Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DES TRANSPORTS ET DE L'ENVIRONNEMENT DU MANTOIS (SOTREMA) a demandé au Tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses écritures :
1° sous le n° 0903105 :
- d'annuler la délibération du 2 février 2009 du conseil municipal de la commune de Mantes-la-Jolie approuvant la résiliation, pour motif d'intérêt général, de la convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional, de la convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de Ville ", " Vieux pilori " et " Normandie " et de la convention de régie intéressée pour la gestion du stationnement payant sur voirie dont elle était titulaire, et, en tant que de besoin, les trois courriers du 10 février 2009 du maire de la commune lui notifiant la résiliation de ces trois conventions ;
- de condamner la commune à lui verser la somme de 2 220 633 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2009 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des pertes subies et des manques à gagner du fait de la résiliation de ces trois conventions, ainsi que les sommes de 215 040 euros et de 60 000 euros en réparation du préjudice commercial et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette résiliation ;
- de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2° sous le n° 0911114 :
- de condamner la commune à lui verser la somme de 2 238 329 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2009 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des pertes subies et des manques à gagner du fait de la résiliation de ces trois conventions, ainsi que les sommes de 215 040 euros et de 60 000 euros en réparation du préjudice commercial et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de cette résiliation ;
- de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1001462 du 15 novembre 2010, le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Mantes-la-Jolie à verser, à titre de provision, à la SOTREMA la somme de 676 511,25 euros, assortie des intérêts à compter du 1er août 2009 et de la capitalisation des intérêts, en réparation de certains préjudices subis du fait de la résiliation des trois conventions.
Par un jugement n° 0903105-0911114 du 21 novembre 2013, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir rejeté la demande n° 0903015, a, d'une part, mis à la charge définitive de la commune de Mantes-la-Jolie la somme de 676 511,25 euros, allouée à la SOTREMA à titre de provision par l'ordonnance du 15 novembre 2010, et condamné la commune à lui verser la somme de 65 143,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2009 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du manque à gagner du fait de la résiliation de la convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de Ville ", " Vieux pilori " et " Normandie ", d'autre part, mis à la charge de la commune le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus de la demande n° 0911114.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 3 février 2014 et le 2 décembre 2014, la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DES TRANSPORTS ET DE L'ENVIRONNEMENT DU MANTOIS (SOTREMA), représentée par Me Fyrgatian, avocat, demande à la Cour :
1° à titre principal, de réformer le jugement attaqué en portant l'indemnité allouée à la somme de 2 198 329 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2009 et de la capitalisation des intérêts ;
2° à titre subsidiaire, de désigner un expert avec pour mission :
- de se faire remettre par les parties ou par des tiers tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission et d'entendre, le cas échéant, tout sachant à charge de reproduire leur dire et leur identité ;
- de prendre connaissance de l'ensemble des documents contractuels et de tous documents juridiques et comptables qu'il jugera utile à l'exercice de sa mission ;
- de recueillir et de consigner les explications des parties ;
- de réunir les éléments permettant d'évaluer le préjudice résultant de la résiliation des trois conventions ;
- de donner son avis sur le manque à gagner résultant de la cessation anticipée des trois conventions dont elle était titulaire ;
- de donner son avis sur le préjudice qu'elle a subi du fait de la non-participation des conventions résiliées aux charges de structure ;
- de déposer son rapport dans le délai qui lui sera imparti ;
