suspendu de ses fonctions et des agissements répétés de harcèlement moral dont il serait victime.

Par un jugement n° 1300748 du 29 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Carrières-sous-Poissy à lui verser une indemnité de 1 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 mai 2016 et 23 janvier 2019, M. C..., représenté en dernier lieu par Me Lacoste, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1300748, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire ;

2° de mettre à la charge de la commune de Carrières-sous-Poissy le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...soutient que :

- en ne lui accordant qu'un délai insuffisant, avant clôture de l'instruction, pour répondre au mémoire en défense de la commune, les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable garantis par l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'intervention du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) a été présentée par mémoire distinct et était, par suite, recevable ;

- en ne saisissant le conseil de discipline que plus d'un an après la décision de suspension contestée du 21 juin 2012, le maire a méconnu l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- il n'a commis aucune faute grave, au sens de ces dispositions, en reprenant ses fonctions de chef de la police municipale le 18 juin 2012, alors que la commune ne lui avait pas encore notifié son changement d'affectation, dont il n'a pris connaissance qu'à réception de son bulletin de paye du mois d'octobre 2012 ;

- à les supposer établis, les faits lui ayant été reprochés, pour prononcer la décision de suspension contestée, relèvent, en réalité, de l'insuffisance professionnelle ;

- l'illégalité de la suspension contestée constitue une faute engageant la responsabilité de la commune ;

- comme l'ont retenu les premiers juges, sa mutation d'office est entachée d'illégalités externes ;

- cette mutation d'office, qui constitue une mise au placard, est également entachée d'illégalité interne, faute distincte qui lui a également causé des préjudices moral et financier ;

- en outre, il est victime de harcèlement moral.

........................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutain,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeB..., pour la commune de Carrières-sous-Poissy.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., chef de police municipale titulaire, a été recruté par la commune de Carrières-sous-Poissy à compter du 1er juillet 2011. Par décision du 18 juin 2012, le maire de Carrières-sous-Poissy a mis fin aux fonctions de l'intéressé en tant que chef de la police municipale et l'a affecté à un poste de chargé de mission sécurité, sous l'autorité directe de la directrice générale des services. Puis, par arrêté du 21 juin 2012, le maire a suspendu M. C... de ses fonctions pour une durée de quatre mois. M. C... a notamment demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Carrières-sous-Poissy à lui verser une indemnité de 41 000 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'il estimait avoir subis à raison de l'illégalité de ces deux décisions et des agissements répétés de harcèlement moral dont il aurait été victime. Par un jugement n° 1300738 du 29 mars 2016, ce tribunal a condamné la commune de Carrières-sous-Poissy à verser à M. C...une indemnité de 1 000 euros, en réparation du préjudice moral subi à raison de l'illégalité de la décision du 18 juin 2012 portant changement d'affectation, et a rejeté le surplus de sa demande. M. C...relève appel de ce jugement, en tant qu'il a partiellement rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que le mémoire en défense produit par la commune de Carrières-sous-Poissy le 9 décembre 2015, en réponse à la demande présentée devant le Tribunal administratif de Versailles par M.C..., a été communiqué à ce dernier le 18 décembre 2015. Si le tribunal a, le même jour, informé M. C..., en application des articles R. 611-1-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, de ce que l'instruction pourrait être close à compter du 4 janvier 2016, cette clôture n'a été effectivement prononcée qu'au jour du 18 janvier 2016. Aussi l'intéressé a-t-il bénéficié d'un délai suffisant pour produire un mémoire en réplique avant la clôture d'instruction. Dès lors, le requérant, qui n'a pas alors fait usage de cette faculté, n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande tendant à l'octroi d'un délai supplémentaire pour répliquer, qu'il n'a d'ailleurs présentée qu'après clôture le 21 janvier 2016, les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire, ainsi que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. En second lieu, il est constant que l'intervention du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) au soutien de la demande qu'avait présentée M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles a été formée dans cette demande, et non par mémoire distinct comme l'impose l'article R. 632-1 du code de justice administrative à peine d'irrecevabilité de l'intervention. Si le requérant soutient que le SDPM aurait ensuite régularisé cette irrecevabilité par le dépôt d'un mémoire distinct en intervention, ce mémoire n'a toutefois été enregistré au greffe du tribunal que le 11 mars 2016, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue, comme rappelé au point 2, le 18 janvier 2016. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait, à tort, rejeté comme irrecevable l'intervention du SDPM et, par suite, entaché le jugement attaqué d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

S'agissant de la décision du 18 juin 2012 portant changement d'affectation :

4. Par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a retenu que la décision du 18 juin 2012 ayant mis fin aux fonctions de M. C... en tant que chef de la police municipale de Carrières-sous-Poissy et l'ayant affecté à un poste de chargé de mission sécurité constituait une mutation dans l'intérêt du service qui, ayant été édictée sans que l'intéressé ait été préalablement mis à même de demander la communication de son dossier et sans consultation de la commission administrative paritaire, était entachée d'illégalité. Or, en cause d'appel, aucune des parties ne conteste ce jugement en tant qu'il a ainsi constaté l'illégalité fautive de la décision du 18 juin 2012. Dès lors, cette faute, qui est de nature à engager la responsabilité de la commune de Carrières-sous-Poissy, doit être tenue pour établie.

