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08/11/2018 | FRANCE | N°15VE02715

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 novembre 2018, 15VE02715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vivre à La Défense a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1) de surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention de décisions de justice définitives au titre, d'une part, des recours pour excès de pouvoir formés devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise les 24 août 2010, 5 novembre 2010, 28 février 2011, 21 mars 2011, 20 avril 2011, 21 septembre 2011, 16 mai 2012, 20 juin 2012 et 25 juillet 2012 à l'encontre de divers arrêtés portant permis de démolir et

de construire du maire de la commune de Courbevoie agissant au nom de l'Etat, ains...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vivre à La Défense a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1) de surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention de décisions de justice définitives au titre, d'une part, des recours pour excès de pouvoir formés devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise les 24 août 2010, 5 novembre 2010, 28 février 2011, 21 mars 2011, 20 avril 2011, 21 septembre 2011, 16 mai 2012, 20 juin 2012 et 25 juillet 2012 à l'encontre de divers arrêtés portant permis de démolir et de construire du maire de la commune de Courbevoie agissant au nom de l'Etat, ainsi qu'à l'encontre d'une délibération du conseil municipal de cette commune du 21 décembre 2011 et d'un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 25 janvier 2012, et d'autre part, au titre des instances civiles initiées devant le tribunal de grande instance de Paris le 23 août 2010 et pendantes devant la Cour de cassation ;

2) d'annuler l'arrêté n° PC 9202610D0040 du 6 mars 2012, par lequel le maire de la commune de Courbevoie a accordé, au nom de l'Etat, un permis de construire à la

SNC HP Sud Residential et la SNC HP Sud Hôtel, pour la réalisation d'une tour ITGH dite Tour Sud Hermitage, l'arrêté n° PC 9202610D0041 du 6 mars 2012, par lequel le maire de la commune de Courbevoie a accordé, au nom de l'Etat, un permis de construire à la

SNC HP Ouest Bureaux, la SCI HP Retail and Art, la SCI HP Campus, la SCI HP Parkings, la SCI HP EDC, la SNC HP Sud Residential, la SNC HP Sud Hôtel, la SNC HP Est Residential, la SCI HP Est Bureaux et la SCI HP Est Activity pour la réalisation d'un ensemble de bâtiments dénommé " permis Ouest " et l'arrêté n° PC 9202610D0042 du 6 mars 2012, par lequel le maire de la commune de Courbevoie a accordé, au nom de l'Etat, un permis de construire à la

SNC HP Est Residential, la SCI HP Est Bureaux et la SCI HP Est Activity pour la réalisation d'une tour ITGH dite Tour Est Hermitage et d'annuler, par voie de conséquence, les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux.

Par un jugement n° 1207301-1207304-1207317 du 19 juin 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2015, l'association Vivre à La Défense, représentée par Me de Coulhac-Mazérieux, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention de décisions de justice définitives au titre :

. des sept recours pour excès de pouvoir formés devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise contre les arrêtés de permis de démolir du maire de Courbevoie agissant au nom de l'Etat, actuellement pendants devant le Conseil d'Etat,

. du recours pour excès de pouvoir contre la délibération du conseil municipal du 21 décembre 2011, actuellement pendant devant la Cour sous le numéro 15VE01031,

. du recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 25 janvier 2012 actuellement pendant devant la Cour sous le numéro 15VE01105,

. de l'action en nullité des actes notariés des 2 juillet 2001 et 13 décembre 2007, actuellement pendante devant la Cour d'appel de Versailles ;

3° subsidiairement, d'annuler les trois arrêtés de permis de construire du 6 mars 2012 et les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux ;

4° de mettre à la charge de l'ensemble des parties intimées le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les nouveaux pétitionnaires, auxquels l'arrêt à intervenir par l'effet des arrêtés de transfert des permis de construire est susceptible de préjudicier, devaient être appelés par le tribunal en interventions forcées sur le fondement de l'article R. 632-1 du code de justice administrative afin d'éviter toute éventuelle tierce opposition ; les premiers juges qui n'ont pas statué sur ce point ont statué infra petita et le jugement devra être annulé sur ce point ;

