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02/10/2018 | FRANCE | N°16VE03559

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 02 octobre 2018, 16VE03559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2014, transmise au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du 18 mars 2016 du président de la section du contentieux du Conseil d'État prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, la société Entreprise Européenne de Montages Industriels (EEMI) a demandé la décharge des cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés, des intérêts de retard et majorations correspondants, auxquels elle a été as

sujettie au titre des exercices 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2014, transmise au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du 18 mars 2016 du président de la section du contentieux du Conseil d'État prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, la société Entreprise Européenne de Montages Industriels (EEMI) a demandé la décharge des cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés, des intérêts de retard et majorations correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts de retard et majorations dont ils ont été assortis, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 30 mars 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des amendes pour distributions occultes qui lui ont été infligées au titre des années 2009 et 2010, en application des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1422244 du 13 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 août 2017, la société EEMI, représentée par Me Farcy, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires, intérêts de retard et majorations correspondants et des amendes mises à sa charge ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société EEMI soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; elle n'établit pas lui avoir notifié un avis de vérification dans le respect de ces dispositions, dès lors que la société ne dispose pas d'un établissement stable dans ses locaux de Ris-Orangis, et qu'il n'est pas établi qu'un tel avis ait été notifié à la société, à son siège au Luxembourg, où elle dispose de bâtiments effectivement dédiés à son exploitation ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification de comptabilité ayant été initiée sans que ne lui soit remise la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; elle a ainsi entaché la procédure d'une irrégularité substantielle de nature à justifier la décharge totale des impositions, intérêts de retard, majorations et amendes, en application des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a écarté le moyen tiré d'un vice de procédure, au motif que la société a été taxée d'office à la suite des opérations de visite et de saisie ;

- l'administration a entaché la procédure d'imposition d'un vice en ne respectant pas le principe du débat contradictoire, celui-ci n'ayant pas été respecté relativement aux pièces qui ont été obtenues auprès de clients et de la société d'affacturage dans le cadre de l'exercice du droit de communication ; c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil, qui a entaché son jugement d'une erreur de droit, a écarté le moyen tiré d'un vice de procédure dû à l'absence de débat contradictoire, au motif de l'existence d'une procédure de taxation d'office, l'engagement de cette procédure étant la conséquence de la vérification de comptabilité ; l'obligation qui pèse sur l'administration dans le cadre de cette procédure est une obligation distincte de l'obligation d'information du contribuable, avant la mise en recouvrement des impositions, sur la teneur et l'origine des documents obtenus auprès de tiers sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir les impositions ; le nombre insuffisant des interventions sur place, au nombre de trois, caractérise l'absence de débat contradictoire et n'a pu permettre d'établir le principe d'une imposition en France ;

- le service a dépassé le délai légal de trois mois fixé par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, les opérations dé vérification s'étant effectuées du 20 février au 29 mai 2012, alors même que les chiffres d'affaires des exercices 2009, 2010 et 2011 de la société tels que rectifiés par l'administration fiscale, sont inférieurs aux plafonds prévus par les dispositions de l'article 302 septies A du code général des impôts en-deçà desquels une entreprise peut bénéficier d'un régime simplifié d'imposition ; la réunion fixée au 29 mai n'était pas seulement une réunion de synthèse sur les conséquences financières des opérations de contrôle ; le non respect du délai fixé pour les opérations de vérification constitue une irrégularité substantielle de nature a entraîné la décharge des impositions aux termes de l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée dans la documentation administrative 13 L-1314 n° 12 du 1er juillet 2002, de la réponse Durieux au Sénat du 28 janvier 1970 et du BOI-CF-PGR-20-30 n° 210 ;

- l'administration n'établit pas qu'elle a disposé d'une installation d'affaires présentant un caractère permanent et non temporaire, utilisée pour l'exercice d'une activité, alors que les locaux loués en France, composés de deux pièces de 33 et 36,04 m2, ont été recherchés pour stocker du matériel ; en outre, elle démontre l'exercice d'une activité au Luxembourg et qu'elle s'acquitte de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ; la Commission des infractions fiscales, ne s'étant pas prononcée en faveur de l'engagement de poursuites correctionnelles, a implicitement reconnu l'absence de fraude et, par suite, l'absence d'établissement stable ;

