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16/10/2018 | FRANCE | N°18VE01411

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 16 octobre 2018, 18VE01411


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801548 du 5 avril 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté attaqué et enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de Mme A... D....

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rocédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2018, le PREFET DE LA SEIN...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801548 du 5 avril 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté attaqué et enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de Mme A... D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2018, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de Mme A...D... ;

Il soutient que :

- les médecins siégeant dans le collège ont été régulièrement désignés et le médecin rapporteur ne siégeait pas dans ce collège ;

- au titre de l'effet dévolutif, les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu:

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, rapporteur.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...D..., ressortissante de la république congolaise, a sollicité auprès du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS la délivrance d'une carte de résident ou à défaut le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 15 janvier 2018 le préfet a rejeté ses demandes, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en tant qu'il refusait la délivrance d'un titre " étranger malade " et portait obligation de quitter le territoire, et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme A...D....

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'alinéa 3 de l'article R. 414-3 du code de justice administrative : " Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête ".

3. La requête du préfet respecte pleinement ces dispositions. La fin de non recevoir soulevée par Mme A...D...doit par suite être rejetée.

Sur le bien fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...)". Aux termes de l'article R. 313 23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en raison de son état de santé de se prononcer au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Au nombre des éléments de procédure que doit mentionner l'avis rendu par le collège de médecins doit figurer notamment le nom du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a établi le rapport médical de façon à permettre à l'autorité administrative de s'assurer, préalablement à sa décision, que ce médecin ne siège pas au sein du collège qui rend l'avis, et, par suite, de la composition régulière de ce collège. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. D'une part, le préfet produit pour la première fois en appel l'avis du collège des médecins du 3 octobre 2017, dont il ressort qu'il a été rendu par MM. C...I..., G...J...et B...E..., lesquels ont été désignés par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 janvier 2017 publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 17 avril 2017.

8. D'autre part, le préfet produit également le bordereau par lequel l'avis lui a été transmis, qui mentionne que le rapport médical a été rédigé par le Dr F...H..., laquelle n'a pas siégé au sein du collège ayant rendu l'avis. Dès lors, nonobstant la circonstance que l'avis ne mentionne pas l'identité de ce médecin, Mme A...D...n'a été privée d'aucune garantie.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté litigieux, le tribunal administratif s'est fondé sur le vice de procédure entachant l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

10. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...D...devant le Tribunal administratif de Montreuil.

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. ".

12. Il ressort de ces dispositions que ce sont les correspondances adressées à l'intéressé qui doivent mentionner l'identité de l'agent chargé d'instruire la demande, et non la décision prise sur cette demande par l'autorité administrative. Par suite, Mme A...D...ne peut utilement faire valoir que l'arrêté en litige ne mentionnerait pas l'identité de l'agent chargé d'instruire sa demande.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. "

14. Mme A...D...ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, dès lors que l'arrêté litigieux est intervenu sur sa demande.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. "

16. Il est constant que Mme A...D...n'a pas présenté de demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions. Dès lors, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressée résiderait en France depuis plus de dix ans n'obligeait pas le préfet à saisir la commission du titre de séjour.

17. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au préfet de mentionner, dans l'arrêté portant refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le rapport médical au vu duquel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu son avis. Si Mme A...D...fait valoir le délai séparant l'avis du collège de médecins, rendu le 3 octobre 2017, et le refus de titre de séjour litigieux, intervenu le 15 janvier 2018, elle n'établit ni même n'allègue que, pendant cette durée d'un peu plus de trois mois, son état de santé se serait dégradé. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins.

18. En cinquième lieu, l'arrêté litigieux mentionne que Mme A...D...est née à Kinshasa et est ressortissante congolaise. L'intéressée n'est ainsi pas fondée à soutenir que le préfet l'aurait cru à tort ressortissante, non de la République démocratique du Congo, mais de la République du Congo (Brazzaville).

19. En sixième lieu, si la requérante fait valoir que " L'arrêté querellé a ravivé le traumatisme des persécutions subies par Mme A...D...dans son pays d'origine et ayant entraîné son départ puis sa demande d'asile en France ", elle n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations.

20. En dernier lieu, dès lors que le présent litige porte sur un refus de séjour en qualité d'étranger malade, le tribunal n'ayant statué que sur ce refus et Mme A...D...ne soulevant pas le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de ce que les premiers juges auraient statué infra petita, elle ne peut utilement faire valoir que le refus de lui délivrer une carte de résident méconnaitrait les stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 15 janvier 2018. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Mme A...D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801548 du Tribunal administratif de Montreuil du 5 avril 2018 est annulé.

Article 2 : La demande portée par Mme A...D...devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée, ainsi que ses conclusions d'appel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE01411 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01411
Date de la décision : 16/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : MAGBONDO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-10-16;18ve01411 ?
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