- le sursis à statuer doit être ordonné dans l'attente de décisions définitives qui ont une influence sur les permis de construire contestés notamment s'agissant des permis de démolir, de la délibération de la commune de Courbevoie du 21 décembre 2011 et de l'arrêté du préfet des Hauts de Seine autorisant la démolition du bâtiment Anjou ; d'autres recours sont également pendants devant l'autorité judiciaire ; la Cour dans le souci d'une bonne administration de la justice doit surseoir à statuer en attendant l'issue définitive de l'ensemble de ces recours ;

- les permis accordés sans réserve sont entachés d'un vice tenant au déni des recours juridictionnels pendants ;

- en application de l'article L. 422-2 c) du code de l'urbanisme, le maire ne disposait pas de la capacité juridique pour agir au nom de l'Etat et le préfet était seul compétent ainsi que le confirme la note technique élaborée sur cet article par l'administration ; par la voie de l'exception les articles R. 422-1 et R. 422-2 du code de l'urbanisme sont illégaux en ce qu'ils sont contraires à l'article L. 422-2 c) précité ;

- en l'absence de la concertation préalable prévue par les articles L. 300-1, L. 300-2 et R. 300-1 du code de l'urbanisme pour une opération d'aménagement nécessitant un investissement routier important et modifiant notamment le cadre de vie, les permis sont illégaux ; l'enquête publique ne pouvait équivaloir à une telle concertation ;

- en raison de l'interdiction du 13 octobre 2011 par le juge judiciaire du TGI de Nanterre de procéder aux démolitions autorisées par les permis de démolir, l'absence d'accord préalable de l'association syndicale libre (ASL) les Damiers-Courbevoie pour démolir les lots concernés est dès lors indissociable des opérations de construction en cause pourtant autorisées sans réserves ;

- les permis en litige empiètent sur le domaine public de l'EPADESA et du département des Hauts-de-Seine et sur les lots appartenant à l'ASL ; le directeur de l'EPADESA en l'absence de délibération des organes collégiaux et de caractérisation du cadre juridique de l'empiètement, n'avait aucune compétence aux termes de l'article 8 du décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 pour autoriser une construction privée à caractère pérenne sur le domaine public ; cet établissement n'a donc pas exprimé l'accord prévu par l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ; le département n'a pas davantage donné son accord, la délibération du 10 février 2012 du conseil général étant un accord conditionnel quant au déclassement dont la condition suspensive n'est pas levée ; les permis empiètent sur les voies de l'Ancre et des Blanchisseurs appartenant à l'ASL ;

- les pétitionnaires n'avaient pas qualité pour déposer la demande de permis sur le fondement des articles R. 423-1, R. 431-5 et R. 431-35 du code de l'urbanisme, dès lors qu'ils ne sont pas propriétaires de tous les lots de volume ni dument mandatés, ni autorisés, et l'autorité administrative devait vérifier le respect de ces articles ;

- l'enquête publique est entachée de nullité ; pour le permis n° PC 9202610D0040 de la tour Sud, la commission d'enquête n'a pas tenu compte de l'avis défavorable du 11 avril 2011 de la commission centrale de sécurité et de l'absence de garantie apportée par le pétitionnaire quant à l'effectivité de mesures compensatoires ; pour le permis n° PC 9202610D0041 des bâtiments Ouest, la commission d'enquête n'a pas tenu compte des 92 prescriptions et des 3 dérogations émises par la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur des 11 et 17 février, 14 mars et 26 juillet 2011 ; pour le permis n° PC 9202610D0042 de la tour Est, la commission d'enquête n'a pas tenu compte des 11 dérogations dont 7 assorties de mesures compensatoires émises par la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur des 22 novembre 2010 et 26 juillet 2011 ni de l'absence de garantie apportée par le pétitionnaire quant à l'effectivité de mesures compensatoires confirmées par la commission centrale de sécurité ; la commission d'enquête et le maire ne se sont pas prononcés au vu d'un aménagement intérieur entièrement finalisé obligatoire pour un ERP ; le maire n'a visé aucune des réserves émises pourtant déterminantes et devant être considérées comme un avis défavorable ce qui entache de nullité les documents d'urbanisme ; la commission d'enquête et les permis ne font pas état des réserves de l'avis de GRT Gaz qui conditionnait son avis favorable à la réalisation toujours incertaine de travaux de grande ampleur et complexes de couverture de la RD7 censés être ultérieurement définis ; pour les permis n° PC 9202610D0040 et n° PC 9202610D0042, l'avis émis le 26 juillet 2011 par la direction générale de l'aviation civile est troublant et les démarches pour relever les trajectoires des avions n'ont pas encore abouti ; pour ces deux permis, la commission d'enquête ne fait pas état de l'avis réservé de VNF aux implications pourtant substantielles ; le refus du bureau de la gestion de la route, service de la DRIEAT d'émettre un avis favorable qui emporte d'importantes conséquences, notamment en ce qui concerne la sécurité incendie sur la bretelle d'entrée de l'A14 n'a pas été pris en compte lors de l'enquête publique, ni l'avis réservé du 11 août 2011 de Defacto, établissement public chargé de la gestion et de l'entretien de la dalle ; le rapport de la commission d'enquête publique est donc irrégulier, ou à tout le moins insuffisant, au regard des exigences de l'article R. 123-22 du code de l'urbanisme ;

