Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'administration fiscale a soumis d'office au Tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation préalable présentée par Mme B...A...tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1601739 du 25 avril 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette réclamation.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juin 2017 et 15 mars 2018, MmeA..., représentée par Me Auzenat, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses ;
3° d'enjoindre à l'administration fiscale de lui communiquer l'ensemble des documents se rapportant à l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ;
3° de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- elle est fondée à demander qu'il soit enjoint à l'administration fiscale de lui communiquer les documents relatifs à l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle afin qu'elle puisse, notamment, présenter des observations utiles sur la régularité de la procédure d'imposition ;
- l'examen de sa situation fiscale personnelle est entaché d'un défaut de respect du principe du contradictoire, en méconnaissance de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;
- l'avis de vérification dont elle a été destinataire ne respecte pas les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a qualifié de revenus distribués au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, la somme de 5 000 euros versée le 2 juillet 2009 sur son compte bancaire personnel à raison de l'encaissement d'un chèque émis par la société Seret pour le compte de la société APS ; il n'est pas établi qu'elle aurait modifié le libellé du chèque en cause ; l'appréhension de cette somme n'est pas davantage démontrée, dans la mesure où elle partage ce compte bancaire commun avec son compagnon, M.D... ; la somme en cause correspond d'ailleurs à la restitution par la société APS d'une somme de même montant inscrite au compte courant d'associé de ce dernier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce qu'il n'y a plus lieu de statuer, à hauteur de la somme de 228 euros, sur les conclusions aux fins de décharge présentées par Mme A...au titre de l'année 2009 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que :
- Mme A...sera déchargée d'office, à hauteur de la somme de 228 euros, de la cotisation supplémentaire de contributions sociales au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes en litige, en ce qu'elle procède de l'application du coefficient multiplicateur de 1, 25 % prévu par les dispositions du premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts, déclarées inconstitutionnelles par la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 ;
- la requérante n'est pas recevable à demander à la Cour d'enjoindre à l'administration de communiquer des documents dans le cadre de l'instruction dès lors qu'une telle demande excède l'office du juge administratif ;
- l'examen de la situation fiscale personnelle de Mme A...a donné lieu à la tenue de deux entretiens avec l'agent vérificateur ; le caractère contradictoire de la procédure a ainsi été respecté, quand bien même Mme A...ne s'est pas rendue à l'entretien de synthèse prévu le 14 décembre 2011 alors qu'elle avait été régulièrement invitée à s'y rendre ;
- les opérations de vérification ont été engagées conformément aux dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- la vérification de la comptabilité de la société APS a révélé que la société APS n'a pas comptabilisé une facture émise au nom de la société Seret et correspondant à des travaux effectués pour le compte de cette société, et qu'un chèque de 5 000 euros émis par cette société a été encaissé le 2 juillet 2009 sur le compte bancaire que Mme A...possède à la Caisse d'Epargne ; la requérante n'apporte aucune explication satisfaisante de nature à remettre en cause la démonstration de l'appréhension de cette somme qui lui a ainsi été distribuée par la société APS ;
- les conclusions de la requérante tendant à la mise à la charge de l'État des dépens sont irrecevables en l'absence de frais d'expertise ou d'instruction exposés dans le cadre de l'instance.
Par lettre en date du 21 juin 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration fiscale de communiquer au conseil de la requérante les documents produits en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Livenais,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A...est associée de la société APS, qui exerce une activité dans le domaine du bâtiment ; qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de cette dernière et de l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et MmeC..., clients de la société APS, Mme A...a fait l'objet à son tour d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2008, 2009 et 2010 ; qu'à l'issue de cette procédure, l'administration fiscale a estimé qu'elle avait bénéficié, au titre des années 2009 et 2010, de revenus d'origine indéterminée et de distributions résultant, à hauteur de la somme de 80 000 euros, de sommes versées par la société CPL au titre de prestations effectuées par la société APS et non comptabilisées par cette dernière et, au titre de l'année 2009, de la mise à disposition par la société APS d'une somme de 5 000 euros, correspondant à l'encaissement sur le compte bancaire que possède Mme A...à la Caisse d'Epargne d'un chèque de 5 000 euros émis par la société Seret en rémunération de prestations réalisées par la société Seret ; que l'administration fiscale a, notamment, qualifié ce versement, ainsi que la somme de 80 000 euros précitée, de revenus distribués au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et réintégré ces derniers dans le revenu imposable de Mme A...dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, par proposition de rectification du 19 octobre 2012, elle a notifié à Mme A...des rehaussements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que les pénalités correspondantes, résultant de la réintégration de l'ensemble de ces sommes dans son revenu imposable, ces rehaussements étant notifiés par voie de taxation d'office en ce qu'ils se rapportent aux revenus d'origine indéterminée et selon la procédure contradictoire en ce qu'ils résultent de l'imposition des revenus réputés distribués ; que Mme A...relève appel du jugement n° 1406546 du 25 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa réclamation préalable, qui lui a été soumise d'office, en application des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales et, tendant à la décharge des impositions ainsi mises à sa charge ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision en date du 28 février 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a accordé à Mme A...le dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'année 2009 à hauteur, en droits et pénalités, de la somme de 228 euros ; que, dans cette mesure, les conclusions aux fins de décharge présentées par la requérante sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne les conclusions tendant à la communication de documents administratifs :
