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27/12/2018 | FRANCE | N°18VE01393

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 27 décembre 2018, 18VE01393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre à lui verser une somme de 331 003,97 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de sa situation administrative.

Par un jugement n° 1101983 du 19 décembre 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 février 2014 so

us le n° 14VE00582, MmeA..., représentée par le cabinet B...et Komly-Nallier, avocats assoc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre à lui verser une somme de 331 003,97 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de sa situation administrative.

Par un jugement n° 1101983 du 19 décembre 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 février 2014 sous le n° 14VE00582, MmeA..., représentée par le cabinet B...et Komly-Nallier, avocats associés, a demandé à la Cour :

1° de réformer ce jugement en tant qu'il ne lui a pas accordé la somme de 331 003,97 euros ;

2° de condamner le CASH de Nanterre à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts à chaque échéance annuelle ;

3° de mettre à la charge du CASH de Nanterre le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

Mme A...soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer, en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur la faute commise par le CASH de Nanterre à avoir employé Mme A...à temps plein en qualité de bénévole entre 1975 et 1982 ;

- le CASH de Nanterre a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité : les vacations hebdomadaires bénévoles qu'elle a effectuées en sa qualité de psychologue, entre 1975 et 1982 auraient dû lui être payées. Ayant en réalité exercé des fonctions à temps plein et non à mi-temps à compter du 10 mars 1997, le montant du préjudice subi s'élève à 85 497,67 euros ;

- ses conditions de travail dégradées ont conduit à la détérioration de son état de santé. L'absence de prise en compte par l'administration de sa situation de handicap constatée le 17 septembre 1999 par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel et de son inaptitude physique, constitue une sanction déguisée lui ayant fait perdre la somme de 11 379,27 euros correspondant à la rémunération qu'elle aurait perçue si elle n'avait pas dû prendre sa retraite anticipée ;

- la prescription quadriennale ne peut pas lui être opposée, en l'absence de notification régulière des décisions à l'origine de son préjudice ;

- les fautes commises par l'administration lui ont fait perdre le droit d'être rémunérée pour ses activités annexes, d'enseignement et d'expertise notamment ;

- l'indemnité de licenciement aurait du prendre en compte les années 1975 à 1982 ;

- elle a subi un préjudice moral, consécutif à sa situation de précarité et à sa pathologie, elle même consécutive à des conditions de travail défectueuses, d'un montant de 50 000 euros.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 juillet et le 5 août 2015 sous le n° 15VE02280, Mme A...représentée par le cabinet B...et Komly-Nallier, avocats associés, demande à la Cour, d'inviter le CASH de Nanterre à exécuter le jugement du 19 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le centre à procéder au calcul de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de son préjudice de pension, en tenant compte de douze années au cours desquelles elle a été illégalement recrutée en qualité de vacataire et non de contractuelle.

Par une ordonnance du 20 juillet 2015, le Président de la Cour administrative d'appel de Versailles a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue d'assurer l'exécution du jugement.

Par un mémoire enregistré le 5 août 2015, Mme A...demande à la Cour :

1° de condamner le CASH de Nanterre à lui verser la somme de 50 000 euros, sauf à parfaire, majorée des intérêts à compter de la réception de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge du CASH de Nanterre la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A...soutient que :

- le CASH de Nanterre ne justifie pas qu'en qualité de vacataire, sa situation, au regard des régimes de retraite de base et complémentaire, a été gérée de la même manière que si elle avait bénéficié des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels employés par les centres d'accueil et de soins hospitaliers ;

- son recrutement par vacations au lieu d'un contrat sur un emploi permanent à temps non-complet lui a fait perdre, au titre du régime général, 16 trimestres de cotisations par vacations et plus de 20% du salaire de base fondant le calcul de sa pension de retraite.

Par un arrêt n° 14VE00582 et n° 15VE02280 du 28 mars 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les requêtes de MmeA....

Par une décision n° 410979 du 13 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a, sur le pourvoi introduit par MmeA..., annulé l'arrêt susvisé de la Cour administrative d'appel de Versailles du 28 mars 2017 en tant qu'il statue sur l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2013 et renvoyé dans cette limite le jugement des conclusions de Mme A...devant la même Cour.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tronel,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que Mme A...a exercé comme psychologue au sein du CASH de Nanterre, d'abord à titre bénévole à partir de 1975, puis en qualité de vacataire à partir du 30 novembre 1982, dans le cadre de contrats à durée déterminée à mi-temps à partir du 1er septembre 1994, et enfin dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à mi-temps du 1er avril 1997 jusqu'à son licenciement pour inaptitude physique, prononcé en mars 2010. Elle a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le CASH à l'indemniser de divers préjudices qu'elle estime avoir subis au cours de sa carrière. Par un jugement du 19 décembre 2013, le tribunal administratif a jugé qu'elle avait été illégalement recrutée en qualité de vacataire du 30 novembre 1982 au 30 août 1994, a condamné le CASH à l'indemniser d'un préjudice correspondant au montant de la pension qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été recrutée en qualité de contractuelle, diminué du montant de la pension qu'elle percevait effectivement et a renvoyé Mme A...devant l'administration pour déterminer le montant de la somme qui lui était due à ce titre, dans la limite de la somme de 50 000 euros demandée par MmeA.... Mme A...a présenté devant la Cour, d'une part, un appel dirigé contre ce jugement en tant qu'il rejetait le surplus de ses conclusions, d'autre part, une requête aux fins d'exécution de ce jugement, en tant qu'il mettait l'indemnité en cause à la charge du CASH. Par un arrêt du 28 mars 2017, la Cour, après avoir joint les requêtes, les a rejetées. Par une décision n° 410979 du 13 avril 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2013 au motif qu'en se bornant à juger qu'il résultait de l'instruction que la rémunération à laquelle Mme A...aurait eu droit dans un cadre contractuel au titre des années 1982 à 1994 n'aurait pas été supérieure à celle qu'elle avait effectivement perçue en qualité de vacataire et qui incluait une rémunération pour congés payés de 10% sur son traitement brut, pour en déduire que le jugement du 19 décembre 2013 du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise devait être regardé comme entièrement exécuté, la Cour, qui n'a pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur les motifs pour lesquels elle a n'a pas retenu la perte de droits à pension invoquée par MmeA..., a insuffisamment motivé son arrêt sur ce point. Le Conseil d'Etat a renvoyé, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, l'affaire à cette Cour.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la Cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4, sans méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée, d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.

3. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'indique d'ailleurs MmeA..., que le CASH de Nanterre a réglé les sommes de 1 500 euros et de 2 000 euros respectivement mises à sa charge par les articles 2 et 3 du jugement du tribunal au titre de la réparation du préjudice moral subi par Mme A...et du remboursement des frais de procès qu'elle a engagés et non compris dans les dépens. Ainsi, en renouvelant sa demande de condamnation du CASH à lui verser, au titre du préjudice de pension, la somme de 50 000 euros dans le cadre de l'instance n° 15VE02280, Mme A... doit être regardée comme demandant à la Cour, saisie sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de prendre les mesures nécessaires à l'exécution de l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

4. Selon cet article : " Mme A...est renvoyée devant le CASH de Nanterre pour qu'il soit procédé au calcul de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de son préjudice de pension, compte tenu de la prise en compte des douze années au cours desquelles elle a été illégalement recrutée en qualité de vacataire et non de contractuel, selon les modalités précédemment définies dans les motifs du présent jugement. Cette indemnité sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2010. Les intérêts échus le 10 novembre 2011 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts à chaque échéance annuelle ". Le motif qui vient au soutien de ce dispositif est ainsi rédigé : " 30. Considérant que Mme A...est fondée à solliciter la condamnation du CASH de Nanterre au titre de son préjudice de pension, correspondant au montant de la pension qu'elle aurait dû percevoir compte tenu des douze années au cours desquels elle a été illégalement embauché en qualité de vacataire et non de contractuel, diminué du seul montant de la pension qu'elle perçoit effectivement et non de l'indemnité de licenciement qui a été déjà versée ; que, toutefois, l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité due à Mme A...à ce titre ; qu'il y a lieu de renvoyer la requérante devant le CASH de Nanterre pour procéder à la liquidation en principal et intérêts de cette indemnité, dans la limite des 50 000 euros demandés à ce titre par Mme A... ".

5. A l'appui de sa demande d'exécution de cet article, Mme A...fait valoir que c'est à tort que le CASH estime qu'aucune somme ne lui est due au titre de son préjudice de pension. Elle relève que le refus du CASH de l'employer en qualité d'agent contractuel l'a privée de la possibilité d'acquérir des droits à pension supplémentaires, faute de prise en compte de certains trimestres, eu égard à la faible rémunération de ses vacations, de ses périodes estivales de congés et, enfin, de sa période de congé de maternité. Elle fait en outre valoir que ce refus a eu pour effet de réduire le salaire de base fondant le calcul de sa pension de retraite de plus de 20 % par rapport à celui qui aurait dû être retenu si elle avait été employée en qualité d'agent contractuel.

6. Pour motiver son refus de verser une somme à Mme A...en exécution de l'article 1er du jugement n° 1101983 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2013 au titre de la perte de ses droits à pension, le CASH soutient que le taux de cotisation auprès de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques était le même pour un vacataire et pour un contractuel. Il fait en outre valoir que son recrutement en qualité d'agent contractuel sur la période allant de 1982 à 1994 ne lui garantissait ni un temps de travail supérieur à celui effectué en qualité de vacataire, ni une rémunération plus élevée.

7. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme A...a été engagée en qualité de vacataire sur le fondement d'un arrêté n° 76-2110 du 28 avril 1976, qui fixe notamment les modalités de rémunération du vacataire. Le CASH ne produit aucun élément permettant de comparer le montant des vacations avec les rémunérations dues aux agents recrutés en vertu des dispositions réglementaires applicables aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière au cours de la période en litige. En outre, il ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'en sa qualité de vacataire, Mme A...n'a perdu aucun trimestre de cotisation, alors que le relevé de carrière du 10 août 2009 établi par l'assurance retraite d'Ile-de-France fait état de quatre trimestres validés par année travaillée en qualité de contractuelle et de seulement 36 trimestres validés sur un total de 52 sur la période de vacation. Le CASH de Nanterre n'établit donc pas que la pension de retraite qu'aurait perçue MmeA..., si elle avait été régulièrement employée, aurait été identique à celle qu'elle perçoit effectivement. Dès lors, le centre ne peut être regardé comme ayant entièrement exécuté l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2013.

8. Par suite, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au CASH de Nanterre de procéder au calcul de l'indemnité due à Mme A...selon les modalités définies à l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2013 ainsi qu'au versement de cette indemnité dans un délai de 6 mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CASH de Nanterre la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre de procéder au calcul de l'indemnité due à Mme A...selon les modalités définies à l'article 1er du jugement n° 1101983 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2013 ainsi qu'à son versement dans un délai de 6 mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 2 : Le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre versera à Mme A...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4

N° 18VE01393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01393
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07 Procédure. Jugements. Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-27;18ve01393 ?
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