- la procédure fiscale menée à son encontre ne pouvait être fondée sur les dispositions de l'article L. 66, 2° du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle n'a pas failli à ses obligations déclaratives, celles-ci étant inexistantes en l'absence d'établissement stable en France, au sens des stipulations des articles 4, §1 et 2-3 de la convention franco-luxembourgeoise, qui ont une valeur supérieure au droit interne ; le Tribunal administratif de Montreuil a entaché sa décision d'une erreur de droit ; la société a déclaré ses bénéfices au Luxembourg ;

- en l'absence d'établissement stable en France de la société, et en l'absence de siège social en France, la procédure fiscale menée à son encontre ne pouvait être fondée sur les dispositions de l'article L. 66, 3° du livre des procédures fiscales ; l'administration a méconnu les dispositions de l'article 259 du code général des impôts qui prévoie les cas dans lesquels une entreprise prestataire de services est regardée comme établie en France et la jurisprudence communautaire relative aux établissements stables dans le domaine des prestations de service, ainsi que l'interprétation administrative de la loi fiscale qui définit de manière spécifique la notion d'établissement stable en matière de taxe sur la valeur ajoutée dans l'instruction du 4 janvier 2010, 3 A-1-10 n°16 et de la documentation référencée BOI-TVA-CHAMP-20-50-10 n° 130 et 140 du 12 septembre 2012 ; la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne considère que le critère prioritaire pour déterminer le lieu d'imposition est le lieu du siège de l'activité ; le Tribunal administratif de Montreuil a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions et amendes :

- à titre subsidiaire, la méthode de reconstitution des résultats mise en oeuvre pour la détermination des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés par l'administration fiscale était radicalement viciée, et le Tribunal administratif de Montreuil a entaché sa décision d'une erreur de droit en écartant ce moyen ; le vérificateur n'a pas tenu compte des créances acquises et dettes certaines et a ainsi méconnu les dispositions de l'article 38 du code général des impôts ; l'administration doit se fonder sur une appréciation aussi exacte que possible, en faisant application des dispositions législatives et réglementaires aux termes de l'interprétation administrative de la loi fiscale contenue dans la documentation référencée 4 G-3326 n° 1, 16, 22 et 24 du 25 juin 1998, 5 B-8212 n° 2 du 1er août 2011 et 13 L-1551 n° 99 et 100 du 1er juillet 2002, et au BOI-CF-IOR-50-20 n° 200 et 2010, et en tenant compte de l'ensemble des éléments d'appréciation portés à la connaissance du service, aux termes d'une note du 17 juin 1955 n° 2919, de la documentation référencée 13 L-1542 n° 7 du 1er juillet 2002, et au BOI-CF-IOR-40 n° 230 ; le résultat net imposable en matière de bénéfices industriels et commerciaux s'évalue à partir des créances acquises et des dettes certaines et non au regard des encaissements et décaissements constatés, aux termes de la documentation référencée 4 A-212 n° 1 du 1er septembre 1993, et au BOI-BIC-BASE-20 n° 1 ; en outre, l'administration aurait dû isoler les prestations réalisées à l'étranger, qui n'ont pas été distinguées des autres ;

- la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires taxables à la taxe sur la valeur ajoutée est également radicalement viciée, dès lors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été évalués en prenant en compte non les dates de règlement des factures par les clients au factor mais les dates de cession des créances de la société à la société d'affacturage, en méconnaissance des dispositions de l'article 269, 2, c) du code général des impôts ; l'administration a opéré une distinction entre les créances cédées avant le 1er janvier 2011 et celles cédées postérieurement, en appliquant la règle énoncée ci-dessus uniquement aux factures postérieures au 1er janvier 2011 ; elle a méconnu l'interprétation administrative de la loi fiscale contenue dans une instruction du 29 septembre 1994, 3 D-6-94, qui est opposable à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; le Tribunal administratif de Montreuil a jugé à tort que la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires n'était pas radicalement viciée ;

- les impositions mises à sa charge n'étant pas fondées, elle ne pouvait être regardée comme ayant effectuée des distributions occultes et se voir appliquer l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, contrairement aux motifs du jugement du Tribunal administratif de Montreuil.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet 2017 et 12 mars 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- les impositions supplémentaires ayant été établies par voie de taxation d'office, les irrégularités qui sont susceptibles d'entacher la régularité de la procédure de vérification de comptabilité sont sans incidence sur les impositions supplémentaires mises à la charge de la société ; l'activité de montage industriel en France a été révélée par la visite domiciliaire effectuée dans le cadre des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, les documents saisis, constitués d'un bail commercial pour des locaux situés à Ris-Orangis, et de factures mentionnant l'adresse de ces locaux, adressées à des clients français, démontrant l'existence d'un établissement stable ; l'avis de vérification a été envoyée à l'adresse de l'établissement stable présumé, au siège social de la société enregistré au Luxembourg, et au domicile personnel de son gérant ;

