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06/12/2018 | FRANCE | N°17VE00334

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 décembre 2018, 17VE00334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la région de Chevreuse a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 10 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Chevreuse a décidé de mettre à la disposition du SIVOM de la région de Chevreuse l'assiette foncière de différents équipements intercommunaux et la décision du 28 mars 2013 par laquelle le maire de Chevreuse a rejeté le recours gracieux tendant au retrait de cette délibératio

n et à l'exécution des délibérations antérieures portant cession de l'assiette ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la région de Chevreuse a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 10 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Chevreuse a décidé de mettre à la disposition du SIVOM de la région de Chevreuse l'assiette foncière de différents équipements intercommunaux et la décision du 28 mars 2013 par laquelle le maire de Chevreuse a rejeté le recours gracieux tendant au retrait de cette délibération et à l'exécution des délibérations antérieures portant cession de l'assiette foncière.

Par un jugement n° 1303539 du 24 novembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 10 décembre 2012 et la décision du maire de la commune de Chevreuse du 28 mars 2013 en tant qu'elle refuse de prendre les mesures en vue de procéder au retrait de cette délibération et à l'exécution de la délibération du 19 mars 2012.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 22 novembre 2017, la commune de Chevreuse, représentée par Me Piquet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande du SIVOM de la région de Chevreuse ;

3° de mettre à la charge du SIVOM de la région de Chevreuse le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le jugement attaqué n'est pas fondé :

- la délibération du conseil municipal du 10 décembre 2012 a pu légalement retirer celle du 19 mars 2012 qui, ne fixant pas de prix de cession, n'a créé aucun droit au profit du SIVOM, en application du principe d'inaliénabilité du domaine public, et en l'absence de déclassement préalable ; pour les mêmes motifs, la délibération du 21 juin 2004, qui au surplus n'est pas visée par la délibération du 19 mars 2012, dont le SIVOM ne s'est d'ailleurs jamais prévalu, n'a pas davantage créé de droit à un prix de cession du bien ; ces délibérations ne portent pas exactement sur le même objet ; le conseil municipal a donc pu légalement décider, sans condition de délai, de mettre à disposition et non de céder le terrain d'assiette ;

- l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques ne déroge pas au droit commun applicable aux cessions à titre onéreux de biens, exigeant un accord des deux parties sur la chose, le prix et les conditions éventuellement posées à la cession ; le SIVOM n'avait pas au 10 décembre 2012 accepté expressément la condition imposée par la commune de Chevreuse pour la cession du bien.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la commune de Chevreuse et de Me B... pour le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la région de Chevreuse.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AT 140, AT 146 et AT 148 dont la commune de Chevreuse est propriétaire ont fait l'objet, antérieurement à l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, d'une mise à disposition du SIVOM de la région de Chevreuse en vue de supporter une piscine intercommunale ouverte en 1972 et devenue centre aquatique en 2008 et ainsi de recevoir une affectation au service public qui n'a jamais cessé. Par une délibération du 19 mars 2012, le conseil municipal de la commune de Chevreuse a approuvé la cession au SIVOM pour un montant symbolique des biens immobiliers nécessaires à l'exercice des compétences " piscine intercommunale Alex Jany " et " aires de sauts et de lancers " sous condition de ne pas en modifier l'affectation actuelle, décidé que cette condition constituera un droit réel cessible limité dans le temps à 99 ans et autorisé le maire à signer l'acte notarié à venir ainsi que tous documents se rapportant à la délibération. Au vu de l'avis de France Domaine en date du 7 novembre 2012 estimant la valeur vénale des seuls terrains à 870 000 euros, le même conseil municipal a, par une délibération du 10 décembre 2012, décidé d'opter pour la poursuite de la mise à disposition de ces terrains prévue par les articles L. 1321-1 et L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales et autorisé le maire à signer la convention de mise à disposition. La commune de Chevreuse relève régulièrement appel du jugement du 24 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, sur la demande du SIVOM de la région de Chevreuse, annulé la délibération du 10 décembre 2012 et la décision du maire de la commune de Chevreuse du 28 mars 2013 refusant de la retirer et a enjoint audit maire d'assurer l'exécution de la délibération du conseil municipal du 19 mars 2012 en signant l'acte notarié de la vente de terrain autorisée par cette délibération.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 1212-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 ont qualité pour passer en la forme administrative leurs actes d'acquisition d'immeubles et de droits réels immobiliers ou de fonds de commerce. Ces personnes publiques peuvent également procéder à ces acquisitions par acte notarié. ". L'article L. 3111-1 du même code dispose : " Les biens des personnes publiques (...) qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ". Par dérogation aux principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public, l'article L. 3112-1 de ce code énonce : " Les biens des personnes publiques (...) qui relèvent de leur domaine public, peuvent être cédés à l'amiable, sans déclassement préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu'ils sont destinés à l'exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public ".