- les permis sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; les réserves et les prescriptions des différentes commissions devaient être imposées au pétitionnaire, auquel un permis en blanc a été délivré ; le financement du projet n'est pas garanti ; l'autorité n'a pas pu apprécier en toute connaissance de cause la conformité du projet au regard de l'ensemble des aspects sanctionnés par l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 portant création de l'Etablissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) et dissolution de l'Etablissement public pour l'aménagement de la région dite de La Défense (EPAD) et de l'Etablissement public d'aménagement de Seine-Arche (EPASA) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour l'association Vivre à La Défense, et de Me A...et Me B...pour les sociétés du groupe Hermitage.

Une note en délibéré présentée pour les sociétés du groupe Hermitage a été enregistrée le 22 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

Sur les demandes d'intervention forcée :

1. D'une part, l'association Vivre à La Défense qui n'a pas demandé l'intervention forcée des sociétés Les Locataires, Hermitage Plaza Sud Sky 1, Hermitage Plaza Sud Sky 2, Hermitage Plaza Est Sky 1 et Hermitage Plaza Est Sky 2 dans le litige de première instance, n'est pas recevable à soutenir que le jugement serait entaché d'une irrégularité sur ce point. D'autre part, les conclusions d'appel demandant l'intervention forcée des sociétés précitées sont dépourvues d'objet, ces sociétés étant, en tout état de cause, représentées devant la Cour.

Sur les demandes de sursis à statuer :

2. L'association requérante demande, en premier lieu, que la Cour sursoie à statuer dans l'attente d'un pourvoi pendant devant le Conseil d'Etat concernant sept demandes d'annulation de permis de démolir délivrés en 2010 et 2011 et de l'issue de deux appels concernant une délibération du conseil municipal de Courbevoie du 20 décembre 2011 et un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 25 janvier 2012. Si elle soutient que l'issue de ces recours pour excès de pouvoir " détermine la validité même des arrêtés de permis de construire ", il ne ressort toutefois nullement des pièces du dossier que des recours en excès de pouvoir toujours pendants auraient une quelconque incidence sur la résolution du présent litige.

3. L'association requérante demande, en deuxième lieu, que la Cour sursoie à statuer dans l'attente de l'issue d'une action en nullité d'actes notariés des 2 juillet 2001 et 13 décembre 2007, laquelle action serait une condition de reconnaissance " de la capacité juridique des pétitionnaires des permis contestés ". Toutefois, la circonstance que la qualité de propriétaire de la société Logis-Transports serait contestée devant la juridiction judiciaire, est sans incidence sur la légalité des permis de construire, délivrés sous réserve du droit des tiers.

