Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS CORSO MAGENTA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2012, à hauteur de la somme de 66 056 euros, et le versement d'intérêts moratoires afférents à cette somme.
Par un jugement n° 1421418 du 20 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et quatre mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juillet 2016, 14 septembre 2017, 9 novembre 2018, 17 décembre 2018 et 8 janvier 2019, la SAS CORSO MAGENTA demande à la Cour d'annuler ce jugement, de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2012 à hauteur de la somme de 66 056 euros, ou à titre subsidiaire le remboursement de la somme de 25 439 euros, ainsi que le versement d'intérêts moratoires afférents à cette somme et qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle remplit les conditions prévues par l'article 244 quater B du code général des impôts pour percevoir le crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2012 ainsi que la condition fixée au II b de cet article pour que les dépenses engagées au titre du personnel chercheur soient prises en compte pour le double de leur montant ; ces dépenses se rapportent en effet à une personne titulaire d'un doctorat, dont le recrutement dans l'entreprise doit être regardé comme son premier emploi en lien avec le niveau de formation obtenu avec ledit doctorat ; l'activité de professeur des écoles exercée par ce chercheur ne peut ainsi être regardée comme un premier emploi au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts ;
- cette appréciation de la notion de premier recrutement ressort aussi de la doctrine administrative et des travaux parlementaires issus de la loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005 ;
- en accordant une restitution partielle du crédit impôt recherche, l'administration a implicitement reconnu que l'entreprise était éligible au crédit impôt recherche et que le diplôme du chercheur en cause répondait bien aux dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'éducation ; son diplôme correspond en effet à un bac + 8 au sens du référentiel européen de Bologne et mentionne les crédits ECTS obtenus de façon similaire à un doctorat français ; par ailleurs, les pièces produites établissent que cette personne exerce réellement une activité de chercheur au sein de l'entreprise ;
- le calcul du montant du crédit d'impôt par l'administration est erroné puisque les dépenses en cause correspondent pour partie à l'activité de recherche d'un autre chercheur que MmeA....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi de finances pour 2006 n° 2005-1729 du 30 décembre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de Me Thibault de Montigny, avocat de la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS CORSO MAGENTA a sollicité la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 170 844 euros au titre de l'exercice 2012. L'administration a partiellement accepté cette demande à hauteur de 104 788 euros. La société requérante a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche à hauteur du reliquat, soit la somme de 66 056 euros. Par jugement du 20 juin 2016, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Sur la fin de non recevoir opposée par l'administration :
2. Contrairement à ce que soutient l'administration, la requête d'appel présentée par la SAS CORSO MAGENTA dans le délai de recours ne constitue pas la seule reproduction littérale de sa demande de première instance mais énonce à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant qu'il soit fait droit à sa demande de restitution et comporte, en outre, une critique du jugement attaqué. Ainsi, la fin de non-recevoir analysée plus haut doit, par suite, être rejetée.
Sur le bien-fondé de la demande de crédit d'impôt recherche :
3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts (CGI), dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : "I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30'% pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5'% pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente (...)".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...a obtenu un diplôme en 1996 de l'université des sciences physiques de Madrid qui doit être regardé comme un doctorat ou un diplôme équivalent au sens de l'article L. 612-7 du code de l'éducation dès lors qu'il a été obtenu après huit années d'études, ce qui équivaut à un doctorat au sens du référentiel européen de Bologne et qu'il s'agit d'un diplôme de troisième cycle mentionnant les crédits " ECTS " obtenus. En outre, la société requérante réalise des opérations de recherche au sens des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, notamment dans le domaine pour lequel Mme A...a été recrutée, son contrat de travail mentionnant d'ailleurs que sa mission consiste en la réalisation de projets de recherche et de développement opérationnel concernant les peintures et les adhésifs.
5. Par ailleurs, il ressort des travaux préparatoires de la loi de finances pour 2006 n° 2005-1729 du 30 décembre 2005 que le législateur a entendu aider les entreprises réalisant des opérations de recherche en prenant une mesure destinée à encourager le recrutement de titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme de niveau équivalent. Il y a ainsi lieu de regarder le premier recrutement cité par l'article 244 quater B du CGI comme celui correspondant au premier exercice de fonctions en lien avec une formation du niveau d'un doctorat. Il n'est pas contesté que l'emploi occupé par Mme A...comme professeur des écoles de 1996 à 2011 était sans lien avec le doctorat qu'elle a obtenu en 1996 de l'université des sciences physiques de Madrid et que cet emploi ne peut ainsi être regardé comme un premier recrutement au sens du II b de l'article 244 quater B du CGI. La société requérante est ainsi fondée à soutenir que le contrat de travail à durée indéterminée signé avec MmeA..., titulaire d'un doctorat, le 17 janvier 2011, en qualité de chef de projet recherche, constitue un premier recrutement au sens du II b de l'article 244 quater B du CGI.
6. La société requérante peut, dès lors, se prévaloir du doublement des dépenses se rapportant à l'activité de MmeA..., pendant les vingt-quatre premiers mois suivant son premier recrutement en contrat à durée indéterminée, pour la détermination des dépenses de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche, en application des dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts.
7. Il résulte de ce qui précède que la SAS CORSO MAGENTA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 20 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à la restitution du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2012 à hauteur de la somme de 66 056 euros.
Sur les intérêts moratoires :
8. Les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales " quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal " sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". Dès lors qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant lesdits intérêts, les conclusions tendant au versement par l'administration d'intérêts moratoires sont irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SAS CORSO MAGENTA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1421418 du 20 juin 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la SAS CORSO MAGENTA la restitution de créances de crédit d'impôt sur les dépenses de recherche à hauteur de la somme de 66 056 euros au titre de l'année 2012.
Article 3 : Les conclusions de la société requérante tendant au paiement des intérêts moratoires sont rejetées.
Article 4 : L'Etat versera à la SAS CORSO MAGENTA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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16VE02296