Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
La Société Française Donges-Metz (SFDM) a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2012 par lequel le maire de La Ferté-Alais a interdit aux véhicules transportant des matières dangereuses de traverser le centre-ville de la commune par la route départementale 831, pour une durée de 18 mois, ainsi que la décision implicite de rejet du maire de La Ferté-Alais de son recours gracieux du 25 juillet 2014 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 14 janvier 2014 portant interdiction de circulation pour une même durée de 18 mois pour ces mêmes véhicules pour la traversée du centre ville par la route départementale 831.
Par deux jugements n° 1206087 du 7 décembre 2015, et n° 1408605 du 8 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit aux demandes de la Société Française Donges-Metz en annulant l'arrêté du 30 juillet 2012 du maire de La Ferté-Alais, ainsi que sa décision refusant implicitement d'abroger son arrêté du 14 janvier 2014 et en enjoignant au maire de procéder à cette abrogation.
Procédures devant la Cour :
I- Par une requête n° 16VE00372 et un mémoire, enregistrés les 6 février 2016 et 1er août 2017, la commune de La Ferté-Alais, représentée par Me Gannat, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1206087 du 7 décembre 2015 et de rejeter la demande présentée par la Société Française Donges-Metz devant le Tribunal administratif de Versailles ;
2° de mettre à la charge de la Société Française Donges-Metz le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de La Ferté-Alais soutient que :
- l'arrêté en litige ne présentait pas un caractère excessif au regard des objectifs de sécurité publique qu'il poursuivait, alors que l'interdiction ne portait pas sur trois voies de la commune et qu'un itinéraire de substitution était prévu qui ne présentait aucun risque spécifique. Elle a en outre justifié en quoi le projet d'aménagement du site de l'ancienne piscine impliquait un risque accru pour les personnes en cas d'accident de la circulation impliquant un poids lourd transportant des matières dangereuses ;
- l'arrêté en litige n'est pas entaché d'incompétence, le maire a compétence pour réglementer la circulation à l'intérieur de son agglomération en vertu de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales et il n'a pas, en l'espèce, entendu réglementer la circulation sur des voies situées en dehors de son agglomération en proposant un itinéraire de substitution ;
- la mesure contestée ne présentait pas un caractère trop général dès lors que l'arrêté concerne les seuls véhicules transportant des matières dangereuses en raison du risque qu'ils représentent pour les personnes et les biens en cas d'accident en centre ville et que leur circulation n'est interdite que sur trois voies de la commune ;
- elle ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général s'attachant à l'accès aux stocks de sécurité pétroliers ni à la liberté du commerce et de l'industrie.
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II- Par une requête n° 16VE01369 et un mémoire, enregistrés les 6 mai 2016 et 26 février 2018, la commune de La Ferté-Alais, représentée par Me Gannat, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1408605 du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de Versailles et de rejeter la demande présentée par la Société Française Donges-Metz devant ce Tribunal ;
2° de mettre à la charge de la Société Française Donges-Metz le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige ne présentait pas un caractère excessif au regard des objectifs de sécurité publique qu'il poursuivait, alors que l'interdiction ne portait pas sur trois voies de la commune et qu'un itinéraire de substitution était prévu qui ne présentait aucun risque spécifique. Elle a en outre justifié en quoi le projet d'aménagement du site de l'ancienne piscine impliquait un risque accru pour les personnes en cas d'accident de la circulation impliquant un poids lourd transportant des matières dangereuses ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande d'expertise. Il a méconnu les règles relatives au prononcé des mesures d'instruction ;
- l'arrêté en litige n'est pas entaché d'incompétence, le maire a compétence pour réglementer la circulation à l'intérieur de son agglomération en vertu de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales et il n'a pas, en l'espèce, entendu réglementer la circulation sur des voies situées en dehors de son agglomération en proposant un itinéraire de substitution ;
- la mesure contestée ne présentait pas un caractère trop général dès lors que l'arrêté concerne les seuls véhicules transportant des matières dangereuses en raison du risque qu'ils représentent pour les personnes et les biens en cas d'accident en centre ville et que leur circulation n'est interdite que sur trois voies de la commune ;
- elle ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général s'attachant à l'accès aux stocks de sécurité pétroliers ni à la liberté du commerce et de l'industrie.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de Me Gannat pour la commune de La Ferté-Alais et de Me A...pour la Société Française Donges-Metz.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 juillet 2012, le maire de la commune de La Ferté-Alais a interdit, pour une durée de 18 mois, aux véhicules de fort tonnage transportant des matières dangereuses la traversée du centre-ville sur la route départementale 831 (rue du général Leclerc, rue Georges Hautôt et rue des deux Ponts). Cette interdiction a été renouvelée, pour la même période, par un nouvel arrêté du maire du 14 janvier 2014. La Société Française Donges-Metz, exploitante d'un dépôt d'hydrocarbures implanté sur le territoire de la commune voisine, a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 30 juillet 2012 et de la décision implicite de refus du maire d'abroger son arrêté du 14 janvier 2014. Par deux jugements en date des 7 décembre 2015 et 8 mars 2016, dont la commune de La Ferté-Alais relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du maire de La Ferté-Alais du 30 juillet 2012, ainsi que son refus implicite d'abroger son arrêté du 14 janvier 2014 et lui a enjoint de procéder à cette abrogation.