3° de mettre à la charge de la commune de Mantes-la-Jolie le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la circonstance que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables, car présentées plus de deux mois après l'introduction de sa demande n° 0903105, ses conclusions indemnitaires présentées sous le même numéro, est sans incidence sur la recevabilité de sa demande indemnitaire enregistrée sous le n° 0911114 ; en effet, d'une part, aucune autorité de chose jugée ne faisait obstacle à cette dernière demande ; d'autre part, si sa demande préalable du 30 juillet 2009 a fait l'objet d'une décision implicite de rejet, puis d'une décision de rejet partiel en date du 8 octobre 2009, notifiée le 9 octobre suivant, sa demande n° 0911114, enregistrée le 8 décembre 2009, n'était pas tardive ;
- sa demande d'indemnisation au titre d'un manque à gagner du fait de la résiliation de la convention de régie intéressée pour la gestion du stationnement payant sur voirie, présentée dans son mémoire enregistré le 30 septembre 2011 et qui se rattache au même fait générateur, est recevable ;
- elle a droit à une indemnité destinée à compenser la non-participation des trois conventions résiliées à ses charges de structure ; en effet, alors que ces charges ont été dimensionnées en fonction de sa double activité (parking et déchets) et que son activité " parking et stationnement " a représenté 21,95% desdites charges, le délai de préavis d'un an qui lui a été accordé, s'est révélé nettement insuffisant pour lui permettre de réajuster ses charges fixes de structure ; d'une part, eu égard à son objet, soit la collecte et le traitement de déchets et l'exploitation de parcs de stationnement, son activité, soumise aux aléas des procédures de publicité et de mise en concurrence, est conditionnée par l'attribution de contrats par des personnes publiques et, son champ d'intervention territorial étant limité au Mantois, elle n'a rencontré qu'une seule opportunité commerciale après la résiliation, soit la consultation lancée par la commune de Mantes-la-Jolie pour le choix du nouveau délégataire pour le stationnement en ouvrages et sur voirie, consultation à laquelle elle a candidaté sans succès et sans chance sérieuse compte tenu des motifs de cette résiliation ; d'autre part, alors que ses charges de structure avaient été dimensionnées en fonction de la durée totale de ses engagements contractuels jusqu'en 2016, elle n'a pas été en mesure de diminuer rapidement ces charges, notamment en raison des difficultés à réduire la masse salariale et, en particulier, le personnel de direction et administratif en charge à la fois de l'activité " déchets " et de l'activité " parking et stationnement ", une telle situation occasionnant un " surdimensionnement " de ses charges entre le terme du préavis et l'échéance normale de chacune des conventions en litige ; par ailleurs, les charges en cause ont pesé brutalement sur ses comptes à la suite de la résiliation, sans rémunération correspondante, et n'ont pu être imputées sur le contrat " déchets " ; enfin, l'indemnisation demandée ne saurait constituer une aide illégale au regard du droit de l'Union européenne ;
- ce préjudice doit être évalué, pour la convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional et la période 2010-2016, à hauteur de 432 923 euros, pour la convention d'affermage pour les gestions des trois parkings et la période 2010-2015, à hauteur de 326 857 euros, soit 146 522 euros pour le parking " Hôtel de Ville ", 33 813 euros pour le parking " Vieux Pilori " et 146 522 euros pour le parking " Normandie ", et, pour la convention de régie intéressée pour la gestion du stationnement payant sur voirie et la période 2010-2013, à hauteur de 273 331 euros, soit une somme globale de 1 033 011 euros ;
- s'agissant du manque à gagner, les conventions en litige n'ont pas exclu l'indemnisation de ce type de préjudice, mais ont rappelé le principe de l'indemnisation intégrale du préjudice subi ;
- elle a subi un manque à gagner du fait de la résiliation anticipée de la convention de concession du parc de stationnement régional ; en effet, eu égard à l'équilibre économique global du contrat en litige, qui doit être apprécié sur toute la durée contractuelle et tel qu'il ressort du compte d'exploitation prévisionnel, et compte tenu de l'accord des parties pour ne dégager aucun résultat d'exploitation positif avant la treizième année d'exploitation, de la résorption du déficit lors des années qui ont précédé la résiliation, de l'augmentation, depuis 2007, du nombre d'abonnés et des fréquentations horaires ainsi que des travaux de modernisation prévus à l'avenant n° 5 du 30 janvier 2009, qui devaient induire une meilleure fréquentation du parc de stationnement régional, et de la création de places supplémentaires sur voirie et de la mise en place d'un dispositif de surveillance accrue, qui devaient également permettre l'augmentation du nombre d'usagers de ce parc, l'exécution du contrat jusqu'à son terme permettait d'escompter un résultat d'exploitation positif sur les dernières années d'exécution et, en particulier, dès l'année 2010 ; ce manque à gagner doit être évalué à hauteur de 488 416 euros pour la période 2010-2016 ;
