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04/10/2018 | FRANCE | N°17VE00342

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 04 octobre 2018, 17VE00342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ALTEA RESOURCES FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 octobre 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1426122 du 28 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 janvier et 12 juillet

2017, la société ALTEA RESOURCES FRANCE, représentée par le cabinet d'avocats Steering Legal, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ALTEA RESOURCES FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 octobre 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1426122 du 28 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 janvier et 12 juillet 2017, la société ALTEA RESOURCES FRANCE, représentée par le cabinet d'avocats Steering Legal, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge à concurrence de 438 921 euros ;

3° de prononcer le remboursement de la somme de 132 585 euros indûment payée, majoré des intérêts en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société ALTEA RESOURCES FRANCE soutient que :

- compte tenu des mentions portées dans la proposition de rectification, le litige porte sur la somme de 437 501 euros en droits et pénalités et non pas sur 438 921 euros ;

- la notification de la proposition de rectification est irrégulière en ce que l'adresse figurant sur l'enveloppe est incomplète ;

- en raison de cette notification irrégulière, la prescription n'a pas été interrompue par l'envoi de la proposition de rectification ;

- la provision pour dépréciation de la créance détenue auprès de la société Weatherford remplit les conditions de déductibilité posées par l'article 39 du code général des impôts ;

- la charge de 43 500 euros, correspondant à une facture émise par la société Altea Resources Niger au titre d'un apport de marché au Niger est déductible, dans la mesure où il est courant d'engager des dépenses au titre de démarches de prospection et d'investissements sans pour autant avoir de retombées économiques ;

- la facture adressée par l'établissement stable Altea Resources Algérie n'est pas une facture de complaisance passible de l'amende prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts.

..........................................................................................................

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tronel,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société ALTEA RESOURCES FRANCE.

Considérant ce qui suit :

1. La société ALTEA RESOURCES FRANCE exerce une activité de prestataire de services en matière d'assistance technique en forage pétrolier. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2009 au 31 octobre 2011, à l'issue de laquelle le service lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et au titre de l'exercice clos en 2011, une amende sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. La société ALTEA RESOURCES FRANCE relève appel du jugement du 28 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de cette rectification.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

3. En cas de retour à l'expéditeur d'un pli recommandé, le contribuable ne peut être regardé comme l'ayant reçu que si l'administration établit qu'il a été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n'a été retourné à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve.

4. Le pli contenant la proposition de rectification du 19 juillet 2013 a été envoyé à l'adresse de la société requérante " Hôtel d'entreprises Camille Jenatzy, Allée Edouard Branly, 78 260 Achères ". Ce pli a été présenté le 22 juillet 2013 et a été retourné à l'expéditeur avec la mention " pli avisé et non réclamé " ainsi qu'il ressort des mentions figurant sur l'enveloppe. Eu égard à ces mentions précises et concordantes, l'administration établit ainsi la régularité de la notification de proposition de rectification à la société requérante, quand bien même il n' a pas été fait mention dans le libellé de l'adresse de la société la précision " bâtiment B1 ".

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que le montant de 437 501 euros en droits et pénalités de l'imposition supplémentaire réclamée à la société ALTEA RESOURCES FRANCE, n'excède pas celui qui lui a été notifié dans le cadre de la procédure de rectification. Par suite, le moyen tiré de ce que l'imposition excède ce montant manque en fait.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la prescription :

6. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". Il résulte de ces dispositions que la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même dans le cas où le pli n'a pu lui être remis lors de sa première présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer.

7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que la société ALTEA RESOURCES FRANCE a été régulièrement avisée de la mise en instance du pli contenant la proposition de rectification le 22 juillet 2013 et qu'elle ne l'a pas retiré. Ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, cette notification a valablement interrompu le délai de prescription à compter de cette date.

