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07/02/2019 | FRANCE | N°17VE01587

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 07 février 2019, 17VE01587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Berfin a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 7 avril 2016 par laquelle le maire de la commune de Drancy a exercé le droit de préemption de la commune sur un fonds de commerce situé 126 avenue Henri Barbusse.

Par un jugement n° 1604336 du 23 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2017, la commune de Drancy, représentée par Me Peyne

t, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de la SA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Berfin a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 7 avril 2016 par laquelle le maire de la commune de Drancy a exercé le droit de préemption de la commune sur un fonds de commerce situé 126 avenue Henri Barbusse.

Par un jugement n° 1604336 du 23 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2017, la commune de Drancy, représentée par Me Peynet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de la SARL Berfin ;

3° de mettre à la charge de la SARL Berfin le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Drancy soutient que :

- la copie du jugement qui lui a été notifiée ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la délibération en date du 29 mars 2014 a été transmise au contrôle de légalité le 31 mars 2014 et a été affichée à la mairie à compter du 31 mars 2014 ;

- la décision de préemption a été prise dans le délai à compter de la réception de la déclaration de cession prévue par les textes alors qu'une demande de pièces complémentaires était intervenue ;

- la décision litigieuse est motivée par la politique de revitalisation, de maintien, d'extension et d'accueil des activités économiques et commerciales qui est l'une des finalités de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et fait référence à la délibération du conseil municipal du 28 février 2008 ;

- il est justifié que la constante et rapide augmentation des établissements de restauration rapide sur le territoire communal et particulièrement dans un rayon de 500 mètres autour des avenue Henri Barbusse et Jean Jaurès contribue à la dégradation et à l'appauvrissement de la qualité de l'offre commerciale.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- le rapport de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Peynet, pour la commune de Drancy, et de Me B...pour la SARL Berfin.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier faute de comporter les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité.

Sur le fond du litige :

2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut (...), par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...). / Cette transmission peut s'effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. / La preuve de la réception des actes par le représentant de l'Etat dans le département ou son délégué dans l'arrondissement peut être apportée par tout moyen. L'accusé de réception, qui est immédiatement délivré, peut être utilisé à cet effet mais n'est pas une condition du caractère exécutoire des actes. ". Aux termes de l'article R. 2131-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La commune, lorsqu'elle choisit d'effectuer par voie électronique la transmission de tout ou partie des actes mentionnés à l'article L. 2131-2, recourt à un dispositif de télétransmission ayant fait l'objet d'une homologation dans des conditions fixées par arrêté du ministre de l'intérieur. / L'homologation est subordonnée au respect des prescriptions contenues dans un cahier des charges annexé à l'arrêté mentionné au précédent alinéa. / Aucun dispositif ne peut être homologué s'il n'assure l'identification et l'authentification de la collectivité territoriale émettrice, l'intégrité des flux de données relatives aux actes mentionnés au premier alinéa ainsi que la sécurité et la confidentialité de ces données. ".

3. Par délibération en date du 31 mars 2014, le conseil municipal de Drancy a délégué au maire de la commune l'exercice des droits de préemption prévus par le code de l'urbanisme, comme l'y autorisent les dispositions précitées de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. L'accusé de réception dématérialisé de la transmission faite par la commune aux services de la préfecture de cette délibération produit à l'appui de la présente requête par la commune de Drancy fait foi jusqu'à preuve contraire. Le certificat du maire, en l'absence de tout élément de preuve en sens contraire, atteste l'affichage de cette délibération à la mairie de Drancy du 31 mars au 30 mai 2014. Ainsi, la commune de Drancy est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la délibération en date du 31 mars 2014 était dépourvue de caractère exécutoire et que la décision attaquée avait été signée par le maire alors qu'il était dépourvu de compétence pour le faire.

4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 dudit code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, (...). " L'arrêté litigieux, après avoir visé le code de l'urbanisme et notamment ses articles L. 210-1 et L. 300-1 ainsi que la délibération en date du 28 mars 2008 par laquelle le conseil municipal de Drancy a instauré un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, fait état d'une étude relative à la restructuration du quartier de la Muette, d'acquisitions foncières déjà réalisées par la commune dans le cadre de cette restructuration et indique que la préemption du fonds s'inscrit dans la politique de la commune de préservation de la diversité des commerces dans le périmètre de sauvegarde défini par la délibération du 28 mars 2008. Cette décision qui indique avoir pour objet le maintien d'activités économiques au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme précité répond aux exigences de motivation fixées par l'article L. 210-1 dudit code. Par suite, la commune de Drancy est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a retenu l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux pour en prononcer l'annulation.