- le vérificateur a respecté le principe du débat contradictoire en organisant trois interventions ; il n'est démontré par aucun élément qu'il aurait refusé de soumettre les factures obtenues dans le cadre du droit de communication au débat contradictoire ;

- la durée légale des opérations de contrôle a été respectée, dès lors que l'entretien du 29 mai 2012 était un entretien de synthèse ; le délai de trois mois pouvait, en l'absence de présentation d'une comptabilité, être étendu, en application des dispositions du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- la société exploite un établissement situé en France, son siège de direction effective se situe en France, à la même adresse que cet établissement, et son dirigeant de droit est domicilié... ; la société ne déploie pas d'activité au Luxembourg et n'apporte pas la preuve d'une activité dans ce pays par les documents qu'elle verse au dossier, les factures ayant été fabriquées pour les besoins de la cause ; en application des dispositions combinées du 2 de l'article 218 A du code général des impôts et de l'article 23 ter de l'annexe IV du code général des impôts, le lieu d'imposition de la société EEMI correspond au lieu de son principal établissement à Ris-Orangis en matière d'impôt sur les sociétés ; en application des dispositions de l'article 256, I du code général des impôts et de l'article 259 du même code, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2010 et après cette date, le lieu d'imposition de la société en matière de taxe sur la valeur ajoutée est en France, dès lors que celle-ci y a un établissement stable, et, en outre, le siège de sa direction effective ;

- les éléments recueillis lors de la visite domiciliaire ayant permis de mettre au jour l'existence d'un établissement stable, qui n'a ni été porté à la connaissance du centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ni déclaré son activité imposable au service des impôts ; l'administration était ainsi fondée, en application des dispositions des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales, a taxé d'office la société EEMI ;

- la société, qui a fait l'objet d'une taxation d'office, n'établit pas le caractère exagéré de l'imposition en matière d'impôt sur les sociétés, ainsi que l'exigent les dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales ; la méthode de reconstitution des résultats utilisée par le service, basée sur la prise en compte des encaissements bancaires, soit des seules prestations achevées, est plus avantageuse pour la société que la méthode des créances acquises et dettes certaines et ne contrevient pas aux dispositions de l'article 38-2 du code général des impôts ;

- le service a respecté la règle d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les opérations d'affacturage en prenant en compte la date de paiement de la facture par le client au factor, et ce pour l'ensemble de la période du 30 mars 2009 au 31 décembre 2011 ;

- la société s'est abstenue de révéler l'identité des bénéficiaires des revenus distribués, dont le montant n'est pas valablement contesté ; le bien-fondé des amendes pour distributions occultes n'est pas remis en cause.

Des pièces complémentaires, présentées par la société EEMI, ont été enregistrées le 12 septembre 2018, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention signée le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg, tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Méry ;

- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

1. La société Entreprise Européenne de Montages Industriels (EEMI), société anonyme (SA), a été constituée en mars 2009, avec pour objet statutaire l'activité de montage, la réparation de constructions métalliques, ainsi que la chaudronnerie, la ferronnerie, la tuyauterie, la serrurerie et le soudage. En se fondant sur des documents saisis, en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de la société, pris en location, sis au 81 route de Grigny à Ris-Orangis, et au domicile de son gérant, M. A...B..., sis au 1 rue Henri de Toulouse-Lautrec à Evry, le service a estimé que la société EEMI exerçait une activité occulte de montage industriel imposable en France. Il a procédé à une vérification de comptabilité de la société ; par proposition de rectification du 8 juin 2012, le service a assujetti la société à des suppléments d'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2009 et 2010, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 30 mars 2009 au 31 décembre 2011 et lui a infligé l'amende pour distributions occultes prévue à l'article 1759 du code général des impôts pour les années 2009 et 2010. La SA EEMI relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, des pénalités et majorations correspondantes et des amendes.