En ce qui concerne la provision pour créances douteuses :

8. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts applicable aux bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges,

celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne sont supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

9. Il résulte de l'instruction que la société requérante a, au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2011, inscrit une provision s'élevant à 344 500 euros destinée à faire face aux risques de non-recouvrement des créances qu'elle détenait à l'égard de la société Weatherford. Pour justifier du caractère douteux de ces créances, elle fait valoir qu'elle a relancé la société Weatherford par courriels les 3 mars, 7 et 30 avril 2011 et qu'en réponse, cette société l'a informée de l'impossibilité de la payer des prestations réalisées en raison du déclenchement du conflit libyen, constitutif d'un cas de force majeure l'obligeant à mettre fin à leurs relations contractuelles. Elle précise que cette société n'a elle-même pas été payée de ses prestations et que les transferts de fonds vers la Lybie ont été suspendus. Elle relève en outre que sa trésorerie ne lui permettait pas d'engager la procédure juridictionnelle devant la Cour d'arbitrage internationale de Londres prévue dans les stipulations contractuelles liant les deux sociétés en cas de résiliation du contrat. Elle indique enfin que ces créances ne sont toujours pas réglées.

10. Cependant, le non-paiement des créances à leur échéance et le risque d'ordre général résultant du conflit libyen ne peuvent justifier à eux seuls la constitution d'une provision dans les conditions prévues par les dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. En outre, la société requérante a seulement cherché à savoir, par les courriels adressés à la société Weatherford, si les factures avaient été reçues, si elles étaient en cours de paiement et si le règlement pouvait être fait au siège de l'entreprise. Par ailleurs, la requérante n'apporte aucun élément justifiant de son impossibilité financière de régler le litige l'opposant à la société Weatherford par la voie de l'arbitrage devant la Cour d'arbitrage internationale de Londres, conformément à l'article 20 du contrat de service de consulting conclu entre les deux sociétés le 25 octobre 2010. Enfin, dans la mesure où seule la situation au jour de la clôture de l'exercice de constitution de la provision doit être prise en considération pour apprécier la probabilité de la perte, la société requérante ne saurait utilement justifier la provision constituée en 2011 en raison du non-paiement, à ce jour, des créances en cause. Ainsi, en l'absence d'accomplissement des diligences nécessaires pour obtenir le paiement des créances litigieuses au cours de l'exercice 2011, la société ne justifie pas du caractère déductible de la provision litigieuse.

En ce qui concerne la charge de 43 500 euros :

11. En vertu du 1° du 1 du même article 39, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature.

12. Pour justifier de la charge de 43 500 euros enregistrée au compte 60400000 " Achats Etudes Prestations " que le service a réintégré dans ses bases imposables, la société produit une facture émise par la société Altea Resources Niger au titre de démarches de prospection et d'investissements en précisant que ces démarches sont demeurées vaines. L'administration relève cependant que dans le cadre du débat oral et contradictoire, la société requérante a confirmé l'absence de relations commerciales avec la société Altea Resources Niger. La société ALTEA RESOURCES FRANCE ne produit aucune pièce attestant de la réalité des démarches effectuées et facturées par la société Altea Resources Niger. C'est dès lors à bon droit que l'administration a remis en cause le caractère déductible de cette charge.

Sur l'amende de l'article 1737 du code général des impôts :

13. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients (...) ".

14. La société requérante a passé en charge sur l'exercice clos en 2011, la somme de 591 800,98 euros au titre de prestations d'ingénierie facturées par l'établissement Altea Resources Algérie. Pour justifier, sur le fondement des dispositions précitées, l'application de la pénalité de 50 % à cette somme, l'administration relève que la société ALTEA RESOURCES FRANCE a directement rémunéré les ingénieurs sur la base de contrats de prestations signés par son directeur et qu'il résulte de ses investigations que l'établissement Altea Resources Algérie n'a aucune existence juridique. La société ALTEA RESOURCES FRANCE se borne à alléguer sans l'établir, qu'elle avait régulièrement conclu une convention de partenariat avec l'établissement Altea Resources Algérie et que son directeur, également dirigeant de l'établissement en Algérie a signé les contrats de travail des ingénieurs. Eu égard aux éléments relevés par l'administration non utilement contestés par la société requérante, l'administration doit être regardée comme établissant que l'établissement Altea Resources Algérie n'était pas le fournisseur réel de la prestation d'ingénierie et justifiant ainsi l'application à la société requérante de l'amende fiscale en cause.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société ALTEA RESOURCES FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions en annulation de ce jugement et en décharge des impositions en litige doivent, dès lors, être rejetées ainsi que par voie de conséquence, celles tendant au remboursement de l'impôt déjà acquitté et au versement, en tout état de cause, d'intérêts moratoires. Il en est même de celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ALTEA RESOURCES FRANCE est rejetée.

2

N° 17VE00342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00342
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CABINET STEERING LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-10-04;17ve00342 ?
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