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04/10/2018 | FRANCE | N°17VE01957

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 04 octobre 2018, 17VE01957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 17 mai 2017 par lequel le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de 45 jours et d'enjoindre au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de lui remettre tout document d'identité ou de voyage en sa possession.

Par un jugement n° 1704591 du 22 mai 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
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Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, le PREFET DES ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 17 mai 2017 par lequel le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de 45 jours et d'enjoindre au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de lui remettre tout document d'identité ou de voyage en sa possession.

Par un jugement n° 1704591 du 22 mai 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- le moyen accueilli par le premier juge manquait en fait dès lors que le foyer au sein duquel M. A...était hébergé à la date de son arrêté était en situation de redressement judiciaire et non pas en situation de liquidation judiciaire ;

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité compétente ;

- cet arrêté est suffisamment motivé ;

- il a été procédé à un examen sérieux et particulier de la situation administrative de l'intéressé ;

- le droit de celui-ci à être entendu et à présenter des observations a été respecté ;

- le formulaire relatif aux droits des personnes assignées à résidence prévu à l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui a été remis ;

- l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M.A... ;

- celui-ci n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure qu'il prononce.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Illouz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE relève régulièrement appel du jugement du 22 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 17 mai 2017 assignant à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de 45 jours M.A..., ressortissant malien né le 31 décembre 1992, qui avait par ailleurs fait l'objet d'un arrêté du même jour prononçant sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". L'article R. 561-2 du même code précise que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. (...) ".

3. Il résulte des termes-mêmes de l'arrêté attaqué que celui-ci fixe la résidence de M. A... à l'adresse de l'organisme FACEM, situé à Nanterre, au sein duquel il n'est pas contesté que l'intéressé disposait, à la date de son adoption, d'une boîte postale à son nom. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une copie d'un courriel adressé par un agent de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aux services du PREFET

DES HAUTS-DE-SEINE, et produit par celui-ci pour la première fois en appel, que si cette société était placée en redressement judiciaire à la date de l'arrêté attaqué et si le fonctionnement de certains de ses services était alors ralenti en raison d'un personnel insuffisant, l'accès aux boites postales dans le cadre du service de domiciliation postale de cet organisme n'a jamais été interrompu, y compris durant cette brève période de dysfonctionnement. L'attestation manuscrite émanant d'une responsable associative produite par le demandeur devant le tribunal administratif faisant état d'une fermeture définitive de l'organisme FACEM n'est pas, à elle seule, dotée d'une valeur probante suffisante pour remettre sérieusement en cause la matérialité de cette situation ainsi décrite. Dès lors, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté assignant à résidence M. A...dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de 45 jours.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M.A....

Sur la légalité de l'arrêté attaqué:

5. Aux termes d'un arrêté du 5 septembre 2016 publié le 6 septembre 2016 au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a donné délégation à Mme D...C..., adjointe au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, à l'effet de signer, notamment, les arrêtés d'assignation à résidence pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui mentionne plusieurs éléments relatifs à la situation personnelle de M.A..., que celui-ci est suffisamment motivé tant en droit qu'en fait. En outre, la circonstance, à la supposer établie, que le terme de l'assignation à résidence que cet arrêté prononce soit postérieur au délai imparti à l'administration pour remettre l'intéressé aux autorités italiennes n'est pas, à elle seule, de nature à révéler un défaut d'examen particulier de la situation administrative de celui-ci.

7. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la mesure d'éloignement ou sur la décision l'assignant à résidence dans l'attente de l'exécution de cette mesure, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du dépôt de sa demande d'asile, M. A... a été reçu en entretien individuel par les services préfectoraux le 8 décembre 2016. L'intéressé n'établit ni même n'allègue avoir été dans l'impossibilité de présenter des observations orales à l'occasion de cet entretien, ainsi que des observations écrites à la suite de cet entretien et avant l'adoption de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu et à présenter des observations doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour ". L'article R. 561-5 du même code dispose : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. (...) ".

10. Les dispositions précitées des articles L. 561-2-1 et R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que l'auteur de la décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du même code porte à la connaissance de l'étranger assigné à résidence, une information supplémentaire précisant les droits et obligations de ce dernier pour la préparation de son départ. Ces dispositions imposent que l'information qu'elles prévoient soit communiquée, une fois la décision notifiée, au plus tard lors de la première présentation de l'assigné à résidence aux services de police ou de gendarmerie. Il en résulte que l'absence d'information telle que prévue aux articles L. 561-2-1 et R. 561-5 précités est sans incidence sur la légalité de la décision d'assignation à résidence contestée, laquelle s'apprécie à la date de son édiction. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut dès lors qu'être écarté comme inopérant.

11. Le premier paragraphe de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 prévoit que le transfert du demandeur d'asile de l'Etat membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Le paragraphe 2 de cet article précise que : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

12. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'exécution du transfert, la décision de transfert notifiée au demandeur d'asile ne peut plus être légalement exécutée. Il en va de même, par voie de conséquence, de la décision d'assignation à résidence dont elle est le fondement légal. Dès lors, une assignation à résidence ordonnée sur le fondement d'une décision de transfert dont la durée, à la date où elle est édictée, excède le terme du délai dans lequel le transfert du demandeur d'asile doit intervenir en vertu de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 est illégale en tant que sa durée s'étend au-delà de l'échéance de ce délai et le juge, dès lors qu'il est saisi d'une argumentation en ce sens, est tenu d'en prononcer l'annulation dans cette mesure.

13. Il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge de M. A...le 12 décembre 2016 et n'ont pas explicitement répondu à cette demande. En application du dernier alinéa de l'article 22 du règlement du 26 juin 2013, leur accord implicite quant à cette reprise en charge a ainsi été constaté le 12 février 2017. Le délai de six mois durant lequel l'arrêté de transfert de M. A...à ces autorités pouvait être exécuté, qui n'a fait l'objet d'aucune interruption ou prorogation, expirait, dès lors, le 12 août 2017. Il est constant que l'arrêté attaqué du 17 mai 2017 assigne M. A...à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de 45 jours qui s'achève le 1er juillet 2017, antérieurement à la date à laquelle expire le délai d'exécution de l'arrêté de transfert dont il fait l'objet. Par suite, le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence produirait des effets dans le temps au-delà de cette date manque en fait et doit être écarté.

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A...fait l'objet d'un arrêté préfectoral de remise aux autorités italiennes pris concomitamment à celui l'assignant à résidence. Il entre ainsi dans les prévisions du 1° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettait au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de prendre une telle mesure d'assignation à résidence à son encontre. L'intéressé, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, n'établit pas la réalité des contraintes d'ordre privé et professionnel dont il se prévaut, ne produit par ailleurs aucun élément de nature à démontrer que l'exécution de cet arrêté de remise ne demeurerait pas une perspective raisonnable. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet en l'assignant à résidence pour ce motif et en lui ordonnant de se présenter devant les services de police à une fréquence hebdomadaire doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 17 mai 2017 assignant M. A...à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de 45 jours.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1704591 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 mai 2017 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est rejetée.

2

N° 17VE01957


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01957
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Julien ILLOUZ
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-10-04;17ve01957 ?
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