4. En troisième lieu, les circonstances, d'une part, que l'association requérante a fait appel d'un jugement prononcé dans le cadre d'une action pénale en " escroquerie au jugement " qu'elle a introduite contre le groupe Hermitage, et, d'autre part, que l'arrêt n° 15VE02620 du 7 décembre 2017 de la Cour (formation plénière) a accordé au groupe Hermitage un délai expirant le 31 décembre 2018 pour solliciter la régularisation des trois permis qu'elle a annulés, conformément à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, ne conditionnent pas, en l'espèce, l'issue de la présente instance, en ce compris la demande présentée pour la première fois par les sociétés du groupe Hermitage de se voir allouer des dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

5. Par suite, l'association requérante n'est fondée à soutenir ni que le jugement est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir sursis à statuer, ni que l'absence d'un sursis à statuer par la juridiction administrative se heurterait à une " bonne administration de la justice ". Dans ces conditions, ses conclusions à fin de sursis à statuer doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la compétence du signataire des arrêtés de permis de construire :

6. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes (...) ". Le c) de l'article L. 422-2 du même code donne compétence à l'autorité administrative de l'Etat, par dérogation aux dispositions du a) de l'article L. 422-1 précité, pour se prononcer sur un projet portant sur " les travaux, constructions (...) réalisés à l'intérieur des périmètres des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2 ". Aux termes de l'article R. 422-1 du code de l'urbanisme, pris en application des dispositions susvisées : " Lorsque la décision est prise au nom de l'Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l'article R. 422-2 où elle émane du préfet ". L'article R. 422-2 du même code, qui fixe les cas dans lesquels, par dérogation aux dispositions de l'article R. 422-1, le préfet est compétent pour délivrer un permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable, donne compétence au préfet pour prendre de telles décisions dans les communes visées au b) de l'article L. 422-1 et dans certaines hypothèses limitativement définies, parmi lesquelles ne figurent pas les travaux réalisés à l'intérieur des périmètres des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2.

7. Il résulte de la combinaison des dispositions susvisées que lorsque les travaux objet d'un permis de construire sont réalisés à l'intérieur d'un périmètre d'intérêt national mentionné à l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, le maire, agissant en tant qu'autorité administrative de l'Etat, lorsque la commune concernée est dotée d'un plan local d'urbanisme, est compétent pour prendre la décision. Il ressort des pièces du dossier que les travaux de construction autorisés par les arrêtés en litige sont réalisés à l'intérieur du périmètre de l'opération d'intérêt national de la Défense. La commune de Courbevoie étant dotée d'un plan local d'urbanisme adopté le 27 septembre 2010, son maire était compétent pour édicter, au nom de l'Etat, les arrêtés attaqués au regard des dispositions précitées de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme. En outre, les dispositions de cet article, qui se bornent à préciser les cas dans lesquels l'autorité administrative de l'Etat visée à l'article L. 422-2 du même code est le préfet, ne dérogent pas auxdites dispositions législatives qui, quelle que soit l'interprétation qui leur est donnée par une fiche administrative du 10 juillet 2011 intitulée " définition de l'autorité administrative de l'Etat ", n'ont pas entendu exclure que le maire puisse également agir, dans les hypothèses qu'il énumère, au nom de l'Etat en tant qu'autorité administrative de l'Etat. Par ailleurs, les constructions envisagées n'étant pas réalisées pour le compte de l'Etat ou d'un établissement public, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du a) de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme attribuant dans ce cas la compétence de délivrer le permis de construire au préfet. Il en résulte que le moyen tiré de l'incompétence du maire de Courbevoie, signataire au nom de l'Etat des décisions en litige, doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence d'autorisation préalable de l'association syndicale libre " Les Damiers de Courbevoie " :

8. Les permis de construire en litige n'ont pas pour objet d'autoriser la démolition d'un immeuble. La circonstance que le permis de démolir accordé antérieurement était contesté, à la date de délivrance des permis de construire, devant le Tribunal de grande instance de Nanterre qui a fait interdiction à la société Logis-Transports, par un jugement du 13 octobre 2011, de mettre en oeuvre ce permis de démolir en raison de l'absence d'autorisation préalable de l'association syndicale libre " Les Damiers de Courbevoie ", est sans incidence sur la procédure d'instruction des demandes de permis de construire et sur la légalité de ces permis. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les permis de construire auraient dû comporter des réserves tenant à une action judiciaire en cours à la date de leur édiction.