3. Il résulte de ces dispositions que seul l'acte en la forme administrative ou l'acte notarié entérinant une cession amiable de biens du domaine public entre personnes publiques est créateur de droits y afférant. Dès lors, la délibération du 19 mars 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Chevreuse a approuvé la cession au SIVOM de la région de Chevreuse, pour une somme symbolique qui n'est d'ailleurs pas précisée, des terrains d'assiette des équipements sportifs mentionnés au point 1 et a autorisé le maire à signer notamment l'acte notarié n'a créé par elle-même aucun droit à la cession amiable des terrains appartenant au domaine public de la commune au profit du SIVOM. Par suite, la commune de Chevreuse est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré de ce que la délibération du 10 décembre 2012 avait illégalement retiré au-delà d'un délai de quatre mois la délibération du 19 mars 2012 et a annulé les décisions des 10 décembre 2012 et 28 mars 2013.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le SIVOM de la région de Chevreuse tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens invoqués par le SIVOM de la région de Chevreuse :

5. Aux termes de L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs (...). ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la convocation à la séance du 10 décembre 2012 a été adressée aux conseillers municipaux le 3 décembre 2012, soit dans le respect du délai de cinq jours francs prévu par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales. Si le SIVOM de la région de Chevreuse conteste que les convocations aient été faites dans les délais légaux, il n'assortit ses allégations d'aucun élément circonstancié. Par suite, la simple allégation selon laquelle un des conseillers municipaux n'aurait pas été convoqué ne saurait conduire à remettre en cause les mentions factuelles précises notamment de la délibération litigieuse. Le SIVOM n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le délai prévu par l'article L. 2121-12 aurait été méconnu.

7. D'autre part, la commune de Chevreuse a produit l'ordre du jour de la séance du conseil municipal communiquée avec la convocation des conseillers portant notamment sur la " mise à disposition par la commune au SIVOM de la région de Chevreuse de l'assiette foncière de différents équipements intercommunaux-nouvelle délibération ". Si la note explicative de synthèse transmise avec la convocation et l'ordre du jour se présente comme l'avant-projet de délibération réservant la décision à prendre par le conseil municipal, il comporte un exposé du maire résumant l'objet, les motifs et le cadre juridique de la délibération soumise au conseil municipal. L'avant-projet indique notamment que si par la délibération du 19 mars 2012, l'assemblée délibérante avait approuvé la cession pour un montant symbolique des terrains nécessaires à l'exercice des compétences du SIVOM, il était nécessaire de délibérer à nouveau au vu de l'estimation de France Domaine du 7 novembre 2012 estimant la valeur vénale de ces terrains d'assiette " de l'ordre de 870 000 euros ", en proposant de ne plus céder le terrain mais d'opter pour le régime juridique de droit commun de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales. Ce document, dont le SIVOM ne conteste l'envoi effectif aux conseillers municipaux par aucun élément suffisamment étayé, alors même qu'il ne précise pas le risque contentieux du revirement du conseil municipal entre cession et mise à disposition, doit, en l'espèce, être regardé comme une note explicative de synthèse adressée avec les convocations aux membres du conseil municipal conformément aux dispositions mentionnées au point 5 de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.

8. Il résulte de ce qui précède que le SIVOM de la région de Chevreuse n'est pas fondé à soutenir que les membres du conseil municipal de Chevreuse ont été irrégulièrement convoqués à la séance du 10 décembre 2012 au cours de laquelle a été adoptée la délibération en litige.

9. L'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales dispose : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence. (...) ". L'article L. 1321-2 du même code énonce : " (...) La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume l'ensemble des obligations du propriétaire. Elle possède tous pouvoirs de gestion. Elle assure le renouvellement des biens mobiliers. Elle peut autoriser l'occupation des biens remis. Elle en perçoit les fruits et produits. Elle agit en justice au lieu et place du propriétaire. / La collectivité bénéficiaire peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation ou d'addition de constructions propres à assurer le maintien de l'affectation des biens. (...) ". Selon l'article L. 1321-4 de ce code : " Les conditions dans lesquelles les biens mis à disposition, en application de l'article L. 1321-2, peuvent faire l'objet d'un transfert en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire sont définies par la loi. ".

10. Pour les motifs exposés au point 3, le SIVOM de la région de Chevreuse n'est pas fondé à soutenir que les délibérations des 27 mars 1972, 29 novembre 1993, 18 décembre 2000 et 21 juin 2004 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Chevreuse a donné et renouvelé son accord à la cession de l'assiette foncière supportant notamment la piscine intercommunale, et qui portaient d'ailleurs sur des surfaces foncières et des prix de cession différents, ont créé à son profit des droits à cette opération. Dès lors, la commune de Chevreuse a pu légalement décider, sans condition de délai, par la délibération du 10 décembre 2012, de renoncer à la cession amiable des biens immobiliers en litige et d'opter pour le maintien de la mise à disposition de plein droit prévue par l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales. Les circonstances alléguées qu'une cession des terrains d'assiette à un prix symbolique poursuivrait un but d'intérêt général, comporterait des contreparties suffisantes pour la commune de Chevreuse, serait étroitement liée à la construction de la piscine intercommunale et aurait pu être légalement menée à bien depuis 1972 sont sans incidence sur la légalité de la délibération du 10 décembre 2012 et la décision du 28 mars 2013 du maire de la commune de Chevreuse refusant de la retirer.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chevreuse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 10 décembre 2012 et la décision du 28 mars 2013 ci-dessus. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par le SIVOM de la région de Chevreuse doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Chevreuse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIVOM de la région de Chevreuse la somme que la commune de Chevreuse demande au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1305339 du 24 novembre 2016 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande du SIVOM de la région de Chevreuse est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Chevreuse et le SIVOM de la région de Chevreuse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE00334 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00334
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes non créateurs de droits.

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal - Délibérations.

Domaine - Domaine public - Régime.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SCOTTI-PIQUET AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-06;17ve00334 ?
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