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10/07/2018 | FRANCE | N°17VE03519

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 10 juillet 2018, 17VE03519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 20 juillet 2016 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la menti

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 20 juillet 2016 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement n° 1612299 du 27 avril 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires de production de pièces enregistrés le 27 novembre 2017, les 6 janvier et 24 juin 2018, Mme A..., représentée par Me d'Allivy Kelly, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du

20 juillet 2016 ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours courant à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4° de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros à verser à

Me d'Allivy Kelly au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Campoy,

- et les observations de Me d'Allivy Kelly, pour Mme A....

1. Considérant que MmeA..., ressortissante camerounaise née en 1959, est, selon ses déclarations, entrée sur le territoire français le 27 avril 2008 ; qu'elle a obtenu un titre de séjour pour raison de santé expirant le 24 mars 2016 ; qu'elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour auprès du préfet des Hauts-de-Seine ; que, par un arrêté en date du 20 juillet 2016, celui-ci a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'expiration de ce délai ; que Mme A...relève appel du jugement du 27 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande sous astreinte ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant que les moyens tirés, d'une part, de ce que la décision refusant à

Mme A...un titre de séjour ne serait pas suffisamment motivée et, d'autre part, de ce que le préfet n'aurait procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressée préalablement à l'adoption de la décision lui refusant un titre de séjour doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 4 du jugement attaqué ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...)." ;

4. Considérant qu'il ressort de l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France en date du 8 avril 2016 que si l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale et que le défaut d'une telle prise en charge est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe dans son pays d'origine un traitement approprié à l'hypertension pour laquelle elle est actuellement soignée en France ; que, compte tenu de leur ancienneté, les certificats médicaux délivrés à l'intéressée par un praticien hospitalier qui datent du 26 avril 2011 et du 3 avril 2012 ne permettant pas de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé, puis par l'autorité préfectorale, sur l'existence d'un traitement approprié au Cameroun ; que le certificat médical d'un médecin généraliste en date du 23 août 2016 produit par l'intéressée se borne à mentionner la nature du traitement qui lui est nécessaire sans indiquer que ce traitement ne serait pas disponible dans son pays d'origine ; que la circonstance que le médicament qu'utilise la requérante n'était pas commercialisé au Cameroun en 2012 n'implique pas nécessairement que tel serait toujours le cas en 2016, ni, en toute hypothèse, qu'il n'existerait sur le marché camerounais aucune molécule d'effet équivalent ; qu'ainsi, le préfet dont il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il se serait cru tenu par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de titre de séjour pour soins de

Mme A...;

5. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que Mme A...dont il est constant qu'elle s'est bornée à solliciter du préfet des Hauts-de-Seine la renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des dispositions 7° de ce même article L. 313-11 ;

6. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que le préfet se serait livré à une appréciation manifestement erronée des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme A...n'a plus de famille au Cameroun depuis son divorce en 2011 et le décès de son frère en 2012 ; qu'elle vit en France depuis neuf ans auprès de sa fille qui dispose d'un titre de séjour, et des deux enfants français de cette dernière ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire et les actes subséquents, le préfet doit être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juillet 2016 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision du même jour fixant son pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

11. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation énoncé au point 8 ci-dessus, et sous réserve d'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " à

Mme A...; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à la requérante un tel titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans toutefois qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu' il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1 : Les décisions du préfet des Hauts-de-Seine du 20 juillet 2016 portant obligation pour Mme A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination, sont annulées.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1612299 du

27 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer un titre de séjour mention " Vie privée et familiale " à Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Mme A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

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N° 17VE03519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03519
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Luc CAMPOY
Rapporteur public ?: Mme BELLE
Avocat(s) : D'ALLIVY KELLY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-10;17ve03519 ?
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