Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 29 juillet 2015 par laquelle la déléguée régionale Ile-de-France-Sud du centre national de la recherche scientifique (CNRS) a rejeté sa demande de prolongation d'activité de dix trimestres au-delà de la limite d'âge.
Par un jugement n° 1506367 du 19 mai 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 juillet 2016, le 21 juillet 2017 et le
2 novembre 2017, M.C..., représenté par Me Courage, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3° " d'annuler par voie d'exception " la circulaire n° CIR140769DRH du 28 avril 2014 du centre national de la recherche scientifique ;
4° de mettre à la charge du CNRS le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
- le jugement est irrégulier à l'aune de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, à défaut d'analyser l'ensemble des points soulevés dans les écritures de première instance ;
- ce jugement est infondé :
. la décision du 29 juillet 2015 est signée d'une autorité incompétente ;
. elle est insuffisamment motivée ;
. elle a été prise en application de la circulaire du 28 avril 2014 du centre national de la recherche scientifique, qui est illégale ;
. elle a ajouté une condition à la loi en retenant la politique de recrutement de jeunes chercheurs ;
. le cadre dans lequel doit être apprécié l'intérêt du service n'a pas été correctement appréhendé ;
. l'intérêt du service a fait l'objet d'une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée, relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;
- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guével,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Courage, pour M. C...et de Mme A...pour le CNRS.
Considérant ce qui suit :
1. La demande de M.C..., chargé de recherches de 1ère classe au CNRS tendant à la prolongation de son activité au-delà de la limite d'âge légale, présentée sur le fondement de l'article 69 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, a été rejetée par une décision du 29 juillet 2015 de la déléguée régionale Ile-de-France sud du CNRS. L'intéressé relève appel du jugement n° 1506367 en date du 19 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête dirigée à l'encontre de cette décision de refus.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. C...doit être regardé comme excipant, au soutien de sa demande d'annulation de la décision du 29 juillet 2015 en litige, de l'illégalité de la circulaire n° CIR140769DRH du 28 avril 2014 sur l'application des dispositifs de poursuite d'activité au-delà de la limite d'âge des agents titulaires et non titulaires du CNRS, publiée au bulletin officiel du CNRS n° 5 de mai 2014, sans diriger de conclusions directes à fin d'annulation de ladite circulaire. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense ne saurait être accueillie.
Sur le bien-fondé :
3. Aux termes de l'article 68 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 susvisée : " Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en activité au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur. ". Aux termes de l'article 1-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 susvisée : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. La prolongation d'activité prévue à l'alinéa précédent ne peut avoir pour effet de maintenir le fonctionnaire concerné en activité au-delà de la durée des services liquidables prévue à l'article L. 13 du même code ni au-delà d'une durée de dix trimestres. Cette prolongation d'activité est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension. ".
4. Il résulte de ces dispositions, qui ouvrent la possibilité aux fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à cent soixante trimestres, de prolonger leur activité au-delà de la limite d'âge du corps auquel ils appartiennent, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, et à la seule condition que cette prolongation n'excède pas une durée de dix trimestres, que ce prolongement d'activité ne constitue pas un droit mais une faculté laissée à l'appréciation de l'autorité administrative qui détermine sa position en fonction de l'intérêt du service, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, eu égard à l'intérêt du service et à la manière de servir de l'agent, qui exerce sur ce point un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, seul doit être pris en compte l'intérêt du service, et non l'intérêt scientifique général des travaux de recherche conduits par l'agent. Enfin, le cadre dans lequel est apprécié l'intérêt du service est celui du service au sein duquel l'agent exerce ses fonctions.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de maintien en activité au-delà de la limite d'âge présentée par M.C..., la déléguée régionale Ile-de-France sud du CNRS a, par la décision attaquée du 29 juillet 2015, opposé à l'agent les termes de la circulaire du 28 avril 2014 mentionnée au point 2 en lui indiquant " que les contraintes budgétaires obligent l'établissement à faire des choix en matière de recrutement. Afin de favoriser sa politique de jeunes chercheurs-res (ou ingénieurs-res), seules des circonstances particulières sont juridiquement de nature à justifier une prolongation d'activité ". Cette circulaire, prise pour l'application de l'article 1-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 précité, affirme que la politique générale du CNRS est " de maximiser le recrutement de jeunes chercheurs " et que " le maintien en activité d'un agent pour une période maximale de dix trimestres diverge de cette orientation car un maintien en activité se substitue mécaniquement à un recrutement ".
6. En érigeant en " doctrine " la politique générale de recrutement de jeunes chercheurs à laquelle il ne peut être dérogé que si le départ en retraite d'un agent est préjudiciable à un intérêt du CNRS d'importance au moins égale à cette orientation et reposant sur des circonstances particulières, la circulaire litigieuse est contraire aux dispositions mentionnées au point 3 de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, qui posent le principe qu'un agent, dont la durée des services liquidables est insuffisante, peut être maintenu en activité, sous réserve de l'intérêt du service et de son aptitude physique. Cette circulaire fixe ainsi, au moyen de dispositions impératives à caractère général, une règle contraire aux dispositions explicites de la loi. Dès lors M. C...est recevable et fondé à exciper de l'illégalité de la circulaire du 28 avril 2014 dont les dispositions ont été opposées à sa demande par la décision contestée du 29 juillet 2015. Par suite, cette décision de refus est illégale et doit être annulée.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée du 29 juillet 2015.
Sur les frais liés au litige :
8. Le CNRS versera une somme de 2 000 euros à M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 mai 2016 du Tribunal administratif de Versailles et la décision du 29 juillet 2015 de la déléguée régionale Ile-de-France-Sud du CNRS sont annulés.
Article 2 : Le CNRS versera la somme de 2 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE02177