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27/11/2018 | FRANCE | N°17VE00206

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 novembre 2018, 17VE00206


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPD France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des sommes de 4 039 521 euros et de 6 336 250 euros, correspondant à une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2012 et 2013, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1509686 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la dé

charge partielle de ces impositions à hauteur d'un montant

de 601 771 euros au titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPD France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des sommes de 4 039 521 euros et de 6 336 250 euros, correspondant à une fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2012 et 2013, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1509686 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge partielle de ces impositions à hauteur d'un montant

de 601 771 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 6 336 250 euros au titre de l'exercice clos en 2013, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et trois mémoires, enregistrés les 18 janvier et 6 juin 2017 et les 8 mars et 4 juillet 2018, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler les articles 1er et 2ème du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge partielle des impositions et mis à la charge de l'Etat le versement, à la société BPD France, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° de décider qu'à défaut d'accord de l'ensemble des sous-filiales résidentes de France concernées, la société BPD France n'établit pas remplir les conditions pour pouvoir constituer un groupe fiscal intégré avec ses sociétés soeurs Mad Development, BFPHF 1 et Domus Rosny et, en vue d'obtenir la restitution d'une fraction de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles acquittées par elle au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ;

3° d'ordonner en conséquence, le reversement des sommes de 601 771 euros et

de 6 336 250 euros dont la décharge a été prononcée en première instance ;

4° de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

5° de rejeter l'appel incident de la société BPD France.

Il soutient, en dernier lieu, que :

- l'appel incident de la société BPD France relatif à la limitation de la portée financière du litige au titre de l'exercice clos en 2012 doit être rejeté ; en effet, c'est à juste titre que le tribunal administratif a refusé l'imputation des déficits propres à la société BFPHF 1 nés antérieurement au 1er janvier 2009 au regard de la règle de forclusion découlant de l'article

R. 196-1 du livre des procédures fiscales dès lors que la société qui a formé une réclamation le 28 décembre 2012 seulement ne pouvait demander le bénéfice de l'intégration fiscale qu'à compter du 1er janvier 2009 ; en outre, les dispositions du a du 1 de l'article 223 I du code général des impôts font obstacle à l'imputation de déficits d'autres sociétés nés antérieurement à la période d'intégration fiscale ;

- si le Conseil d'Etat a admis que l'impossibilité de constituer un groupe fiscalement intégré avec des sociétés soeurs découlant de l'article 223 A du code général des impôts était contraire à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par sa décision du 30 mars 2016 n° 387164 Ministre des finances et des comptes publics c/ société Zambon France, par sa décision du 25 octobre 2017 n° 394413 Ministre des finances et des comptes publics c/ SAS Sodisac, il a néanmoins subordonné la constitution d'un tel groupe à la condition de la société soeur ait donné son accord pour que ses propres résultats soient pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe, un tel accord ne pouvant résulter de la seule production des liasses fiscales propres au régime d'intégration fiscale ;

- dans ces conditions, s'il renonce à exiger une option préalable de la part de la société BPD France et à exiger un accord de la société mère, tête de groupe, Rabobank et des sociétés intermédiaires, il demeure en droit d'exiger la production, par la société requérante, d'un accord de toutes les sous-filiales intégrées résidentes de France et non seulement un accord des trois sociétés mères résidentes ; en effet, si les sous-filiales intégrées ont nécessairement renoncé au report des déficits, cela ne les dispense pas de donner un accord pour la prise en compte de leur propres résultats ; or à ce stade les accords de la société Atlante pour 2012 et 2013 et de la société Mab Paribat pour 2013 n'ont pas été produits, la requérante se contentant d'invoquer une impossibilité matérielle de les produire due à la radiation ou à la cession de ces deux sociétés, alors d'ailleurs que la réalité de la cession de la société Mab Paribat n'est, de surcroît, pas démontrée.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bresse,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observation de Me Tof, avocat, pour la société BPD France.