2. Les requêtes susvisées n° 16VE00372 et n° 16VE01369, présentées pour la commune de La Ferté-Alais, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
3. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur (...) les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-5 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies aux véhicules de transport de matières dangereuses visées par la directive 82/501 du Conseil du 24 juin 1982 concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles et de nature à compromettre la sécurité publique ". Il appartient au juge saisi de la légalité d'un arrêté restreignant la circulation de véhicules d'apprécier globalement, au regard des circonstances qui l'ont motivé et du but poursuivi, si l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte excessive à la liberté de circulation.
4. La commune de La Ferté-Alais fait valoir qu'elle a interdit la circulation des véhicules d'un fort tonnage transportant des matières dangereuses pour prévenir les conséquences graves qui pourraient résulter d'un accident impliquant de tels véhicules en zone urbanisée, à proximité d'habitations, d'écoles, d'un complexe de loisirs, de la gare RER, dont le pic de fréquentation correspond de surcroît aux horaires de passage des camions d'hydrocarbures de la Société Française Donges-Metz et sur des voies également empruntées par des bus, alors que la configuration des lieux ne se prête nullement au trafic des poids lourds en raison de l'étroitesse des voies, du manque de visibilité et de la présence de nombreuses personnes.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude confiée par la commune à l'ADRAC en 2013, que les matières dangereuses qui transitent par le centre ville de la commune peuvent générer, en cas d'accident, des risques très importants, que l'avenue du général Leclerc, qui fait partie du centre historique de la ville, n'a pas été conçue dans l'optique de permettre un important flux de véhicules industriels poids lourds, qu'elle comporte un croisement dangereux et qu'eu égard au nombre de camions, 15 à 20 par jour et à la configuration inadaptée des lieux, le risque d'une catastrophe est réel. Selon cette même étude, les camions circulent dans un secteur très urbanisé à proximité d'écoles, d'un complexe sportif, culturel et de loisirs et de la gare RER très fréquentés. Alors que la desserte locale a été autorisée par des véhicules d'un tonnage inférieur à 11.99 tonnes et que l'interdiction est limitée au centre ville, elle ne présente pas un caractère général et absolu. Elle a été édictée en raison des dangers et inconvénients que présente la circulation des véhicules en cause à l'intérieur de l'agglomération, compte tenu de la configuration des voies empruntées, compte tenu également de leur étroitesse, et de leur forte fréquentation, sans qu'une circulation alternée soit de nature à garantir la suppression de tout danger. Cette mesure, justifiée par l'intérêt de la sécurité publique, ne présente donc pas un caractère excessif pour les transporteurs de matières dangereuses ni ne porte une atteinte excessive à leur liberté de commerce et d'industrie, dès lors qu'ils peuvent emprunter un itinéraire de substitution, dont il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que fait valoir la Société Française Donges-Metz, qu'il présenterait des risques aussi élevés qu'un transit en agglomération.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise, que la commune de La Ferté-Alais est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le caractère excessif de la mesure d'interdiction et l'erreur d'appréciation du maire pour annuler son arrêté du 30 juillet 2012, ainsi que le refus implicite d'abroger son arrêté du 14 janvier 2014.
7. Toutefois, il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autres moyen soulevé par la Société Française Donges-Metz :
8. Le moyen tiré de ce que le maire aurait été incompétent pour réglementer la circulation en dehors du périmètre de sa commune ne peut être qu'écarté dès lors que le maire s'est borné à proposer un itinéraire de substitution.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement n° 1408605, que la commune de La Ferté-Alais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de son maire du 30 juillet 2012, ainsi que son refus implicite d'abroger son arrêté du 14 janvier 2014.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de La Ferté-Alais, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par la Société Française Donges-Metz non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la Société Française Donges-Metz, partie perdante dans les présentes instances, la somme globale de 2 000 euros à verser à la commune de La Ferté-Alais sur le fondement des dispositions susmentionnées au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1206087 du 7 décembre 2015 et n° 1408605 du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de Versailles sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par la Société Française Donges-Metz devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : La Société Française Donges-Metz versera à la commune de La Ferté-Alais une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Nos 16VE00372-16VE01369