- elle a subi un manque à gagner du fait de la résiliation anticipée de la convention d'affermage pour la gestion de trois parkings, dont le principe n'est pas contesté par la commune ; pour évaluer ce préjudice, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle l'avait chiffré en utilisant la marge brute et a, pour l'indemniser à hauteur de 65 143,50 euros, retenu la méthode de calcul proposée par la commune, soit en tenant compte de la moyenne arithmétique du résultat net d'exploitation des trois exercices précédant la résiliation, multipliée par le nombre d'années restant à courir, une telle méthode étant dépourvue de fondement juridique ou contractuel ; son manque à gagner doit être déterminé en revanche en tenant compte de l'équilibre économique global du contrat sur toute sa durée et des bénéfices nets croissants escomptés sur les dernières années du contrat, tels que prévus par le compte d'exploitation prévisionnel annexé au contrat ; en conséquence, le préjudice en cause doit être évalué à hauteur de 132 900 euros ;
- elle a subi un manque à gagner du fait de la résiliation de la convention de régie intéressée pour la gestion du stationnement payant sur voirie ; en effet, l'avenant n°2 à cette convention, qui prévoit une augmentation de sa rémunération de 39 950 euros par an ainsi qu'une augmentation du nombre d'horodateurs, lui permettait d'escompter un résultat excédentaire et ce, dès l'année 2008 et sans tenir compte d'une progression du nombre d'agents verbalisateurs ; ce manque à gagner doit être évalué à hauteur de 584 002 euros pour la période 2010-2013 ;
- à titre subsidiaire, une expertise, qui permettrait à la Cour de déterminer précisément le quantum des préjudices qu'elle a subis, revêtirait un caractère utile.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- et les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.
Une lettre a été présentée pour la commune de Mantes-la-Jolie, enregistrée le 26 juin 2018.
1. Considérant que la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DES TRANSPORTS ET DE L'ENVIRONNEMENT DU MANTOIS (SOTREMA) a conclu avec la commune de Mantes-la-Jolie, d'une part, le 18 novembre 1996, une convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional de la place du 8 mai 1945, pour une durée de vingt ans, d'autre part, le 31 décembre 1998, une convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de Ville ", " Vieux Pilori " et " Normandie ", avec une échéance au 30 septembre 2015, enfin, le 21 juillet 2005, une convention de régie intéressée pour la gestion du stationnement payant sur voirie, avec un terme au 1er septembre 2013 ; que, par une délibération du 2 février 2009, le conseil municipal de Mantes-la-Jolie a approuvé la résiliation, pour un motif d'intérêt général, de ces trois conventions à compter du 3 février 2010 ; que, sous le n° 0903105, la SOTREMA a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de cette délibération et, en tant que de besoin, des trois courriers du 10 février 2009 du maire de la commune lui notifiant cette résiliation ; que, par un mémoire ultérieur enregistré sous le même numéro, elle a demandé au tribunal administratif la condamnation de la commune de Mantes-la-Jolie à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant de cette résiliation ; qu'elle a enfin demandé au tribunal, sous le n° 0911114, la même condamnation aux fins d'indemnisation ; que, par ailleurs, par une ordonnance n° 1001462 du 15 novembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif, saisi par l'intéressée, a condamné la commune à lui verser, à titre de provision, la somme de 676 511,25 euros en réparation de certains préjudices résultant de la résiliation des trois conventions ; qu'enfin, par un jugement n° 0903105-0911114 du 21 novembre 2013, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir rejeté la demande n° 0903015, a, d'une part, mis à la charge définitive de la commune la somme de 676 511,25 euros, allouée à la SOTREMA à titre de provision par l'ordonnance du 15 novembre 2010, d'autre part, condamné la commune à lui verser la somme de 65 143,50 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation de son manque à gagner du fait de la résiliation de la convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de Ville ", " Vieux pilori " et " Normandie ", et, enfin, rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ; que la SOTREMA relève appel de ce jugement et demande à la Cour de porter l'indemnité allouée à la somme de 2 198 329 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Mantes-la-Jolie demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il porte condamnation et de rejeter la demande n° 0911114 présentée par la SOTREMA devant le tribunal administratif ;