Une note en délibéré présentée par MeA..., pour la société BPD France, a été enregistrée le 6 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés françaises BPD France, Mab Development France et Bouwfonds Financiering Participates Holding France (BFPHF), à la tête, chacune en ce qui la concerne, d'un groupe fiscal intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, sont elles-mêmes indirectement détenues à plus de 95 % par la société de droit néerlandais Rabobank, par l'intermédiaire des filiales BPD Frankrijk BV pour la première, et Mab Development Group BV pour les deux suivantes, toutes deux également de droit néerlandais. La société BPD France a réclamé à l'administration fiscale, le 28 décembre 2012, la restitution d'une fraction des cotisations à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles dont elle s'était acquittée à hauteur des sommes respectives de 3 885 502 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 6 336 250 euros au titre de l'exercice clos en 2013 au motif que l'impossibilité dans laquelle la plaçait la législation française de constituer un groupe fiscal intégré avec les sociétés Mab Development France et BFPHF et, à compter de l'année 2013 avec la société Domus Rosny, et, par suite, d'imputer les déficits de ces dernières sur ses propres bénéfices fiscaux, est contraire au principe de la liberté d'établissement protégé à l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Après que l'administration a rejeté sa réclamation en se prévalant des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, la société BPD France a saisi le Tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 1er décembre 2016, dont le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel, a fait droit à sa demande de restitution à hauteur de 601 771 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 6 336 250 euros au titre de l'exercice clos en 2013.

Sur le recours principal du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES :

2. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés (...) membres du groupe (...). Seules peuvent être membres du groupe les sociétés (...) qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés (...) ". En vertu de l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable aux années en litige, la société mère ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale prévu par l'article 223 A doit notifier cette option au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration du résultat d'ensemble et lui adresser notamment la liste des sociétés filiales qui seront membres du groupe ainsi que les attestations par lesquelles ces sociétés font connaître leur accord pour que la société mère retienne leurs résultats pour la détermination du résultat d'ensemble.

3. Il n'est pas contesté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES que l'impossibilité de constituer un groupe fiscalement intégré entre des sociétés françaises détenues indirectement par une même société mère située dans un autre Etat membre constitue une entrave à la liberté d'établissement. Par ailleurs, le ministre ne conteste plus dans le dernier état de ses écritures qu'il ne saurait opposer l'absence d'exercice formel d'une option de la société BPD France en faveur de la constitution d'un groupe d'intégration fiscale selon les modalités prévues par l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, pour refuser la demande de restitution des impositions perçues en méconnaissance du droit de l'Union européenne. Il indique également renoncer à exiger un accord de la société Rabobank, société tête de groupe, et des sociétés intercalées.

4. Le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES oppose, en revanche et en dernier lieu, à la société BPD France que si les sociétés soeurs ont explicitement donné leur accord pour que leurs propres résultats soient pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe ainsi constitué, renonçant par voie de conséquence au report des déficits qu'elles n'auraient pas encore imputés, en revanche, la société BPD France ne peut bénéficier du bénéfice du régime d'intégration fiscale faute d'avoir produit l'accord de l'ensemble des

sous-filiales résidentes de France fiscalement intégrées.

5. Si le respect des modalités prévues par l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur ne pouvait être exigé, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est, en revanche, fondé à soutenir que la société BPD France ne pouvait bénéficier des effets de l'intégration fiscale qui aurait été constituée avec ses soeurs si la législation française avait été conforme au droit de l'Union européenne qu'à la condition que ces dernières et leurs filiales aient donné son accord pour que leurs propres résultats soient pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe ainsi constitué, en renonçant par voie de conséquence au report des déficits qu'elles n'auraient pas encore imputés ;

