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17/01/2019 | FRANCE | N°16VE00952

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 17 janvier 2019, 16VE00952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Marine B...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 à raison de revenus fonciers et au titre de l'année 2010 à raison d'une plus-value de cession de biens immobiliers.

Par un jugement nos 1201746 et 1401136 du 2 février 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.


Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 31 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Marine B...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 à raison de revenus fonciers et au titre de l'année 2010 à raison d'une plus-value de cession de biens immobiliers.

Par un jugement nos 1201746 et 1401136 du 2 février 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 31 mars 2016, 24 juillet et 6 novembre 2018, M. et MmeB..., représentés par Me D...puis MeC..., avocats, demandent à la Cour d'annuler ce jugement, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2010, à titre subsidiaire, d'admettre au titre des années 2007 et 2008, au titre de la compensation légale, la déduction de pensions alimentaires versées à hauteur de 69 038 euros pour 2007 et de 64 044 euros pour 2008, et qu'une somme de 3 960 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale, bien qu'informée que les requérants avaient obtenu par décret du 4 décembre 2005 leur naturalisation et leur changement de noms et prénoms, a établi les propositions de rectification à leurs anciens noms, ce qui est contraire à la loi du 6 fructidor an II ; pour cette même raison, ils n'ont pu retirer à la poste les courriers qui leur étaient adressés ; ils n'ont ainsi pu bénéficier des garanties prévues par le livre des procédures fiscales dans ses articles L. 49, L. 57 et R. 57-1 ;

- dans les actes notariés relatifs aux plus-values de cession de parts de la SCI La Fontaine, le gérant était mentionné sous le nom de M. B...et non sous son ancien nom ;

- pour les mêmes raisons, les avis d'imposition sont irréguliers ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'ils n'ont pas reçu ou pu recevoir les propositions de rectification des 5 juillet 2012 et 16 décembre 2010, en l'absence de délivrance d'un avis d'instance et en raison de l'absence de respect du délai de mise en instance des plis recommandés ;

- la proposition de rectification du 5 juillet 2012 n'est pas assez motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas l'impôt concerné par les rectifications en litige ;

- l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013 est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne mentionne pas l'impôt en litige et qu'il fait référence à une proposition de rectification du 3 juillet 2012 qui n'existe pas ;

- les loyers perçus sur un immeuble ont fait l'objet d'un abandon de loyer à deux frères de M.B..., dans le cadre d'une compensation légale prévue aux articles L. 80 et L. 203 à L. 205 du livre des procédures fiscales.

...................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi du 6 fructidor de l'an II ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle à l'issue duquel des redressements en matière de revenus fonciers leur ont été notifiés pour 2007 et 2008 par proposition de rectification du 16 décembre 2010, puis d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel des redressements relatifs au montant d'une plus-value de cession de biens immobiliers pour l'année 2010 leur ont été notifiés par proposition de rectification du 5 juillet 2012. Ils ont demandé le sursis de paiement des impositions en litige et la décharge des impositions supplémentaires en résultant, en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 2007, 2008 et 2010. Par jugement du 2 février 2016, le Tribunal administratif de Versailles a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au sursis de paiement et rejeté les conclusions à fin de décharge.

Sur la régularité des procédures d'imposition et de mise en recouvrement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs. Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de la loi du 6 fructidor de l'an II : " Il est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l'acte de naissance, ou les surnoms maintenus par l'article 2, ni d'en exprimer d'autres dans les expéditions et extraits qu'ils délivreront à l'avenir ".

3. M. et Mme B...soutiennent qu'ayant obtenu leurs naturalisation et changement d'identité par décret du 4 décembre 2005, l'administration ne pouvait, en application de l'article 4 de la loi du 6 fructidor de l'an II, leur adresser les propositions de rectification et les avis d'imposition à leurs anciens noms et prénoms. Toutefois, cette règle n'est pas prescrite à peine de nullité des actes. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont adressé leurs déclarations de revenus de 2005 à 2015 en mentionnant leur ancien nom, Aït Mouloud, et ont reçu chaque année leur avis d'imposition comportant cette ancienne identité sans jamais signaler à l'administration le changement de noms et prénoms intervenu en 2005. L'administration était ainsi en droit de continuer à leur adresser des avis d'imposition et avis de mise en recouvrement en retenant le nom utilisé par les requérants eux-mêmes. En outre, s'agissant de la proposition de rectification du 5 juillet 2012, si l'administration a pris soin de l'adresser à " M. et Mme E...dit B...A... ", le pli contenant la proposition de rectification a été retourné à l'administration avec la mention " non réclamé " et non la mention que le destinataire n'aurait pu être identifié par les services postaux. Enfin, comme l'a relevé le tribunal administratif, l'utilisation de l'ancien nom des requérants ne vicie pas la procédure au regard des articles L. 49, L. 54 B, L. 57 et L. 59 du livre des procédures fiscales, qui sont relatifs respectivement à l'information donnée au contribuable du résultat d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, à l'indication sur la proposition de rectification de la possibilité de se faire assister d'un conseil de son choix, à l'envoi d'une proposition de rectification et à la possibilité de saisine d'une commission. Le moyen, tiré de ce qu'en leur adressant des propositions de rectification sous leur ancien nom la procédure suivie aurait été irrégulière, doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, M. et Mme B...soutiennent que la proposition de rectification du 5 juillet 2012 ne précise pas l'impôt en litige et est ainsi insuffisamment motivée. Toutefois, cette proposition de rectification expose avec précision les éléments de fait et de droit sur lesquels l'administration s'est fondée pour déterminer le montant imposable de la plus-value immobilière réalisée par les contribuables à la suite de la cession de terrains intervenue le 29 septembre 2010 au profit de la SCI Le clos des vignes en détaillant les motifs pour lesquels l'administration a procédé à la modification du calcul de la plus-value réalisée lors de la vente des terrains de la SCI Résidence la Fontaine et les répercutions que cela a entraîné en matière d'impôt direct pour chacun des associés de cette SCI. La proposition de rectification se réfère également aux articles 150 U à 150 VH du code général des impôts alors applicables, qui font référence à l'impôt sur le revenu, et mentionne l'année d'imposition ainsi que l'opération à l'origine de l'imposition de la plus-value. Ainsi cette proposition de rectification, qui énonce l'ensemble des motifs sur lesquels l'administration entendait se fonder pour justifier les rectifications envisagées, permettait au contribuable de présenter utilement ses observations.