Sur l'appel incident de commune de Mantes-la-Jolie :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 421-3 du même, dans sa rédaction alors en vigueur : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux ; (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la SOTREMA avait présenté, dans sa demande enregistrée sous le n° 0903105, des conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices ayant résulté pour elle de la résiliation des trois conventions en litige, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle présente à nouveau, dans sa seconde demande, enregistrée sous le n° 0911114, les mêmes conclusions indemnitaires ; qu'en outre, la circonstance que les conclusions enregistrées dans la première demande aient été irrecevables est par elle-même sans incidence sur la recevabilité des conclusions enregistrées dans la seconde demande ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier du 30 juillet 2009, réceptionné le même jour, la SOTREMA a présenté auprès de la commune de Mantes-la-Jolie une demande préalable aux fins d'indemnisation, demande qui a été implicitement rejetée le 30 septembre 2009 ; que, par une décision explicite du 8 octobre 2009, notifiée le 9 octobre suivant, au demeurant sans mention des voies et délais de recours, et qui s'est substituée à la précédente décision implicite de rejet, le maire de la commune a partiellement rejeté cette demande préalable et proposé une indemnité de 741 655,25 euros ; que, par suite, sans qu'importe la circonstance que la commune de Mantes-la-Jolie avait préalablement conclu, sous le n° 0903105, au rejet total des conclusions indemnitaires présentées par la SOTREMA, la demande de cette dernière société enregistrée le 8 décembre 2009 sous le n° 0911114, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois, et tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser de ses préjudices subis du fait de la résiliation des trois conventions en litige, était recevable ;
5. Considérant qu'il suit de là que la commune de Mantes-la-Jolie n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif a fait droit à une demande irrecevable ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement attaqué et le rejet, pour irrecevabilité, de cette demande ;
Sur l'appel principal de la SOTREMA :
6. Considérant que si la personne publique peut mettre fin unilatéralement à ses engagements contractuels pour un motif d'intérêt général, son cocontractant est toutefois en droit d'obtenir réparation du préjudice résultant de la résiliation unilatérale du contrat par la personne publique, même en l'absence de toute faute de cette dernière, dès lors qu'aucune stipulation contractuelle n'y fait obstacle ; qu'en l'absence de toute faute de sa part, le cocontractant a droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour lui de la résiliation anticipée du contrat et compensant tant la perte subie que le manque à gagner ;
7. Considérant que la SOTREMA, qui ne conteste plus en appel le motif d'intérêt général ayant justifié la résiliation des trois conventions en litige, demande à être indemnisée, d'une part, des pertes qu'elle aurait subies du fait de cette résiliation, d'autre part, du manque à gagner qui résulterait de la résiliation de chacune de ces conventions ;
En ce qui concerne les pertes subies :
8. Considérant que la SOTREMA soutient que la résiliation, à compter du 3 février 2010, des trois conventions en litige a entraîné pour elle des charges de structure qui n'ont pas été compensées par les produits d'exploitation qu'elle devait normalement tirer de l'exécution de chacune de ces conventions jusqu'à leurs termes respectifs, charges d'exploitation non couvertes qu'elle évalue à hauteur de la somme globale de 1 039 110 euros entre 2010 et 2016 ; que, toutefois, il est constant qu'à la suite de la délibération du conseil municipal de Mantes-la-Jolie du 2 février 2009 approuvant cette résiliation, la SOTREMA a bénéficié, pour les trois conventions résiliées, d'un préavis d'une durée d'un an, soit une durée de préavis double de celle contractuellement prévue par la convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional et par la convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de ville ", " Vieux Pilori " et " Normandie ", et égale au préavis contractuellement prévu par la convention de régie intéressée