Sur les conclusions aux fins de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne le principe de l'imposition de la société EEMI en France :

Quant à l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts :

" (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes (...) " ; et aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments recueillis à l'occasion de la procédure de visite et de saisie diligentée par l'administration le 8 mars 2011, tels qu'énumérés dans la notification susmentionnée au point 1, du 8 juin 2012, que la société EEMI a signé un bail pour la location de locaux à Ris-Orangis, dans le département de l'Essonne, à compter du 1er janvier 2011, pour une durée de neuf ans. L'adresse de ces locaux figurait sur les factures de la société, de 2009 à 2011, précédée de la mention " bureaux d'exploitation ", et était la même que celle de la société française LMTI, ayant la même activité et le même dirigeant, qui a cessé d'exister en 2010, et n'avait plus d'activité depuis 2009, année de la création de la société EEMI. Les factures de la société étaient établies pour des clients français et des prestations réalisées sur le territoire français. Si la requérante reconnaît l'utilisation des locaux de Ris-Orangis pour le stockage de matériel, elle conteste l'existence d'une activité de montage industriel dans lesdits locaux et soutient celle d'une activité de la société EEMI au Luxembourg, dont elle ne démontre pas la réalité par la production de factures établies en 2011, et donc postérieures à la période vérifiée, au nom de la société Benvitec, et de grands livres généraux, pour les exercices 2010 et 2011, produits pour la première fois en appel, et dont les informations ne présentent aucune concordance avec les factures susmentionnées. L'existence d'une activité de montage industriel au Luxembourg n'est pas non plus démontrée par les affirmations de la requérante, qui ne sont étayées par aucune preuve, relatives au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au Luxembourg, et à la déclaration de bénéfices dans ce pays, alors que la société ne dispose dans celui-ci d'aucun moyen matériel et humain, et que M.B..., son dirigeant et unique actionnaire, réside en France. La circonstance selon laquelle les locaux situés à Ris-Orangis ont été loués en vue de stocker du matériel selon les termes du bail commercial signé le 31 décembre 2010, et sont d'une superficie cumulée d'environ 69 m², ne constitue pas une preuve que lesdits locaux n'ont pas eu pour destination effective le développement de l'activité de la société, le bail susmentionné indiquant, au demeurant, l'utilisation des locaux également pour l'installation de bureaux. La requérante ne peut utilement invoquer l'avis défavorable de la commission des infractions fiscales, en date du 4 mars 2014, à la proposition de poursuites correctionnelles concernant son gérant. En conséquence, la SA EEMI ne conteste pas valablement l'existence dans ses locaux de Ris-Orangis d'une installation d'affaires présentant un caractère de permanence et doit être regardée comme ayant, au cours des exercices en litige, exploité un établissement en France, au sens de l'article 209 précité du code général des impôts. L'administration a, dès lors, pu à bon droit retenir que les bénéfices tirés par l'intéressée de cette exploitation sur le territoire devaient, en application desdites dispositions, être soumis à l'impôt sur les sociétés.

S'agissant de la convention signée le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg :

4. Aux termes de l'article 4 de la convention entre le France et le Luxembourg: " 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. (...) " ; et aux termes de l'article 2 de la même convention : " (...) 3. 1) Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité (...) 3) On ne considérera pas qu'il y a " établissement stable " si : /a) il est fait usage de simples installations de stockage (....) ".

5. Il résulte de l'instruction que l'installation telle que décrite au point 3 constitue un établissement stable au sens et pour l'application de l'article 2 de la convention signée entre la France et le Luxembourg. Si la requérante soutient que les locaux qu'elle loue, situé à Ris-Orangis, dans le département de l'Essonne, sont utilisés uniquement à des fins de stockage de marchandises, et ne peuvent être regardés comme un établissement stable en application des stipulations de l'article 2, 3, 3) de la convention sus mentionnée, elle n'étaye ses affirmations d'aucune preuve d'une valeur probante suffisante. Dans ces conditions, la SA EEMI doit être regardée comme ayant disposé, en France, au cours de l'ensemble de la période vérifiée, d'un établissement stable en vertu des stipulations citées au point précédent.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que la société EEMI n'est pas fondée à soutenir que la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ferait obstacle au principe même de son imposition en France à l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2009 et 2010 en litige.

Quant à la taxe sur la valeur ajoutée :

7. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2009 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Et aux termes des mêmes dispositions, applicables au 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France :/ 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : /a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; ".

8. Il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si des prestations de services doivent être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France en application des dispositions des articles 256 et 259 du code général des impôts.

