Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions des 11 juillet et 13 septembre 2013 par lesquelles l'inspecteur du travail a rejeté pour incompétence la demande d'autorisation de licenciement le concernant présentée par la société Colas Ile-de-France Normandie, ensemble la décision du 28 mars 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé les décisions de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n° 1403575 du 7 avril 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 9 juin 2016, 24 mai et 10 octobre 2017, M.D..., représenté par Me Dadi, avocat, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler ce jugement et les décisions des 11 juillet et 13 septembre 2013 et du 28 mars 2014 ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement qui a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 28 mars 2014 du ministre du travail est irrégulier ;
- la décision du 28 mars 2014 est entachée de défaut de motivation en droit ;
- elle ne comporte en outre aucun visa relatif à son mandat de délégué syndical ;
- les décisions de l'inspecteur du travail sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la société Colas Ile-de-France Normandie a eu connaissance de manière certaine du renouvellement de son mandat de délégué syndical. En outre, en lui reprochant de ne pas avoir rapporté la preuve de l'envoi ou de la réception de la nouvelle désignation, l'inspecteur du travail et le tribunal ont ajouté une condition à la loi ;
- en tout état de cause, l'inspecteur du travail et le ministre du travail ont commis une erreur de droit en se plaçant à la date de leur décision et non à la date de la demande d'autorisation de licenciement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...substituant Me C...pour la société Colas Ile-de-France Normandie.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...D..., engagé par contrat à durée déterminée puis indéterminée à compter du 22 juin 1987 par la société Colas Ile-de-France Normandie en qualité de boiseur, a été désigné représentant syndical au comité d'entreprise le 7 juin 2000. Par courrier du 27 mai 2013, la société Colas Ile-de-France Normandie a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour inaptitude. Par une décision du 11 juillet 2013, confirmée le 13 septembre suivant, l'inspecteur du travail a rejeté cette demande. Saisi par M. D...d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 28 mars 2014, confirmé les décisions de l'inspecteur du travail. Par un jugement du 7 avril 2016 dont M. D...relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 11 juillet et 13 septembre 2013 et du 28 mars 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément répondu au moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 28 mars 2014. En tout état de cause, alors que les premiers juges ont retenu la compétence liée du ministre pour rejeter le recours de M. D...ce moyen était inopérant. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-7 du code du travail dans sa rédaction applicable : " L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur. / Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement. ". Aux termes de l'article L. 2143-3 du même code dans sa rédaction applicable : " Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le mandat d'un délégué syndical prend nécessairement[Conseil1] fin lors de chaque renouvellement des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise et doit faire, à l'issue de ces élections, l'objet d'une nouvelle désignation par son syndicat.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2143-7 du code du travail dans sa rédaction applicable du 1er mai 2008 au 10 août 2016 : " Les noms du ou des délégués syndicaux sont portés à la connaissance de l'employeur dans des conditions déterminées par décret. Ils sont affichés sur des panneaux réservés aux communications syndicales. / La copie de la communication adressée à l'employeur est adressée simultanément à l'inspecteur du travail. / La même procédure est appliquée en cas de remplacement ou de cessation de fonctions du délégué. ". Aux termes de l'article D. 2143-4 du même code dans sa rédaction applicable du 1er mai 2008 au 1er janvier 2018 : " Les nom et prénoms du ou des délégués syndicaux, du délégué syndical central et du représentant syndical au comité d'entreprise sont portés à la connaissance de l'employeur soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par lettre remise contre récépissé. ". Si ces dispositions précisent les conditions dans lesquelles la désignation des délégués syndicaux est portée à la connaissance du chef d'entreprise, ces formalités ne sont prévues que pour faciliter la preuve de cette désignation.
5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D...a été désigné représentant syndical au comité d'établissement de la société Colas Ile-de-France Normandie par un courrier de son syndicat du 7 juin 2000. En janvier 2011, des élections organisées pour le renouvellement des institutions représentatives dans l'entreprise ayant eu lieu, le mandat de délégué syndical de l'intéressé a automatiquement pris fin à la date du premier tour de celles-ci, soit le 17 janvier 2011. Si M. D...se prévaut d'un courrier du 14 février 2011 dans lequel son syndicat aurait informé l'employeur du renouvellement de son mandat, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce courrier de désignation, envoyé par lettre simple, aurait été réceptionné par la société Colas Ile-de-France Normandie, laquelle fait d'ailleurs valoir n'en avoir jamais été destinataire. En outre ce courrier est en contradiction avec les termes d'un précédent document du même syndicat dressant la liste de ses candidats aux élections des 17 et 30 janvier 2011, sur lequel le nom de M. D... ne figure pas et il n'a été produit à l'inspecteur du travail qu'une fois son incompétence constatée en raison de l'absence d'élément justifiant du renouvellement de M. D... dans ses fonctions représentatives. Ensuite les circonstances que, postérieurement à la tenue des élections professionnelles de janvier 2011, M. D... a continué d'être convoqué et d'assister aux réunions du comité d'entreprise et que la société Colas Ile-de-France Normandie a suivi la procédure applicable en cas de licenciement d'un salarié protégé, ne permettent pas, à elles seules, eu égard à ce qui précède, d'établir que l'intéressé aurait fait l'objet d'une nouvelle désignation dont la société Colas Ile-de-France Normandie aurait pris connaissance de manière certaine dès lors que celui-ci exerçait auparavant les fonctions de délégué syndical et que la société a pu estimer, à tort, que la désignation du 7 juin 2000 était toujours valable. Dans ces conditions, M. D... ne saurait être regardé comme bénéficiant de la protection prévue par les dispositions précitées du code du travail au 10 avril 2013, date d'envoi de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Par suite c'est à bon droit que l'inspecteur du travail puis le ministre du travail saisi sur recours hiérarchique, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient pris leur décision en se plaçant à une autre date que celle de l'envoi par l'employeur de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, ont rejeté, ainsi qu'ils y étaient tenus, la demande d'autorisation de licenciement pour incompétence.
7. En conséquence de cette compétence liée, le moyen tiré de ce que la décision du 28 mars 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social serait insuffisamment motivée en droit et ne comporterait aucun visa relatif à son mandat de délégué syndical sont inopérants.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Sur les dépens :
10. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions formées par la société Colas Ile-de-France Normandie sur leur fondement doivent, en tout état de cause, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Colas Ile-de-France Normandie tendant au remboursement des dépens sont rejetées.
[Conseil1]CE Nos 385668, 386496
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N° 16VE01733