En ce qui concerne l'occupation du domaine public :

9. Aux termes de l'article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire. ". Aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les sociétés pétitionnaires étaient autorisées à déposer une demande de permis de construire sur différentes parcelles du domaine public constitué par la dalle de La Défense, en vertu d'un protocole d'accord signé le 19 juin 2010 entre l'établissement public pour l'aménagement de La Défense (EPAD), devenu EPADESA à la faveur du décret n° 2010-743 du 2 juillet 2010 susvisé, et le groupe des sociétés pétitionnaires, suivi d'un courrier de son directeur en date du 1er octobre 2010, identifiant précisément les parcelles et volumes concernés.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les sociétés pétitionnaires ont produit la délibération du 10 février 2012 du Conseil général des Hauts-de-Seine approuvant le principe d'une désaffectation et d'un déclassement de la bretelle de retournement de la parcelle cadastrée section AE n 117 de la RD 7 dans le cadre des projets de couverture de cette voie et de la construction des tours Hermitage. Contrairement à ce qui est soutenu, l'intervention d'un acte de déclassement n'était pas requise à la date de délivrance des permis de construire. Par suite, le groupe Hermitage justifiait, conformément à l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, de l'accord l'habilitant à construire, nonobstant la réserve du département ci-dessus, tenant à ce que l'EPADESA réalisât à ses frais les aménagements destinés à compenser la suppression de la voie.

En ce qui concerne l'empiètement sur une propriété privée :

12. Le moyen d'appel tiré de l'empiètement sans titre sur la propriété de l'association syndicale libre " Les Damiers de Courbevoie " n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne l'autorisation de déposer les demandes de permis :

13. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Il résulte des dispositions précitées que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions que cet article définit. Dès lors que les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec les règles d'urbanisme, sont accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis de construire, la validité de l'attestation établie et fournie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude. Il revient toutefois à l'autorité saisie d'une demande de permis de construire de refuser celle-ci lorsque cette autorité vient à disposer, au moment où elle statue et sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, des informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer.

14. En l'espèce, les sociétés du groupe Hermitage ont régulièrement attesté, lors du dépôt de la demande en vue de l'obtention des permis de construire, être habilitées pour ce faire. Les circonstances qu'elles étaient alors seulement propriétaires de certains des lots de volumes nécessaires au projet et que, dans le cadre des interrogations du public au cours de l'enquête publique sur la maîtrise du foncier, les pétitionnaires ont indiqué qu'ils avaient déjà acquis un grand nombre de lots concernés par leur projet et que des conventions devraient régir l'acquisition des autres lots, n'étaient pas de nature à faire regarder les sociétés pétitionnaires comme dépourvues de titre pour déposer ces demandes, dont il n'est pas établi qu'elles présentaient un caractère frauduleux ou erroné.

En ce qui concerne le " déni des recours juridictionnels pendants " :

15. Il y a lieu par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement d'écarter le vice de procédure tiré de l'absence de prise en compte des procédures judiciaires pendantes lors de l'instruction des demandes de permis de construire.

En ce qui concerne l'absence de la concertation préalable :

16. Il ressort des pièces du dossier que la réalisation des aménagements routiers, notamment la réalisation d'une couverture de la RD 7, nécessaire préalable à la mise en oeuvre des permis de construire litigieux, relève d'un projet urbain distinct des permis de construire, lesquels n'ont pas pour objet d'autoriser " La réalisation d'un investissement routier dans une partie urbanisée d'une commune d'un montant supérieur à 1 900 000 euros, et conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants " mentionnée à l'article R. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'absence de la concertation préalable à un projet d'aménagement prévue par le c) de l'article L. 300-2 et l'article R. 300-1 du code de l'urbanisme est inopérant.

En ce qui concerne le moyen tiré de la " nullité " de l'enquête publique :

17. Aux termes de l'article R. 123-22 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige : " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet au préfet le dossier de l'enquête avec le rapport et les conclusions motivées dans un délai d'un mois à compter de la date de clôture de l'enquête.".

