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24/07/2018 | FRANCE | N°17VE01214

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 24 juillet 2018, 17VE01214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA COSTANTINI a demandé au Tribunal administratif de Montreuil le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre du mois de mars 2015, pour un montant de 214 753,89 euros.

Par un jugement n° 1508899 du 14 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017, la SA COSTANTINI, représentée par Me Freulet, avocat, demande à la Cour :

1

° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA COSTANTINI a demandé au Tribunal administratif de Montreuil le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre du mois de mars 2015, pour un montant de 214 753,89 euros.

Par un jugement n° 1508899 du 14 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017, la SA COSTANTINI, représentée par Me Freulet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée demandé ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les montants de taxe restant en litige, figurant sur les factures de fournisseurs de prestations de services de location de matériel ou d'engins de chantiers ou de transport de matériaux versées au dossier, se rapportent à des prestations de service taxables en France, en vertu du 2° de l'article 259 A du code général des impôts, dès lors que celles-ci se rattachent à des immeubles situés en France, ainsi que cela apparaît suffisamment au vu des diverses mentions figurant sur ces factures ; les dispositions du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts doivent donc être écartées et la totalité de la taxe facturée par chacun des fournisseurs doit être admise en déduction ;

- les livraisons de biens réalisées par la société Comptoir Général d'Electricité ont été effectués sur les lieux des travaux qu'elle a réalisés sur le territoire français et, ainsi, n'ont pas le caractère de livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu du I de l'article 262 ter du code général des impôts ; elle peut donc obtenir le remboursement de la taxe ayant effectivement grevé le prix de ces livraisons de biens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce qu'il n'y a plus lieu de statuer, à hauteur de la somme de 6 027 euros, sur les conclusions de la SA COSTANTINI aux fins de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en cause et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que :

- la société requérante n'établit pas que les prestations de services au titre desquelles elle demande le remboursement de la taxe dont elle s'est acquittée lors de leur paiement présentent un lien direct avec des opérations immobilières qu'elle aurait menées en France et que, de ce fait, ces prestations sont réputées avoir lieu en France et être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée dans cet État en application du 2° de l'article 259 A du code général des impôts ; en particulier, outre l'absence d'indication des chantiers concernés, les prestations en cause ne relèvent pas, par nature, du 2° l'article 259 A du code général des impôts faute de lien direct avec l'immeuble, dès lors qu'il s'agit de prestations de transport et de location de matériel et de machines ; par ailleurs, le critère tenant à la " responsabilité des travaux " n'est pas davantage rempli ;

- il y a lieu d'admettre, en ce qui concerne les livraisons de biens réalisées par la société Comptoir Général d'Electricité, que la SA COSTANTINI établit que celles-ci ont été effectuées sur des chantiers situés en France et que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix de ces livraisons peut donner lieu à restitution à hauteur de la somme de 6 027 euros ; en revanche, elle ne démontre pas, pour le surplus, que ces livraisons n'auraient pas la nature de livraisons intracommunautaires exonérées de taxe, dans la mesure où elles ont été facturées en mentionnant l'adresse du siège luxembourgeois de la SA COSTANTINI et que celle-ci n'établit pas qu'elles auraient été effectuées sur le territoire français.

Par décision en date du 30 octobre 2017, le directeur des impôts des non résidents a prononcé un dégrèvement à hauteur de 6 027,34 euros au titre au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déclarée au mois de mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement d'exécution du Conseil n° 282/2011 du 15 mars 2011, en son article

31 ter issu du règlement d'exécution du Conseil n° 1042/2013 du 7 octobre 2013 ;

- le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.

1. Considérant que la SA COSTANTINI, dont le siège social se situe au Luxembourg et qui exerce une activité de construction, promotion immobilière et travaux d'entreprise générale, a présenté à l'administration fiscale une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 318 408 euros correspondant selon elle au montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible auquel elle a été assujettie pour des opérations réalisées en France, au titre de la période du mois de mars 2015 ; que cette demande a donné lieu, le 2 juillet 2015, à une décision d'admission partielle à hauteur de 100 699 euros, l'administration fiscale ayant estimé que le surplus de la demande de la SA COSTANTINI se rapportait à des prestations de services ou des livraisons de biens facturées à tort par les fournisseurs de la société et ne pouvant donc donner lieu à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ; que la SA COSTANTINI relève appel du jugement en date du 14 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de faire droit à sa demande tenant à la restitution, à hauteur de la somme de 214 753, 39 euros, du surplus du montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont l'administration fiscale lui a refusé le remboursement ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 30 octobre 2017, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de la somme de 6 027 euros au titre au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déclaré pour le mois de mars 2015, et correspondant aux montants de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des livraisons de matériaux de construction à la société requérante réalisées sur des chantiers situés en France par la société Comptoir Général d'Electricité ; que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions aux fins de restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentées par la SA COSTANTINI ;