S'agissant de l'arrêté du 21 juin 2012 portant suspension de fonctions :

5. Aux termes de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions (...) ".

6. En premier lieu, M. C...reprend à l'identique, en cause d'appel, le moyen tiré de ce qu'en n'engageant pas immédiatement, après l'édiction de l'arrêté du 21 juin 2012 l'ayant suspendu de ses fonctions, une procédure disciplinaire à son encontre, le maire de Carrières-sous-Poissy aurait entaché cette décision d'illégalité. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'une précédente période de suspension, prononcée par arrêté du 1er février 2012, M. C...a été convoqué et reçu, le 18 juin 2012 au matin, par la directrice générale des services de la commune de Carrières-sous-Poissy, afin d'organiser la reprise de ses fonctions. Alors qu'il avait, à cette occasion, été informé de la décision du même jour par laquelle le maire mettait fin à ses fonctions de chef de la police municipale et l'affectait, dans les locaux de l'hôtel de ville, à un poste de chargé de mission sécurité, directement placé sous l'autorité de cette directrice, le requérant s'est rendu, l'après-midi même puis les jours suivants, au poste de police municipale, en s'y présentant aux agents comme ayant toujours qualité de " chef ". Or, en persistant ainsi à usurper ces fonctions dont sa hiérarchie l'avait clairement démis, M. C...a, contrairement à ce qu'il soutient, commis une faute grave, au sens des dispositions précitées de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, à raison de laquelle le maire a pu légalement, par l'arrêté du 21 juin 2012, prononcer sa suspension de fonctions.

8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 21 juin 2012 suspendant M. C...de ses fonctions, qui est légalement justifié pour les motifs de droit et de fait exposés plus haut, serait entaché de détournement de pouvoir ou de procédure. En particulier, la circonstance que la commune de Carrières-sous-Poissy a ultérieurement indiqué, dans les écritures qu'elle a produites en défense, que le comportement global de M. C... était inadapté aux fonctions lui ayant été confiées n'est pas de nature à établir que l'arrêté contesté serait, en réalité, fondé à tort sur une insuffisance professionnelle de l'intéressé.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'établit pas que l'arrêté du 21 juin 2012 l'ayant suspendu de ses fonctions serait entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune de Carrières-sous-Poissy.

S'agissant du harcèlement moral :

10. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".

11. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

12. En l'espèce, M. C...n'apporte, à l'occasion de la présente instance, aucun élément ni aucune pièce justificative de nature à faire présumer que la décision du 18 juin 2012 portant changement d'affectation et l'arrêté du 21 juin 2012 portant suspension de fonctions s'inscriraient, comme l'intéressé le soutient, dans un ensemble d'agissements répétés de harcèlement moral, au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, commis à son encontre par la commune de Carrières-sous-Poissy. Aussi la responsabilité de cette dernière ne saurait-elle être davantage engagée à ce dernier titre.

En ce qui concerne les préjudices et le lien de causalité :

13. En l'espèce, si M. C...soutient que l'illégalité fautive des décisions susmentionnées des 18 et 21 juin 2012, ainsi que le harcèlement moral dont il s'estime victime, lui auraient causé des préjudices moral et financiers, chiffrés à un total de 41 000 euros devant les premiers juges, l'intéressé n'apporte, y compris en cause d'appel, aucun élément ni aucune pièce de nature à établir la réalité des préjudices ainsi allégués. Au surplus, le requérant ne justifie pas davantage que ces préjudices, à supposer leur existence avérée, présenteraient un lien de causalité directe avec l'illégalité externe de la décision du 18 juin 2012, seule faute retenue dans les termes rappelés au point 4. Dès lors, ne peuvent qu'être rejetées les conclusions de M. C... tendant à ce que la Cour rehausse le montant de la condamnation pécuniaire prononcée par les premiers juges.

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles n'a fait droit à sa demande indemnitaire qu'à hauteur de 1 000 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Carrières-sous-Poissy, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à M. C...d'une somme en remboursement des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

16. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement à la commune de Carrières-sous-Poissy d'une somme de 1 000 euros en remboursement des frais que celle-ci a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : M. C...versera à la commune de Carrières-sous-Poissy une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 16VE01594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01594
Date de la décision : 14/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : MAMLOUK

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-14;16ve01594 ?
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