pour la gestion du stationnement payant sur voirie ; que la société requérante n'établit, ni n'allègue sérieusement qu'elle aurait été dans l'impossibilité, durant ce préavis d'une durée d'un an, de trouver de nouveaux contrats ou marchés pour compenser cette perte de contrats ou, compte tenu de la résiliation des trois conventions en litige, de réduire en conséquence ses charges d'exploitation imputables à l'exécution de ces conventions et, notamment, d'ajuster ses frais généraux, ses charges de personnel ou encore ses autres charges de gestion courante ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient la société requérante, son objet statutaire, qui n'est pas géographiquement limité au Mantois, ne faisait pas obstacle à la recherche de nouveaux contrats ou marchés dans le département des Yvelines en matière de stationnement, de transport ou encore de déchets ; que, de même, la SOTREMA n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait été dans l'incapacité de réduire ses charges d'exploitation durant le préavis d'une durée d'un an et, notamment, de réduire sa masse salariale ou de modifier ou résilier les " contrats de réseaux " qu'elle avait passés, notamment avec la Société services conseil expertises territoires (SCET), pour l'exécution des trois conventions ; qu'enfin, en se bornant à faire état, pour évaluer les charges d'exploitation qui n'auraient plus été couvertes par les produits d'exploitation des trois conventions en litige, d'une " clé de répartition des frais de structure générale " et à alléguer que les charges en cause représenteraient 22% de ses charges totales, la société requérante ne fournit, au surplus, aucune précision suffisante, ni aucun élément de nature à caractériser tant les charges d'exploitation induites par ces conventions, que celles qui n'auraient plus été compensées à la suite de leur résiliation ; que, par suite, les conclusions de la SOTREMA tendant à la condamnation de la commune de Mantes-la-Jolie à lui verser la somme de 1 039 110 euros au titre de charges d'exploitation non couvertes du fait de la résiliation des trois conventions en litige doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les gains manqués :
9. Considérant, en premier lieu, que l'article 46 de la convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional, l'article 38 de la convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de ville ", " Vieux Pilori " et " Normandie " et l'article 44 de la convention de régie intéressée pour la gestion du stationnement payant sur voirie stipulent qu'en cas de résiliation pour motif d'intérêt général, le cocontractant " a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice subi " ; que, par suite, alors même que ces articles ne mentionnent que certains préjudices susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation et en l'absence de toute stipulation expresse excluant l'indemnisation du manque à gagner, la commune de Mantes-la-Jolie n'est pas fondée à soutenir que les conventions en litige excluraient l'indemnisation de ce préjudice ;
10. Considérant, en second lieu, que la SOTREMA demande à la Cour, d'une part, de condamner la commune de Mantes-la-Jolie à lui verser la somme de 488 416 euros en réparation de son manque à gagner pour les années 2010 à 2016 du fait de la résiliation de la convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional, d'autre part, de porter l'indemnité de 65 143,50 euros allouée par le tribunal administratif, au titre de son manque à gagner pour les années 2010 à 2015 du fait de la résiliation de la convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de ville ", " Vieux Pilori " et " Normandie ", à la somme de 132 900 euros, enfin, de condamner la commune à lui verser la somme de 584 002 euros en réparation de son manque à gagner pour les années 2010 à 2013 du fait de la résiliation de la convention de régie intéressée pour l'exploitation du stationnement payant sur voirie ;
11. Considérant, d'une part, que, pour demander l'indemnisation d'un manque à gagner du fait de la résiliation de la convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional conclue le 18 novembre 1996 pour une durée de vingt ans, la SOTREMA soutient que ses résultats d'exploitation devaient devenir excédentaires à compter de l'année 2010 ; qu'à l'appui de cette affirmation, elle se fonde, d'une part, sur le bilan d'exploitation prévisionnel annexé au contrat, notamment celui annexé à l'avenant n°2 du 24 décembre 1999, faisant état d'un résultat d'exploitation excédentaire escompté à partir de la treizième année d'exécution du contrat, d'autre part, sur l'avenant n°5 du 30 janvier 2009, prévoyant des