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25/10/2018 | FRANCE | N°16VE00048

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 25 octobre 2018, 16VE00048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 533 161,20 euros procédant d'un commandement de payer valant saisie immobilière, délivré le 8 avril 2014.

Par un jugement n°1405552 du 4 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de MmeB....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 7 janvier 2016, 4 août 2017, 6 avril 2018, 22 mai 2

018 et 18 juin 2018, MmeB..., représentée par Me Hong-Rocca, avocat, demande à la Cour :

1° d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 533 161,20 euros procédant d'un commandement de payer valant saisie immobilière, délivré le 8 avril 2014.

Par un jugement n°1405552 du 4 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de MmeB....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et quatre mémoires, enregistrés les 7 janvier 2016, 4 août 2017, 6 avril 2018, 22 mai 2018 et 18 juin 2018, MmeB..., représentée par Me Hong-Rocca, avocat, demande à la Cour :

1° de prononcer la décharge de l'obligation qui lui a été notifiée par commandement du 8 avril 2014 de payer la somme de 533 161,20 euros correspondant à des cotisations à l'impôt sur le revenu restant dues au titre des années 1986, 1987 et 1988 et à des contributions sociales afférentes aux mêmes années ;

2° ou, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de cette obligation à hauteur de la somme de 459 253,97 euros ;

3° et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par le mémoire, enregistré le 4 août 2017, Mme B...a renoncé à sa demande, formée dans sa requête, tendant à ordonner la mainlevée du commandement de payer du 8 avril 2014.

Elle soutient que :

- le commandement de payer du 8 avril 2014 se fonde sur une créance prescrite par l'effet de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ; elle a opposé la prescription en application du b) de l'article R. 281-1-3 du livre des procédures fiscales dès lors que la prescription visée à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales porte sur l'obligation de payer et non sur l'exigibilité de la créance ; par ailleurs, les contestations relatives à l'exigibilité relèvent aussi du b) de l'article R. 281-1-3 du livre des procédures fiscales ; la prescription a pour objet de faire disparaitre le caractère obligatoire de la dette comme cela ressort de la doctrine de l'administration ; l'article L. 274 du livre des procédures fiscales prévoit que l'extinction du droit d'agir du comptable entraine aussi celle la créance ;

- la preuve de la notification des trois mises en demeure du 14 novembre 2012 n'est pas établie ;

- l'accusé de réception du 22 novembre 2012 correspond à la mise en demeure émise le 20 novembre 2012 et non aux mises en demeures émises le 14 novembre 2012 ;

- les créances n'ayant pas fait l'objet d'actes interruptifs de prescription successifs et réguliers depuis la mise en recouvrement des impositions et cotisations en 1990 permettant de proroger le délai de prescription, il y a lieu de constater l'extinction de l'obligation de payer les créances dues ;

- la décision de l'administration constitue une atteinte au principe de sécurité juridique dès lors que la prescription prévue à l'article L. 274 du LPF prévoit contrairement à ce que soutient l'administration, une extinction du droit d'agir du comptable mais aussi de la créance ;

- l'article R. 281-3-1 du LPF est inconstitutionnel en ce qu'il méconnait le droit à un recours effectif, prévu par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- cet article méconnait aussi l'article L. 274 du LPF en donnant la possibilité à l'administration de contourner la prescription prévue par l'article L. 274 précitée ;

..................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me Hong-Rocca, pour MmeB....

