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15/11/2018 | FRANCE | N°17VE01237

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 novembre 2018, 17VE01237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président du Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame (SMAVND) a rejeté sa demande tendant à la réalisation des travaux nécessaires pour faire cesser les inondations dont ses voisins et elle-même ont été victimes de manière régulière, d'autre part, d'enjoindre au SMAVND de réexaminer sa demande dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement

à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, enfin, de mettre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président du Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame (SMAVND) a rejeté sa demande tendant à la réalisation des travaux nécessaires pour faire cesser les inondations dont ses voisins et elle-même ont été victimes de manière régulière, d'autre part, d'enjoindre au SMAVND de réexaminer sa demande dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge du SMAVND le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300507 du 28 février 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement le 18 avril 2017, le 28 juin 2018 et le 17 septembre 2018, MmeC..., représentée par Me Hubert, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° d'enjoindre au Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame (SMAVND) de réexaminer sa demande dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge du SMAVND le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif ayant omis de répondre à son moyen tiré de ce que l'illégalité de la décision attaquée était révélée par le courrier du 13 février 2015 par lequel le SMAVND a reconnu la nécessité de mettre en oeuvre les travaux qu'elle a sollicités, le jugement attaqué est insuffisamment motivé et est donc entaché d'irrégularité ;

- en estimant que le régime de responsabilité sans faute de la personne publique, maître d'un ouvrage public, à l'égard des tiers, victimes de dommages causés par cet ouvrage, n'impliquait pas que le SMAVND devait réaliser les travaux nécessaires pour faire cesser les inondations dont elle a été victime et en rejetant, pour ce motif, sa demande d'annulation de la décision attaquée, les premiers juges ont entaché ce jugement d'erreur de droit et de dénaturation des faits de l'espèce ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ; en effet, alors que la personne publique, maître de l'ouvrage, doit prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles que le fonctionnement de l'ouvrage crée, les expertises qu'elle a produites en première instance démontrent que les inondations qu'elle subit sur sa propriété sont dues à l'insuffisance et au dysfonctionnement du réseau d'assainissement confié au SMAVND ; ce dysfonctionnement a été mis en exergue par des courriers de la commune de Sartrouville ; par un courrier du 13 février 2015, le SMAVND a reconnu la nécessité de mettre en oeuvre des travaux ; le rapport du bureau d'études EVA et le rapport d'expertise du 4 août 2018 démontrent que les ouvrages du SMAVND sont à l'origine des dommages en cause ; enfin, elle n'a aucune part de responsabilité dans les désordres qu'elle a subis ;

- l'annulation de cette décision implique nécessairement que sa demande soit réexaminée.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Bonfils, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour le Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame.

1. Considérant que Mme C...est propriétaire, depuis 1992, d'une maison d'habitation sise 8 bis, avenue Jean-Pierre Bourquard à Sartrouville ; qu'ayant été victime à plusieurs reprises, notamment en 1994, 1996, 1997, 2001, 2010 et 2011 d'inondations du sous-sol de sa propriété lors d'épisodes de fortes précipitations et estimant que ces désordres étaient imputables à l'insuffisance ou au dysfonctionnement du réseau public d'assainissement, elle a demandé au président du Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame (SMAVND), par un courrier du 14 septembre 2012 réceptionné le 17 septembre suivant, de faire réaliser sur ce réseau les travaux nécessaires pour empêcher ces inondations ; que le silence gardé par le président du syndicat sur cette demande a fait naître, le 17 novembre 2012, une décision implicite de rejet ; que Mme C...relève appel du jugement du 28 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le SMAVND :

2. Considérant qu'à supposer que le SMAVND doive être regardé, en soutenant qu'il n'appartient pas au juge administratif de prononcer à titre principal des injonctions à l'administration, comme opposant une fin de non-recevoir à la requête susvisée de Mme C..., la requérante présente, à titre principal, des conclusions à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, du refus opposé par le président du SMAVND à sa demande tendant à l'exécution de travaux en vue de faire cesser des dommages causés par le réseau public d'assainissement et, à titre accessoire, des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au président du syndicat de réexaminer sa demande, l'ensemble de ces conclusions étant recevables ; que, par suite, cette fin de non-recevoir ne saurait être accueillie ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si le refus opposé par l'autorité administrative à une demande tendant à l'exécution de travaux en vue de faire cesser des dommages causés par un ouvrage public, est fondée sur des faits matériellement inexacts ou entaché d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste ;