3. Considérant que MmeA..., qui soutient que la vérification de comptabilité pourrait être irrégulière, demande à la Cour, aux fins de l'établir, d'enjoindre à l'administration fiscale de lui communiquer l'ensemble des pièces relatives à l'examen de sa situation fiscale personnelle et dont son avocat, qui ne la représentait d'ailleurs pas devant les premiers juges, n'aurait pas eu communication dans le cadre de la première instance ; que, toutefois, il n'entre pas dans l'office du juge d'appel d'ordonner à l'une des parties au procès administratif de communiquer à l'autre partie les mémoires et pièces jointes déposés devant les premiers juges, lesquelles sont accessibles à toute partie en appel ; que Mme A...ne fait d'ailleurs état d'aucune démarche de sa part entreprise auprès du greffe de la Cour pour obtenir de ce dernier la communication de première instance ; que les conclusions aux fins d'injonction à l'administration fiscale de communiquer à Mme A...les documents en cause doivent donc être rejetées comme irrecevables ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu... A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments de train de vie des membres du foyer fiscal " ; que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marque l'achèvement de cet examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification notifiée à MmeA..., que le service vérificateur, à l'occasion de l'examen de sa situation fiscale personnelle, a mené avec l'intéressée deux entretiens qui se sont déroulés les 18 octobre et 16 novembre 2011 et au cours desquels ont été évoquées l'origine, la nature et l'utilisation éventuelles des fonds d'origine indéterminée et des revenus réputés distribués figurant au compte bancaire de Mme A...; que cette dernière ne fait état d'aucun élément précis qui serait de nature à établir l'inexactitude de ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve du contraire ; que le défaut de retrait du pli notifié le 7 décembre 2011 à Mme A...et qui la conviait à un dernier entretien de synthèse prévu le 14 décembre suivant lui est imputable ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'elle n'a pas été en mesure de bénéficier de ce troisième entretien ne saurait révéler l'insuffisance des échanges qu'elle a eu avec le service vérificateur au cours de l'examen de sa situation fiscale personnelle ; que le moyen tiré de ce que cet examen se serait déroulé en méconnaissance du principe du contradictoire doit donc être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte... " ;
7. Considérant que l'avis de vérification du 26 septembre 2011, notifié à Mme A...le 27 septembre suivant, indique les années soumises à vérification ainsi que la possibilité pour l'intéressée de se faire assister d'un conseil de son choix ; qu'il comporte également une demande de production des relevés de compte de MmeA... ; qu'ainsi, et en l'absence de toute critique précise relative aux conditions d'engagement de la procédure de vérification, cet avis satisfait aux conditions prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales précité ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :
8. Considérant, d'une part, que Mme A...ne soulève devant la Cour aucun moyen à l'appui de ses conclusions aux fins de décharge des impositions contestées, en ce qu'elles procèdent de la réintégration dans son revenu imposable des revenus d'origine indéterminée identifiés par le service vérificateur et des revenus réputés distribués à hauteur de 80 000 euros et provenant de la mise à disposition de la requérante, par la société APS, de la somme du même montant versée par la société CPL ;
9. Considérant, d'autre part qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices " ; que, Mme A...ayant fait connaître son désaccord sur la somme de 5 000 euros correspondant au chèque de la société Seret encaissé par elle le 2 juillet 2009 taxée en application de ces dispositions, il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve de l'existence de distributions et de leur appréhension ;
10. Considérant que l'administration fiscale a constaté, à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la société APS, l'encaissement du chèque précité par Mme A...alors que la somme de 5 000 euros en cause correspondait à la rémunération de travaux effectués pour le compte de la société Seret par la société APS mais non comptabilisés par cette dernière ; que l'administration fiscale produit la copie de ce chèque, libellé au nom de MmeA... ; que la circonstance, invoquée par cette dernière, selon laquelle il n'est pas établi qu'elle aurait elle-même rédigé ou modifié le libellé de ce chèque est sans incidence sur la réalité de l'encaissement de la somme correspondante sur son compte bancaire ; que, si Mme A...soutient également que ce versement a été opéré sur un compte bancaire commun à elle-même et à son compagnon, M.D..., par ailleurs gérant de la société APS, la requérante, en qualité de co-titulaire de ce compte joint, doit être regardée comme ayant la disposition de l'ensemble des sommes créditées sur ce compte et comme ayant ainsi personnellement appréhendé la somme en cause ; qu'il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction qu'elle aurait été imposée dans les mains de M.D... ; qu'enfin, la correspondance, alléguée par MmeA..., de cette somme de 5 000 euros avec un remboursement d'une somme du même montant figurant au compte courant d'associé que M. D...détient dans la société APS n'est pas davantage établie ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme démontrant, d'une part, la mise à disposition de Mme A...par la société APS de la somme de 5 000 euros en cause, et d'autre part, que la requérante a effectivement appréhendé cette distribution ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration fiscale a regardé cette somme comme étant constitutive de revenus distribués à Mme A...et l'a imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2009 ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa réclamation transmise d'office s'agissant des impositions restant en litige ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles tendant à la mise à la charge des dépens, sur la recevabilité desquelles il n'est pas besoin de se prononcer, ne peuvent également qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer, à due concurrence de la somme de 228 euros, sur les conclusions aux fins de décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à la charge de Mme A...au titre de l'année 2009.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018, où siégeaient :
M. Bresse, président ;
M. Livenais, président-assesseur ;
M. Huon, premier conseiller ;
Lu en audience publique, le 24 juillet 2018.
Le rapporteur,
Y. LIVENAISLe président,
P. BRESSELe greffier,
A. FOULON
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 17VE02003 2