1. Mme B...demande, dans le dernier état de ses écritures, uniquement la décharge de l'obligation de payer résultant d'un commandement valant saisie immobilière qui lui a été délivré le 8 avril 2014 pour le recouvrement d'une somme totale de 533 161,20 euros, correspondant à des impositions restant dues au titre de l'impôt sur le revenu des années 1986, 1987 et 1988 et de contributions sociales afférentes aux mêmes années. Par jugement du 4 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Sur la demande de décharge de l'obligation de payer :

2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétente mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...). Aux termes de l'article R. 281-1 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef de service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 dudit livre, cette demande " doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas, au directeur départemental des finances publiques, au responsable du service à compétence nationale ou au directeur régional des douanes et droits indirects dans un délai de deux mois à partir de la notification : (...) c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif ". Selon l'article L. 274 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ". Enfin aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Mme B...soutient, en premier lieu, que le comptable public ne pouvait émettre le commandement litigieux, délivré le 8 avril 2014, dès lors que l'action en recouvrement, correspondant à des cotisations à l'impôt sur le revenu et à des contributions sociales dues au titre des années 1986 à 1988, respectivement mises en recouvrement le 30 septembre 1990 et le 30 novembre 1990, ainsi qu'aux majorations pour retard de paiement dont elles ont été assorties, mises en recouvrement le 16 novembre 1990 en matière d'impôt sur le revenu et le 31 décembre 1990 en matière de contributions sociales, était prescrite, en vertu des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, en l'absence de tout acte interruptif de prescription depuis les mises en recouvrement précitées. L'administration, fait toutefois valoir que M. et Mme B...ont reçu notification d'un avis à tiers détenteur notifié le 13 février 1996, d'un avis avant saisie et vente immobilière du 13 octobre 2008 notifié le 15 octobre 2008 et de trois mises en demeure en date du 14 novembre 2012 valant commandement de payer, accompagnées d'un avis de réception dûment signé faisant état d'une distribution le 22 novembre suivant et que M. et Mme B...ne sont ainsi pas recevables, en vertu du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, à se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement contre le commandement de payer délivré le 8 avril 2014 qui n'est pas le premier acte de poursuite permettant de l'invoquer.

4. La prescription de l'action en recouvrement est un moyen qui se rattache à l'exigibilité de l'impôt et non à l'obligation de payer au sens du b) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales. Ainsi, en vertu du c) du même article, le moyen tiré de la prescription d'un acte de poursuite doit être invoqué dans un délai de deux mois à l'encontre du premier acte de poursuite permettant de l'invoquer.

5. Il résulte par ailleurs des dispositions précitées que les décisions relatives au recouvrement de l'impôt par lesquelles l'administration porte les sommes dues à la connaissance du contribuable doivent mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la demande prévue à l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales précité, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette demande. Ainsi, le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales lui soient opposables.

6. L'administration fait valoir qu'elle a adressé à M. et Mme B...un avis à tiers détenteur en date du 13 février 1996, notifié le jour même, qui constituait le premier acte de poursuite. L'administration n'a toutefois pas produit cet avis à tiers détenteur mais uniquement l'accusé de réception de cet avis qui ne comporte ni la mention des délais et voies de recours prévues à l'article R. 421-5 du code de justice administrative ni même un montant équivalent à la somme réclamée par l'administration et ne permet pas de savoir si cet acte a été produit pour obtenir le paiement de la même dette fiscale que celle dont le recouvrement a été poursuivi. Mme B... ne peut non plus être regardée comme ayant eu connaissance des sommes dues à l'occasion de la notification, le 15 octobre 2008, d'un avis avant saisie et vente immobilière en date du 13 octobre 2008, pour un montant de 533 161,20 euros, dès lors que cet avis ne constitue pas un acte de poursuite mais se borne à un rappel des sommes dues.