6. Il résulte de l'instruction que les sociétés soeurs ont expressément donné leur accord pour faire partie du groupe fiscalement intégré et ont renoncé, par voie de conséquence, au report des déficits qui n'auraient pas encore été imputés et que les filiales résidentes de France des sociétés soeurs ont également donné leur accord pour faire partie d'une intégration horizontale à l'exception toutefois de deux d'entre elles, les sociétés Mab Paribat et Atlante. Si la société requérante indique, d'une part, que la société Mab Paribat a été cédée courant 2003 et qu'elle n'a pas été en mesure de retrouver les documents prouvant cette cession et, d'autre part, de la société Atlante a été liquidée peu de temps après le dépôt de sa réclamation préalable, elle ne démontre pas, par ces seuls éléments, l'existence d'obstacles qui auraient rendu la communication des autres accords, impossible ou excessivement difficile, alors qu'il lui était loisible de les produire jusque devant le juge administratif de l'impôt.

7. Dans ces conditions, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est seulement fondé à soutenir que les sociétés Mab Paribat et Atlante ne pouvaient être incluses dans le périmètre du groupe d'intégration fiscale horizontal constitué par la société BPD France et ses soeurs. Son recours ne peut donc être accueilli que dans cette mesure.

Sur l'appel incident de la société BPD France et le quantum des restitutions auxquelles la société BPD France peut prétendre au titre de l'exercice clos en 2012 :

8. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité la restitution d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles au titre de l'exercice clos en 2012 à la somme

de 601 771 euros correspondant au montant de l'impôt sur les sociétés acquitté en 2012, au motif que la demande était irrecevable pour le surplus, au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dès lors que la réclamation contentieuse présentée le

28 décembre 2012 par la société requérante ne comportait aucune conclusion indemnitaire pour le surplus.

9. Ainsi que le fait valoir la société BPD France sa demande de restitution de cotisations d'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2012 ne constituait pas un recours indemnitaire de plein contentieux mais, dans sa globalité, un litige fiscal relevant des règles du livre des procédures fiscales.

10. Cependant, d'une part, la société BPD France ne conteste pas, qu'ainsi qu'en ont jugé les premiers juges, qu'à hauteur de la différence entre le montant de 3 885 502 euros figurant dans sa réclamation préalable et le montant de 4 039 521 euros, sa demande devant le Tribunal administratif de Montreuil était irrecevable en application des dispositions de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales.

11. D'autre part, ainsi que le fait valoir en défense le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, en application des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation du 28 décembre 2012 de la société BPD France n'était recevable qu'en tant qu'elle portait sur les exercices clos à compter de l'année 2009 et ne pouvait dès lors lui permettre d'opter rétroactivement pour le régime d'intégration fiscale qu'à compter du 1er janvier 2009. En conséquence, par application des dispositions du a. du 1 du I de l'article 223 du code général des impôts, les déficits subis par la société Bouwfonds Financiering Participates Holding France (BFPHF) durant les années 2002 à 2008, nés antérieurement au

1er janvier 2009, date de début de l'intégration fiscale, ne pouvaient être imputés sur les bénéfices de la société requérante, sans qu'y fasse obstacle, la circonstance, à la supposée établie, qu'elle aurait effectivement rempli l'ensemble des conditions de fond requises pour bénéficier d'un tel régime dès l'exercice clos en 2002. En conséquence, la société BPD France n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont limité la restitution d'impôt sur les sociétés à une somme de 601 771 euros au titre de l'exercice clos en 2012. Par voie de conséquence, son appel incident doit être rejeté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société BPD France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les sociétés Mab Paribat et Atlante sont exclues du périmètre de l'intégration fiscale horizontale constituée par la société BPD France avec ses sociétés soeurs.

Article 2 : La société BPD France remboursera à l'administration fiscale la partie des sommes dont le Tribunal administratif de Montreuil a accordé la restitution au titre des exercices clos en 2012 et 2013 découlant de l'exclusion mentionnée à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1509686 du 1er décembre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.

Article 5 : L'appel incident de la société BPD France et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

N° 17VE00206 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00206
Date de la décision : 27/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-27;17ve00206 ?
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