travaux à réaliser dans le parc de stationnement, et sur la création de places supplémentaires sur voirie et la mise en place d'un dispositif de surveillance accrue, cet avenant et ce contrôle accru du stationnement sur voirie devant induire une meilleure fréquentation du parc de stationnement régional ; que, toutefois, il est constant que, s'agissant de cette convention, les résultats d'exploitation de la SOTREMA ont toujours été déficitaires, notamment pour les années 2006 à 2009, le titulaire percevant d'ailleurs une compensation financière de la part de la collectivité au titre des contraintes de service public qui lui étaient imposées ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que si le bilan d'exploitation prévisionnel du contrat, initial ou celui annexé à l'avenant n°2, faisait état d'une prévision de résultats d'exploitation excédentaires pour la SOTREMA pour les dernières années d'exécution du contrat, prévision basée sur le maintien d'une augmentation annuelle régulière des tarifs imposés aux usagers, soit une augmentation de l'ordre de 3,5 % par an qui s'est pratiquée notamment sur la période 1997-2008, le conseil municipal de Mantes-la-Jolie a approuvé, par une délibération du 17 novembre 2008, une nouvelle grille tarifaire se traduisant par une baisse significative du prix des contrats d'abonnement ; qu'en outre, si l'avenant n°5 du 30 janvier 2009 prévoit de nouveaux tarifs pour les contrats d'abonnement signés après le 1er décembre 2008, l'article 1er de cet avenant stipule expressément, d'une part, que ces nouveaux tarifs ne s'appliquent pas aux contrats d'abonnement en cours, d'autre part, que " la révision régulière de ces tarifs par une actualisation de 3,5% l'an n'est plus envisagée. La Ville jugera chaque année de l'opportunité et, le cas échéant, du montant de l'actualisation " ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les seuls travaux réalisés en vertu de l'avenant n°5, conjugué avec un contrôle accru du stationnement sur voirie envisagé par cet avenant, auraient nécessairement induit une augmentation substantielle et constante, de la fréquentation du parc de stationnement régional de nature à permettre à la SOTREMA, pour les dernières années du contrat en litige et en dépit de la politique tarifaire de la collectivité, d'obtenir des résultats d'exploitation excédentaires ; que, sur ce point, le document du cabinet Stratorial finances produit par la société requérante, s'il fait état, pour la période 2010-2016, d'une augmentation de la fréquentation du parc de stationnement de l'ordre de + 10% pour les contrats d'abonnement et de + 5% pour les stationnements horaires, une telle augmentation escomptée ne repose sur aucune démonstration tangible alors qu'au demeurant, le compte-rendu d'activité du délégataire pour l'année 2009 mentionne une très forte fluctuation des contrats d'abonnement entre 1997 et 2009 ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le manque à gagner dont se prévaut la SOTREMA présente un caractère éventuel et ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation ; que, par suite, les conclusions de la SOTREMA tendant à la condamnation de la commune de Mantes-la-Jolie à lui verser la somme de 488 416 euros en réparation de ce manque à gagner du fait de la résiliation de la convention de concession pour l'exploitation du parc de stationnement régional, doivent être rejetées ;
12. Considérant, d'autre part, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Mantes-la-Jolie a versé à la SOTREMA la somme de 65 143,50 euros en réparation de son manque à gagner, pour les années 2010-2015, du fait de la résiliation de la convention d'affermage pour la gestion des trois parkings " Hôtel de ville ", " Vieux Pilori " et " Normandie ", conclu le 31 décembre 1998 et avec une échéance au 30 septembre 2015 ; que, pour demander que cette indemnité soit portée à la somme de 132 900 euros, la société requérante soutient que la méthode de calcul proposée par la commune et retenue par les premiers juges n'a aucun fondement contractuel et que son manque à gagner doit être calculé en tenant compte de l'équilibre économique global du contrat sur toute sa durée et des bénéfices nets croissants escomptés sur les dernières années de son exécution, tels que prévus par le bilan d'exploitation prévisionnel annexé à ce contrat ; que, toutefois, contrairement à ce que soutient la SOTREMA, aucune stipulation de la convention en litige ne prévoit une méthode de calcul aux fins d'indemnisation du manque à gagner en cas de résiliation de la convention pour un motif d'intérêt général ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que si le bilan d'exploitation