7. L'administration fait par ailleurs état de trois mises en demeure valant commandement de payer en date du 14 novembre 2012, accompagnées d'un avis de réception faisant état d'une distribution le 22 novembre 2012 pour un montant total de 533 161,20 euros. Mme B...soutient toutefois que l'accusé de réception du 22 novembre 2012 correspond en réalité à la mise en demeure émise le 20 novembre 2012 pour un montant de 73 907 euros et que les trois mises en demeure mentionnées plus haut par l'administration ne lui ont jamais été notifiées. Or aucun élément n'est produit par l'administration pour justifier qu'elle aurait notifié à la requérante, par un seul et même pli le 22 novembre 2012, à la fois la mise en demeure produite par la requérante, portant sur le montant de 73 907 euros et datée du 20 novembre 2012, et une mise en demeure portant sur la même somme mais datée du 14 novembre 2014, ainsi que les deux autres mises en demeure mentionnées plus haut et datées elles aussi du 14 novembre 2012. L'administration doit être ainsi regardée comme n'établissant pas avoir notifié à la requérante les trois mises en demeure valant commandement de payer datées du 14 novembre 2012.

8. La mise en demeure datée du 20 novembre 2012, régulièrement notifiée, comportait la mention des voies et délais de recours. Elle n'a pas fait l'objet d'une contestation de la part de Mme B.... En application du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, il appartenait à cette dernière d'invoquer la prescription, si elle s'y croyait fondée, dans le délai de 2 mois suivant la notification de cette mise en demeure. Par conséquent, pour cette créance d'un montant de 73 907 euros, le commandement de payer valant saisie immobilière du 8 avril 2014 n'était pas le premier acte de poursuite à l'encontre duquel le moyen tiré de la prescription pouvait être utilement invoqué. En revanche, en ce qui concerne les créances R 50 010, R 50 011, R 50 024 et R 50 025 dont le montant total est de 459 253,97 euros, le commandement de payer valant saisie immobilière du 8 avril 2014 est bien le premier acte de poursuites à l'encontre duquel le moyen tiré de la prescription pouvait être utilement invoqué. Mme B... ayant formé une opposition à ces actes de poursuite le 18 avril 2014, dans le délai de deux mois fixé par l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, était dès lors recevable à invoquer la prescription résultant de l'article L. 274 de ce même livre.

9. Mme B...soutient, en deuxième lieu, que l'administration a méconnu le principe de sécurité juridique en portant atteinte à la prescription extinctive prévue par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales et que l'article R. 281-3-1 du livres de procédures fiscales méconnait pour le même motif l'article L. 274 précité. Toutefois, l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales a seulement pour objet de prévoir les modalités de présentation des actes de poursuite en matière de contestations relatives au recouvrement. En limitant la demande d'un contribuable à la contestation du premier acte de poursuite le c) de l'article R. 281-3-1 précité n'a pas pour effet de remettre en cause le principe d'une prescription extinctive des poursuites au terme d'un délai de quatre années à compter de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement par les comptables publics des administrations fiscales. Le pouvoir réglementaire n'a ainsi pas dénaturé la loi et l'administration n'a méconnu ni le principe de sécurité juridique ni l'article L. 274 du livre des procédures fiscales.

10. Mme B...soutient, en dernier lieu, que le c) de l'article R. 281-3-1 méconnaitrait l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en limitant le droit des contribuables d'exercer un recours effectif devant les juridictions. Toutefois, la circonstance que le c) de cet article ait pour effet de restreindre au premier acte de poursuite la possibilité pour un contribuable de contester une décision de poursuite en matière de recouvrement n'est pas constitutive d'une méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors qu'il ne fait que définir des modalités de recours, certes strictes, mais n'interdisant pas au contribuable de faire valoir ses droits.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est recevable à invoquer, à l'encontre de l'obligation de payer notifiée par commandement de payer du 8 avril 2014, la prescription de l'action en recouvrement, uniquement à hauteur de la somme de 459 253,97 euros.

12. Mme B...est ainsi seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à la décharge de l'obligation de payer dans la limite de la somme de 459 253,97 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Mme B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme B...est déchargée de l'obligation de payer les sommes mentionnées dans le commandement de payer valant saisie immobilière du 8 avril 2014 à hauteur de la somme de 459 253,97 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 4 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

N° 16VE00048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00048
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-005 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : CABINET ALDHEA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-10-25;16ve00048 ?
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