5. Il ressort des pièces du dossier que le nombre d'établissements de restauration rapide est passé de 56 à 70 en huit ans et que 25 de ces établissements sont concentrés dans un rayon de 500 mètres autour du carrefour des avenues Henri Barbusse et Jean Jaurès. La commune produit une étude de l'agence de développement économique local datée du 13 février 2008 qui fait apparaître une surreprésentation de l'activité de restauration sur l'avenue Henri Barbusse et une dégradation de l'activité commerciale avenue Jean Jaurès. Il ressort encore des pièces du dossier que l'activité des établissements de restauration rapide entraine un effet d'éviction des autres types de commerce. Par suite, la commune de Drancy est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'intérêt général relatif à la préservation de la diversité commerciale n'était pas établi et que la décision litigieuse était par suite entachée d'une erreur de droit.

6. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme : " (...) / Chaque aliénation à titre onéreux est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le cédant à la commune. Cette déclaration précise le prix, l'activité de l'acquéreur pressenti, le nombre de salariés du cédant, la nature de leur contrat de travail et les conditions de la cession. Elle comporte également le bail commercial, le cas échéant, et précise le chiffre d'affaires lorsque la cession porte sur un bail commercial ou un fonds artisanal ou commercial. (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant le délai de deux mois à compter de la réception de cette déclaration vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / " ; que l'article R. 214-4 du même code dispose que : " La déclaration préalable prévue au troisième aliéna de l'article L. 214-1 est établie dans les formes prescrites par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'urbanisme, de la justice, du commerce et de l'artisanat. " ; que l'article A. 214-1 de ce code précise que : " La déclaration préalable prévue par les articles L. 214-1 et R. 214-4 doit être établie conformément au formulaire enregistré par le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique sous le numéro Cerfa 13644*01 et disponible sur le site internet du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables : http://www.developpement-durable.gouv.fr. " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 214-5 de ce code : " Dans un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration préalable, ou du premier des accusés de réception ou d'enregistrement délivré en application des articles L. 112-11 et L. 112-12 du code des relations entre le public et l'administration, le titulaire du droit de préemption notifie au cédant soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions indiqués dans la déclaration préalable, soit son offre d'acquérir aux prix et conditions fixés par l'autorité judiciaire saisie dans les conditions prévues à l'article R. 214-6, soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption. / Il notifie sa décision au cédant par pli recommandé avec demande d'avis de réception, par remise contre décharge au domicile ou au siège social du cédant, ou par voie électronique en un seul exemplaire dans les conditions prévues aux articles L. 112-11 et L. 112-12 du code des relations entre le public et l'administration. La notification par voie électronique n'est possible que si la déclaration prévue à l'article R. * 214-4 a été faite de la même manière. Lorsque le cédant est lié par un contrat de bail, une copie de cette notification est adressée au bailleur. / Le silence gardé par le titulaire du droit de préemption au terme du délai fixé au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice de son droit. ".

7. Il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption dispose pour exercer ce droit d'un délai de deux mois qui court à compter de la réception de la déclaration préalable. Ces dispositions visent notamment à ce que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption sachent de façon certaine et dans de brefs délais s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation envisagée. Dans l'hypothèse d'une déclaration incomplète, le titulaire du droit de préemption peut adresser au propriétaire une demande de précisions complémentaires, qui proroge le délai de deux mois. Ce délai ne peut être prorogé par la demande de précisions complémentaires que si la déclaration initiale était incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation. Dans ce cas, le délai de deux mois court à compter de la réception par l'administration d'une déclaration complétée ou rectifiée.

8. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable de cession a été enregistrée par les services de la commune de Drancy le 10 février 2016. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette déclaration renseignée sur le formulaire cerfa prévu à cet effet aurait été incomplète ou entachée d'une erreur substantielle affectant la consistance du bien. Par suite, la demande de précisions complémentaires adressée à la SARL Berfin le 4 mars 2016 portant sur les contrats à durée indéterminée, les cinq derniers bulletins des salariés de l'exploitant du fonds et les dernières quittances de loyer ne pouvait faire obstacle à ce que le délai de préemption courût dès la réception le 10 février 2016 de la déclaration préalable de cession. Le délai de deux mois prévu à compter de cette date pour la mise en oeuvre du droit de préemption de la commune étant un délai franc, le commune de Drancy était réputée avoir renoncé à l'exercice de ce droit à la date du 11 avril 2016 à laquelle la SARL Berfin a reçu notification de la décision litigieuse du maire de Drancy en date du 7 avril 2016. Ce seul motif étant de nature à justifier l'annulation de cette décision, la commune de Drancy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a annulé, par le jugement attaqué, la décision de son maire en date du 7 avril 2016 et sa requête doit être rejetée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL Berfin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Drancy demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Drancy la somme de 2 000 euros à verser à la SARL Berfin sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Drancy est rejetée.

Article 2 : La commune de Drancy versera à la SARL Berfin la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 17VE01587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01587
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : KARAGUILIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-07;17ve01587 ?
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