S'agissant de la période du 30 mars au 31 décembre 2009 :

9. D'une part, pour l'application des dispositions précitées des articles 256 et 259 du code général des impôts, qui résultent de la transposition en droit interne de l'ancien article 9 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé, notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18), ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), et FG-Linien du 2 mai 1996 (C-231/94) de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre. Un établissement stable ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. D'autre part, ainsi que l'a jugé la Cour de Justice des Communautés européennes dans ses arrêts du 20 février 1997, Commissioners of Customs et Excise c/ DFDS A/S (C-260/95) et du 28 juin 2007, Planzer Luxembourg SARL (C-73/06), " la prise en compte de la réalité économique constitue un critère fondamental pour l'application du système commun de TVA ".

10. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 3 et 5 du présent arrêt que la société requérante doit être regardée comme ayant disposé en France, au cours de la période vérifiée, d'un établissement stable ; elle n'établit pas que les constats sus mentionnés seraient contraires au critère fondamental, pour l'application du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, de la prise en compte de la réalité économique.

S'agissant de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 :

11. Il résulte de l'instruction que les clients de la société EEMI étaient, pour la grande majorité d'entre eux, des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, ayant leur siège en France, et que les prestations fournies à ces assujettis l'ont été à des établissements situés en France. En conséquence, la société EEMI réalisait au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en France.

12. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, si la SA EEMI déclare avoir acquitté la taxe sur la valeur ajoutée au Luxembourg, cette situation n'est pas, par elle-même, de nature à remettre en cause l'application des règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée et à lui ouvrir droit à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie en France. En tout état de cause, la société requérante n'établit pas qu'elle aurait acquitté la taxe sur la valeur ajoutée au Luxembourg.

13. Enfin, la société EEMI ne peut se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 3 A-1-10 du 4 janvier 2010, qui ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application, et de la documentation référencée BOI-TVA-CHAMP-20-50-10 n° 130 et 140 du 12 septembre 2012, qui est postérieure aux années d'imposition en litige.

14. Il résulte de ce qui précède que l'administration était fondée à considérer que la société EEMI était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de services fournies pendant la période en litige. Les recettes qu'elle a perçues en contrepartie de ces prestations entrent, en vertu des articles 256 et 259 du code général des impôts, dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / [...] 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. /Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : [...] 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite ; ".

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 14 du présent arrêt que la société EEMI est passible de l'impôt sur les sociétés en France et redevable en France des taxes sur le chiffre d'affaires. Il est constant que cette société n'a pas déposé les déclarations qu'elle était tenue de souscrire afin de s'acquitter du paiement des impôts et taxes dont elle était redevable au titre des exercices clos en 2009 et 2010 en matière d'impôt sur les sociétés, et de la période du 30 mars 2009 au 31 décembre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et qu'elle ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. Ainsi, en application des dispositions combinées des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales c'est à bon droit que le service a taxé d'office les résultats et les chiffres d'affaires de la société imposables en France.

17. En deuxième lieu, si l'administration a procédé à une vérification de la comptabilité de la SA EEMI, il résulte de l'instruction que la situation de taxation d'office dans laquelle se trouve la société a été révélée à l'administration fiscale non par ladite vérification mais par les documents saisis à l'occasion de la procédure de visite et de saisie poursuivie à l'encontre de la société EEMI, ainsi qu'il a été rappelé au point 1. Par suite, les irrégularités qui, selon la requérante, entacheraient cette vérification, du fait de ce qu'elle n'aurait pas été destinataire d'un avis de vérification de comptabilité, qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire et de ce que le service n'aurait pas respecté le délai légal de trois mois défini par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales sont, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Quant à la charge de la preuve :

18. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

19. Ainsi qu'il a été dit au point 16, la société EEMI a été régulièrement taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 30 mars 2009 au 31 décembre 2011. Il lui appartient, dès lors, d'établir le mal-fondé ou l'exagération des suppléments d'impositions en litige en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée.

Quant à l'impôt sur les sociétés :

20. Considérant que l'article 38 du code général des impôts dispose que : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".