5. En troisième lieu, il incombe à l'administration, en application de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales susmentionné, d'établir que la proposition de rectification prévue par ces dispositions est parvenue en temps utile au contribuable. En cas de retour à l'expéditeur du pli recommandé contenant cette proposition, le contribuable ne peut être regardé comme l'ayant reçu que s'il est établi qu'il a été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n'a été retourné à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve.

6. S'agissant de la proposition de rectification du 5 juillet 2012, si l'administration n'apporte pas la preuve de la délivrance d'un avis d'instance, il résulte de l'instruction que les requérants ont admis n'avoir pas pu retirer le pli en l'absence de pièce d'identité adéquate. Il est ainsi constant que si le service de la poste a refusé de leur délivrer le pli contenant la proposition de rectification susmentionnée, ils avaient nécessairement été informés de la présence de ce pli par la délivrance d'un avis d'instance.

7. Par ailleurs, il ressort des mentions portées sur l'enveloppe contenant cette proposition de rectification, qu'elle a été présentée au domicile des requérants à la date du 16 juillet 2012. Ainsi, le délai de mise en instance prenant fin à la date du 31 juillet, le pli a pu être retourné à l'administration le 1er août et distribué le 2 août 2012. Le délai de mise en instance de quinze jours prévu par la réglementation n'a ainsi pas été méconnu.

8. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2013 adressé à M. et Mme B...comporte, d'une part, la mention du montant global et de la nature des droits et pénalités recouvrés et, d'autre part, la référence à la proposition de rectification en date du 3 juillet 2012 mentionnant l'impôt sur les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers. Si la date du 3 juillet 2012 est erronée et fait suite à une erreur de plume, les requérants pouvaient aisément comprendre que l'avis de mise en recouvrement faisait en réalité référence à la proposition de rectification du 5 juillet 2012. Ils étaient ainsi en mesure d'obtenir les informations utiles à la contestation de la régularité de la procédure, ainsi qu'à celle du bien-fondé et de l'exigibilité des droits et pénalités au paiement desquels ils étaient tenus. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis de mise en recouvrement litigieux doit être écarté.

10. En cinquième lieu, M. et Mme B...soutiennent ne pas avoir été destinataires de la proposition de rectification du 16 décembre 2010, ni de l'avis de mise en instance du pli contenant ce document. Toutefois, l'avis de réception attaché au pli recommandé contenant la proposition de rectification en litige, adressé aux requérants et retourné à l'administration, comporte la mention " abs " pour " absent ", la date de présentation du 22 décembre 2010, la mention " versailles St Louis 75 rue Royale " pour indiquer le bureau de poste où le pli est en instance ainsi que la case cochée " non réclamé " correspondant au motif de non distribution. L'administration apporte ainsi la preuve que les requérants se sont vu délivrer un avis de mise en instance du pli contenant la proposition de rectification en litige.

11. Les requérants ne sont ainsi pas fondés, pour les motifs mentionnés plus haut, à soutenir que la procédure d'imposition prévue à l'article L. 57 ou la procédure de mise en recouvrement prévue à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.

Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt pour les années 2007 et 2008 :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la proposition de rectification du 16 décembre 2010 a été régulièrement notifiée. M. et Mme B..., qui ont tacitement accepté les redressements en matière de revenus fonciers, ont ainsi la charge de la preuve de leur exagération, par application de l'article R. 194 du livre des procédures fiscales.

13. Après avoir soutenu en première instance que les revenus fonciers provenaient de la location d'immeubles, gérés au sein d'une société détenue en commun avec ses deux frères, sans d'ailleurs aucunement établir l'existence de cette société, M. B...soutient en appel avoir partagé ces revenus avec ses deux frères sans ressources et demande, à titre subsidiaire, la prise en compte de l'abandon de ces revenus fonciers déclarés par ses frères au titre de pensions alimentaires. Toutefois, M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir que ces revenus auraient été versés à ses frères au titre de pensions alimentaires.

Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt pour l'année 2010 :

14. Si les requérants demandent la décharge de la plus-value immobilière provenant de la cession d'un bien, ils n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause le calcul ou le bien-fondé de cette plus-value.

15. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 février 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des suppléments de cotisations à l'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2010.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

2

N° 16VE00952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00952
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : GUILLERAND

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-17;16ve00952 ?
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