Sur le bien-fondé de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : (...) 2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France, y compris les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire tels que des camps de vacances ou des sites aménagés pour camper, l'octroi de droits d'utilisation d'un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à coordonner l'exécution de travaux immobiliers, telles que celles fournies par les architectes et les entreprises qui surveillent l'exécution des travaux " ; et qu'aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts, dans sa version applicable à l'espèce : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que doit être admise en déduction la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures des fournisseurs de la SA COSTANTINI dès lors qu'il résulte suffisamment des mentions portées sur celles-ci qu'elles se rapportent à un chantier réalisé en France, dans le cadre de son activité de construction immobilière et sous réserve que les prestations de services en cause se rattachent par un lien suffisamment étroit aux opérations immobilières en cause ; que, contrairement à ce que fait valoir l'administration fiscale, les prestations de services en cause, portant sur la location de matériels de chantier, le transport de matériaux de chantiers ou de gravats et la location, avec ou sans mise à disposition de personnel, d'engins de chantier, présentent un lien suffisamment étroit avec les opérations immobilières réalisées en France par la SA COSTANTINI dès lors qu'elles sont nécessaires à l'activité de construction de bâtiments de la société requérante ; qu'ainsi, en application des dispositions du 2° de l'article 259 A du code général des impôts précitées, les fournisseurs de la SA COSTANTINI pouvaient régulièrement facturer à cette dernière la taxe sur la valeur ajoutée grevant le prix de leurs prestations de services, la société requérante étant imposable en France au titre des opérations immobilières auxquelles ces prestations se rapportent ; que, pour faire échec au principe de cette imposition à la taxe sur la valeur ajoutée en France, l'administration fiscale ne peut utilement opposer à la SA COSTANTINI les dispositions de l'article 31 ter règlement d'exécution du Conseil n° 282/2011 du 15 mars 2011 dans sa rédaction issue du règlement d'exécution du Conseil n° 1042/2013 du 7 octobre 2013, qui précisent notamment que " Lorsque du matériel est mis à la disposition d'un preneur en vue de l'exécution de travaux sur un bien immeuble, cette opération ne constitue une prestation de services se rattachant à un bien immeuble que si le prestataire assume la responsabilité de l'exécution des travaux ", dans la mesure où ces dispositions ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2017 en vertu de l'article 3 du règlement d'exécution du Conseil n° 1042/2013 et ne trouvent donc pas à s'appliquer à la période au titre de laquelle la société requérante demande la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

5. Considérant qu'à l'appui de sa demande, la SA COSTANTINI produit pour la première fois devant la Cour une partie des factures émises par les prestataires de services lui ayant facturé la taxe sur la valeur ajoutée dont elle demande la restitution ; qu'à l'exception des factures émises par les sociétés BTS et Chardot TP ainsi que deux factures n° FA2010258 et FA2010266 de la société SARL BRN TP, qui se rapportent à des prestations de services correspondant à des chantiers situés au Luxembourg et de deux factures émises par les sociétés Entreprise Lorin sous le numéros 2014-04-041 et 2014-04-042, de trois factures émises par la société Inter TP sous les numéros 1412-7, 1401-12 et 1308-8 et de la facture émise par la société ETA Hirn Hubert, qui ne comportent aucune mention de nature à établir qu'elles se rapportent à des opérations réalisées en France, les factures produites se rapportent à des prestations de location de matériels ou véhicules de chantiers, ou de transports de matériaux de chantier ou de gravats, pour des chantiers dont la localisation en France est suffisamment précisée, pour un montant total de taxe sur la valeur ajoutée de 80 798, 85 euros ; que la SA COSTANTNI est fondée à demander le remboursement de ce montant de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration ne faisant, par ailleurs, valoir aucun autre obstacle pour un tel remboursement ; qu'en revanche, et en l'absence de toute preuve relative aux prestations de services qui auraient donné lieu à la facturation de taxe sur la valeur ajoutée, le surplus de sa demande de restitution du crédit de taxe dont elle se prévaut, en ce qu'il se rapporterait à des prestations de services correspondant à des opérations immobilières réalisées en France, ne peut qu'être rejeté ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 258 du code général des impôts : " I. - Le lieu de livraison de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : a) Au moment de l'expédition ou du transport par le vendeur, par l'acquéreur, ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur " ; qu'aux termes de l'article 262 ter du même code : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie ",

7. Considérant que la SA COSTANTINI soutient que les livraisons de biens, facturées à l'adresse de son siège social pour un montant total de 13 242, 89 euros par la société Comptoir Général d'Electricité, auraient été, en réalité, effectuées sur le lieu de chantiers qu'elle réalisait en France ; qu'ainsi, elles ne présentent pas la nature de livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts précitées et pouvaient donner lieu à la facturation, par son fournisseur, de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, cependant, la société requérante, qui produit à l'appui de sa demande un certain nombre de factures dont une partie ne comporte, toutefois, aucune mention lisible du lieu effectif de la livraison des biens acquis et ne saurait, ainsi, établir le bien-fondé de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée au prix de ces livraisons, n'établit pas que le montant de la taxe dont elle serait, au regard de ces justificatifs, fondée à demander le remboursement excèderait le montant de la restitution des montants de taxe sur la valeur ajoutée consentie au cours de la présente instance par l'administration fiscale au vu des factures, suffisamment probantes quant au lieu de livraison des biens en cause, produites par l'intéressée devant la Cour ; que la demande de remboursement du reliquat de taxe sur la valeur ajoutée, correspondant à ces livraisons de biens de la société Comptoir Général d'Electricité, présentée par la SA COSTANTINI ne peut donc qu'être rejetée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA COSTANTINI, eu égard aux pièces nouvelles qu'elle produit en appel, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas fait droit à sa demande à hauteur de la somme de 80 798, 85 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA COSTANTINI et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SA CONSTANTINI à hauteur de la somme de 6 027,34 euros.

Article 2 : Il est accordé à la SA COSTANTINI un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 80 798, 85 euros en sus de celui déjà accordé par le Tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : Le jugement n° 1508899 du 14 février 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à la SA COSTANTINI une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA COSTANTINI est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA COSTANTINI et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

M. Livenais, président assesseur,

M. Huon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juillet 2018.

Le rapporteur,

Y. LIVENAISLe président,

P. BRESSELe greffier,

A. FOULON

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

6

N° 17VE01214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01214
Date de la décision : 24/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. SKZRYERBAK
Avocat(s) : FREULET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-24;17ve01214 ?
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