21. Il résulte de l'instruction que la société EEMI, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, n'a présenté aucune comptabilité et a été taxée d'office ; dans le cadre de la présente instance, la requérante soutient que la méthode de reconstitution de ses résultats pour les exercices 2009 et 2010, utilisée par le service, est radicalement viciée, étant fondée sur les encaissements reçus des clients, en méconnaissance des dispositions de l'article 38, 2 du code général des impôts citées au point précédent, et des règles de la comptabilité commerciale qui commandent une évaluation sur la base des créances acquises et des dettes certaines. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, caractérisées par l'absence de tout élément comptable au cours des opérations de contrôle, le vérificateur ne pouvait, contrairement à ce que soutient la société EEMI, respecter les règles de rattachement des créances fixées par le 2 de l'article 38 du code général des impôts qui lui imposaient de se référer à la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice. Il n'est, en outre, pas établi que l'activité de la société aurait permis de déterminer les créances acquises au cours des exercices en cause au moyen d'ajustements extracomptables. La société requérante se borne à soutenir que le vérificateur, au vu des factures clients et fournisseurs qu'il a transmises, relatives à l'exercice 2011, et donc postérieures à la période vérifiée, et des factures clients des années 2009 et 2010, obtenues dans le cadre de l'exercice, par l'administration, de son droit de communication, pouvait reconstituer les créances acquises au titre des exercices litigieux. Enfin, si M. B...verse au dossier les deux grands livres généraux des exercices 2010 et 2011, ce dernier étant au demeurant postérieur à la période vérifiée, ces documents se présentent sous la forme de tableaux retraçant des dépenses et des recettes qui ne sont assortis d'aucun justificatif, et n'ont ainsi pas un caractère suffisamment probant pour remettre en cause la méthode de reconstitution utilisée par l'administration, dont le requérant ne soutient même pas que ses résultats ne seraient pas semblables à ceux d'une reconstitution fondée sur une comptabilité d'engagement. En conséquence, la société EEMI n'est pas fondée à soutenir que le service a fondé la reconstitution de ses résultats sur une méthode radicalement viciée, en méconnaissance des dispositions de l'article 38, 2 du code général des impôts et n'apporte pas la preuve de l'exagération des impositions auxquelles elle a été soumise.

Quant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

22. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 269, dans sa version en vigueur du 6 mars 2007 au 1er janvier 2010 : " 2. La taxe est exigible : [...]c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / En cas d'escompte d'un effet de commerce, la taxe est exigible à la date du paiement de l'effet par le client. (...) ". Aux termes des mêmes dispositions dans leur version applicable du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2011 : " 2. La taxe est exigible : [...] b bis) Pour les prestations de services pour lesquelles la taxe est due par le preneur en application du 2 de l'article 283, lors du fait générateur, ou lors de l'encaissement des acompte ; / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. /En cas d'escompte d'un effet de commerce, la taxe est exigible à la date du paiement de l'effet par le client. (...) ". Et aux termes des mêmes dispositions du même code en vigueur à compter du 1er janvier 2011 : " 2. La taxe est exigible : [...] b bis) Pour les prestations de services pour lesquelles la taxe est due par le preneur en application du 2 de l'article 283, lors du fait générateur, ou lors de l'encaissement des acomptes ; / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits.[...] En cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission. (...)".

23. Il résulte de l'instruction, et notamment des informations contenues dans les tableaux insérés dans la proposition de rectification en date du 8 juin 2012, dans sa partie relative à la taxe sur la valeur ajoutée brute, et relatifs aux montants encaissés en 2009, 2010 et 2011, que le service, pour fonder ses calculs en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée, a pris en compte les dates d'encaissements de chèques par la société, d'une part, et, pour l'ensemble de la période vérifiée, les dates d'encaissements du prix des prestations par la société d'affacturage, d'autre part. Ce faisant, il a respecté les règles en vigueur quant à la date d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cas d'une transmission de créances à une société d'affacturage, avant et après la date du 1er janvier 2011 et n'a pas méconnu les dispositions du c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait mis en oeuvre une méthode de reconstitution des chiffres d'affaires radicalement viciée.

24. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

25. La requérante invoque l'instruction du 29 septembre 1994 référencée 3 D-6-94 selon laquelle, pour les prestations de services et les travaux immobiliers, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, en cas d'affacturage, est située à la date du paiement de la créance par le débiteur. Toutefois, les indications de l'instruction du 29 septembre 1994, référencées 3 D-6-94 ne contiennent pas d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt. Ainsi, la requérante ne peut les opposer à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A alinéa 2 du livre des procédures fiscales.

Sur les conclusions aux fins de décharge des amendes pour distributions occultes :

26. Aux termes des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".

27. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que c'est à bon droit que la société EEMI a été assujettie aux cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins de décharge des amendes pour distributions occultes qui lui ont été infligées.

28. Il résulte de tout ce qui précède que la société EEMI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA EEMI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA EEMI et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président,

Mme Munoz-Pauziès, président assesseur,

Mme Méry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 octobre 2018.

Le rapporteur,

F. MERYLe président,

P. BEAUJARDLe greffier,

S. MOURTADI

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 16VE03559


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