18. Il ressort des pièces du dossier que la commission d'enquête publique, avant d'émettre à l'unanimité un avis favorable aux trois permis, a analysé dans ses conclusions le déroulement de l'enquête, la faisabilité du projet, notamment au titre des aspects techniques, la stabilité au feu et les avis favorables émis par la commission départementale de sécurité, les nuisances induites par le projet, les critiques architecturales, la détérioration des vues, le risque d'attentat et les avis du public. La commission a également donné un avis motivé sur les avantages et inconvénients de l'opération envisagée, notamment les nuisances que le public devra subir en raison de la réalisation de ces projets. La commission a ainsi procédé à l'examen prescrit par les dispositions précitées de l'article R. 123-22 du code de l'environnement. La circonstance, au demeurant non établie, que l'avis de la commission d'enquête n'aurait pas pris en compte les nombreuses prescriptions, dérogations et mesures compensatoires figurant aux comptes rendus des commissions départementale et centrale de sécurité ainsi que l'aménagement par l'établissement public de la couverture de la RD7 au cours duquel sera déplacée une conduite souterraine de gaz, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Contrairement à ce qui est soutenu, la commission d'enquête publique et le service instructeur n'étaient pas tenus de disposer d'un document " intégralement finalisé " portant sur " l'aménagement intérieur " des constructions. La commission d'enquête publique n'était pas davantage tenue d'analyser l'avis favorable du 26 juillet 2011 émis par les services de l'aviation civile, l'avis même réservé du 14 février 2011 de l'établissement public Voies navigables de France, ni l'avis des services de l'Etat chargés de l'A14 et de la RN13. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les permis de construire en cause auraient requis une autorisation de l'établissement public de gestion du quartier d'affaires de la Défense (DEFACTO), dans le cadre de sa mission telle qu'elle était alors fixée par les articles L. 328-1 et suivants du code de l'urbanisme. Ainsi, le moyen tiré de ce que les conclusions du 10 novembre 2011 de la commission d'enquête méconnaîtraient les exigences de l'article R. 123-22 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

19. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique./(...). ".

20. L'association requérante soutient que les très nombreuses et graves réserves émises par les différents avis comme les incertitudes sur le financement du projet justifiaient un rejet des demandes de permis de construire, évitant ainsi les expulsions des résidents des immeubles à démolir. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de ce que l'association n'a pas obtenu l'annulation des permis de démolir, que ces circonstances ne sont pas de nature à révéler une erreur manifeste d'appréciation dans la délivrance des permis de construire litigieux.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par le groupe Hermitage :

21. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel./(...) ".

22. Les sociétés du groupe Hermitage font valoir que les multiples recours de l'association Vivre à la Défense, tous perdus à ce jour devant la juridiction administrative, ont nécessairement eu pour effet de reporter le démarrage du chantier et que, dans ces circonstances, ils ont subi un préjudice financier que le groupe évalue à la somme de 60 millions d'euros et un préjudice moral à réparer par la somme de 50 000 euros. Cependant, les permis de construire litigieux ont fait l'objet d'autres recours, dont trois ont d'ailleurs donné lieu à l'arrêt de la Cour en date du 7 décembre 2017, mentionné au point 4. Ainsi, les préjudices allégués par le groupe Hermitage ne sont pas uniquement imputables au recours de l'association requérante sur lequel il est statué par le présent arrêt. Le lien de causalité n'est, dès lors, pas exactement établi entre ce recours et les préjudices des bénéficiaires des permis de construire. Par suite, les conclusions à fin d'allocation de dommages et intérêts présentées par le groupe Hermitage doivent être rejetées.

23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par les sociétés du groupe Hermitage et tirées de l'irrecevabilité de la requête d'appel, que l'association Vivre à La Défense n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence les conclusions aux fins de sursis et d'injonction présentées par l'association Vivre à La Défense doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, au titre de ces dispositions, à la charge de l'Etat et des sociétés Hermitage qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association Vivre à La Défense la somme globale de 5 000 euros à verser aux sociétés du groupe Hermitage.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Vivre à La Défense est rejetée.

Article 2 : L'association Vivre à La Défense versera la somme globale de 5 000 euros aux sociétés du groupe Hermitage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions des sociétés du groupe Hermitage présentées sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

N° 15VE02715 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02715
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : DE COULHAC-MAZERIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-08;15ve02715 ?
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