4. Considérant, d'une part, qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties ; que, par suite, la seule circonstance que l'expertise dont se prévaut Mme C..., dans la présente instance, a été ordonnée par un jugement n° 1301943 du 28 février 2017 du Tribunal administratif de Versailles statuant avant-dire-droit sur sa demande indemnitaire ne saurait faire obstacle, contrairement à ce que fait valoir en défense le SMAVND, à ce qu'elle s'en prévale à l'appui de sa requête susvisée ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, du rapport du bureau d'études EVA du 14 juin 2018 ainsi que du rapport d'expertise du 4 août 2018 que les inondations dont Mme C...a été régulièrement victime dans le sous-sol de sa propriété, sise 8 bis, avenue Jean-Pierre Bourquard à Sartrouville, sont dues, pour partie, à la circonstance que son pavillon a été construit sur un terrain situé en bas de pente, sans aucune protection de type dos-d'âne ou de caniveaux adaptés, avec un réseau de récupération des eaux du pavillon en dessous de la dalle du sous-sol et un raccordement au réseau du tout-à-l'égout à une hauteur inadaptée par rapport au fil d'eau de ce réseau ; qu'en outre, l'installation par la requérante d'un clapet anti-retour sur ce raccordement ne suffit pas à la prémunir de toute inondation dans le cas de fortes précipitations et d'une montée en charge du réseau d'assainissement ; que, toutefois, ces inondations sont dues également à la circonstance que le pavillon de Mme C...est situé dans une cuvette située à la jonction de trois rues où, en cas de fortes précipitations, les eaux pluviales ruissellent et ne peuvent normalement s'évacuer du fait d'avaloirs en nombre insuffisant ou trop sollicités et de canalisations encombrées car mal entretenues et, en aval, de section insuffisante, notamment au niveau du carrefour Bourquard-Jaurès ; que, dans son rapport du 4 août 2018, l'expert judiciaire a d'ailleurs estimé que la part de responsabilité du SMAVND dans la survenance des désordres en cause était prépondérante ; que si le SMAVND conteste les conclusions de l'expert en reprenant les termes de l'un de ses dires produits lors des opérations d'expertise, il n'apporte aucun élément de nature à infirmer les appréciations portées par l'expert sur les origines des dommages subis par Mme C... ; qu'en particulier et contrairement à ce que soutient le syndicat, l'expert a tenu compte du rapport du bureau d'études EVA du 14 juin 2018 et les conclusions de ce rapport ne contredisent pas ses propres conclusions ; qu'en outre, le syndicat ne démontre pas que le réseau d'assainissement serait parfaitement dimensionné ou aurait fait l'objet, lors des années où l'intéressée a été victime, entre 1994 et 2011, d'inondations du sous-sol de sa propriété, de travaux de curage afin de faire face à des épisodes, d'ailleurs réguliers, de fortes précipitations ; que le syndicat reconnaît même, dans ses dernières écritures, que la création d'un bassin de rétention permettrait d'" améliorer " la situation du quartier où demeure Mme C... ; que, dans ces conditions, en rejetant la demande de Mme C...tendant à la réalisation de travaux afin de prévenir les inondations en cause, dont il a estimé qu'ils étaient exclusivement imputables à l'intéressée, le président du SMAVND a entaché sa décision d'inexactitude matérielle des faits ; que, par suite, Mme C...est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de cette décision ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la demande de Mme C... tendant à la réalisation par le SMAVND de travaux sur le réseau public d'assainissement afin de prévenir les désordres dont elle est victime, soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au président du SMAVND de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais liés au litige :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le SMAVND demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SMAVND le versement à Mme C... de la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300507 du Tribunal administratif de Versailles en date du 28 février 2017 et la décision implicite par laquelle le président du Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame a rejeté la demande de Mme C... tendant à la réalisation des travaux nécessaires pour faire cesser les désordres elle a été victime, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au président du Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame de réexaminer la demande de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame versera à Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les conclusions présentées à ce titre par le Syndicat mixte pour l'assainissement du Val Notre-Dame sont rejetés.

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N° 17VE01237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01237
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-01-02 Travaux publics. Notion de travail public et d'ouvrage public. Ouvrage public.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme BONFILS
Avocat(s) : SELARL MICHEL TEBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-15;17ve01237 ?
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