prévisionnel du contrat initial faisait état de résultats bénéficiaires attendus sur les six années restant à courir, en se basant sur le maintien d'une augmentation annuelle régulière des tarifs imposés aux usagers, soit une augmentation de l'ordre de 3,5 % par an qui s'est effectivement pratiquée notamment sur la période 1997-2008, le conseil municipal de Mantes-la-Jolie a approuvé par une délibération du 17 novembre 2008, ainsi qu'il a été dit au point 11, une nouvelle grille tarifaire se traduisant par une baisse significative du prix des contrats d'abonnement ; qu'à cet égard, le document du cabinet Stratorial finances produit par la société requérante, s'il fait état, pour la période 2010-2015 et en se fondant sur ce bilan d'exploitation prévisionnel établi lors de la conclusion du contrat, d'un manque à gagner évalué à la somme de 132 900 euros, une telle évaluation ne tient pas compte de la nouvelle politique tarifaire engagée par la commune à compter de l'année 2008 ; qu'enfin, aucun autre élément de l'instruction ne permet de considérer que les résultats d'exploitation de la SOTREMA, pour la convention en cause, auraient pu être supérieurs, voire en forte augmentation par rapport à ceux des années qui ont précédé la résiliation ; que, dans ces conditions, la SOTREMA n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, en se fondant notamment sur ses résultats d'exploitation des trois exercices précédant la résiliation, aurait, en le fixant à la somme de 65 143,50 euros, sous-évalué son manque à gagner pour les années 2010-2015 ; que, par suite, les conclusions de la SOTREMA tendant à la réformation du jugement et à ce que l'indemnité allouée, au titre de ce préjudice, soit portée à la somme de 132 900 euros, doivent être rejetées ;
13. Considérant, enfin, que, pour demander l'indemnisation d'un manque à gagner du fait de la résiliation de la convention de régie intéressée pour l'exploitation du stationnement payant sur voirie conclue le 21 juillet 2005 avec une échéance au 31 décembre 2013, la SOTREMA soutient que l'avenant n°2 du 19 décembre 2008 à cette convention devait avoir pour effet de rendre ses résultats d'exploitation, au titre de cette convention, excédentaires, quand bien même aucun agent verbalisateur supplémentaire n'aurait été recruté ; que, toutefois, s'il résulte des stipulations de cet avenant qu'il a eu pour objet, d'une part, d'augmenter la part fixe de la rémunération du titulaire, couvrant les frais fixes du service, d'autre part, d'augmenter le nombre de places de stationnement sur voirie et celui du nombre d'horodateurs, il ne résulte en revanche d'aucun des éléments fournis par la société requérante que la mise en oeuvre de l'avenant n°2 lui aurait permis de réaliser des résultats d'exploitation bénéficiaires pour les années 2010 à 2013 ; qu'en particulier, le document du cabinet Stratorial finances, produit par la société requérante, ne fait état d'aucune démonstration tangible quant à une telle évolution de ses résultats d'exploitation pour le contrat en cause, alors que, de surcroît, la commune de Mantes-la-Jolie fait valoir en défense, sans être sérieusement contredite sur ce point, que cet avenant n°2 revalorise la rémunération du délégataire dans une proportion insuffisante pour lui assurer une rentabilité et que la SOTREMA et le cabinet Stratorial finances avaient, dans un premier temps, considéré que, même après la signature de cet avenant, la convention revêtait un caractère déficitaire ; que, par suite, les conclusions de la SOTREMA tendant à la condamnation de la commune de Mantes-la-Jolie à lui verser la somme de 584 002 euros en réparation du manque à gagner résultant de la résiliation de la convention de régie intéressée pour l'exploitation du stationnement payant sur voirie, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à la désignation d'un expert :
14. Considérant que si la SOTREMA sollicite, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise aux fins d'apprécier la réalité et l'étendue des préjudices dont elle se prévaut, il résulte de ce qui a été dit aux points 8, 11, 12 et 13 qu'une telle mesure ne revêt pas un caractère utile à la solution du présent litige ;
Sur les frais liés au litige :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Mantes-la-Jolie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SOTREMA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOTREMA le versement de la somme que la commune de Mantes-la-Jolie demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOTREMA est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Mantes-la-Jolie et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14VE00334