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03/07/2018 | FRANCE | N°17VE01260

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 03 juillet 2018, 17VE01260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1405071 du 29 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la réduction des bases d'imposition aux contributions sociales assignées à Mme B...au titre des années 2008, 2009 et 2010 à hauteur des sommes

résultant de l'application du coefficient de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1405071 du 29 mars 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la réduction des bases d'imposition aux contributions sociales assignées à Mme B...au titre des années 2008, 2009 et 2010 à hauteur des sommes résultant de l'application du coefficient de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts ainsi que la réduction correspondante, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à la charge de l'intéressée, et le rejet du surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril et 7 novembre 2017, MmeB..., représentée par Me Guillot, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions restant en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- les sommes regardées comme des revenus distribués par la SARL LBF CREA et réintégrés à ce titre dans son revenu imposable ont, soit la nature de charges déductibles du résultat de cette société en ce qu'elles ont été engagées pour réaliser des prestations de décoration de vitrines pour le compte de sociétés d'horlogerie dont la SARL LBF CREA est le fournisseur, ou qu'elles correspondent à l'achat de cadeaux destinés aux clients de cette entreprise et, de ce fait, déductibles de son résultat imposable sur le fondement du 5 de l'article 39 du code général des impôts, ou enfin qu'elles correspondent à des frais de déplacement et de restauration exposés dans le cadre des prestations qu'elle a réalisées pour le compte des clients de la société en province ou à l'étranger ; elle rapporte d'ailleurs la preuve de la refacturation aux clients de la SARL LBF CREA de ces frais de transport et de déplacement et de certaines dépenses de matériel, et indique l'identité des bénéficiaires des cadeaux litigieux;

- le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés n'étant pas avéré, il y a lieu de la décharger de l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillot, avocat, représentant MmeB....

1. Considérant que la SARL LBF CREA, qui a pour activité la réalisation de prestations de décoration de vitrines promotionnelles pour le compte de sociétés d'horlogerie de luxe, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2010 et 2011 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a estimé qu'un certain nombre de sommes comptabilisées en charges par cette société, sans qu'il soit justifié de la nécessité de ces dépenses pour les besoins de l'activité de la société, devaient être regardées comme des revenus distribués ; que MmeB..., salariée de la SARL LBF CREA dont elle détient, par ailleurs, 35 % des parts sociales, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces consécutivement à cette vérification de comptabilité et portant sur les années 2008, 2009 et 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a, notamment, réintégré au revenu imposable de l'intéressée les sommes réputées distribuées à MmeB... par cette société ; que le service a imposé ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que Mme B...s'est ainsi vu notifier des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008, 2009 et 2010, d'une part, selon la procédure contradictoire, s'agissant de la période du 8 décembre 2008 au 31 décembre 2008 et de l'année 2010 et selon la procédure de taxation d'office, s'agissant de la période du 1er janvier 2008 au 7 décembre 2008 et de l'année 2009 ; que Mme B...relève appel du jugement n° 1405071 du 29 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir prononcé la réduction des bases d'imposition aux contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2008, 2009 et 2010 à hauteur des sommes résultant de l'application du coefficient de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts et la réduction correspondante, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à la charge de l'intéressée, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des impositions ainsi mises à sa charge ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Considérant, d'une part, que l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ;

3. Considérant qu'en application de ces dispositions, Mme B...supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des rehaussements litigieux, en ce qu'ils ont été mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier au 7 décembre 2008 et de l'année 2009 ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 194-1 de ce même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a présenté ses observations sur la proposition de rectification du 22 septembre 2008 portant sur la période du 8 au 31 décembre 2008 et l'année 2010 après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article L. 11 du livre des procédures fiscales ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales précitées, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses, en ce qu'elles se rapportent aux périodes rappelées ci-dessus, incombe donc à Mme B...;

En ce qui concerne le bien-fondé des redressements notifiés dans la catégorie des revenus distribués :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c. Les rémunérations et avantages occultes" ;

7. Considérant que l'administration fiscale a réintégré dans le revenu imposable de Mme B...des dépenses, payées avec la carte bancaire professionnelle détenue par l'intéressée ou qui lui ont été remboursées sur la base de notes de frais, à raison de la remise en cause de la déductibilité en charges des sommes correspondantes par la SARL LBF CREA, soit que ces dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, soit qu'elles n'étaient pas assorties des justificatifs permettant d'en établir le caractère déductible ; que ces sommes ont été regardées comme des rémunérations occultes versées à Mme B...au sens du c de l'article 111 du code général des impôts ;

8. Considérant d'une part, en premier lieu, que l'administration a remis en cause, au titre de l'ensemble de la période en litige, les sommes déduites en charges par la SARL LBF CREA correspondant à l'achat d'articles divers réglés avec la carte bancaire détenue par MmeB..., dont notamment un accessoire de maroquinerie de marque " Dolce et Gabanna ", une montre de marque " Tag Heuer ", et divers articles acquis auprès de la FNAC, du Printemps, des sociétés Vuitton et DPAM et d'un débitant de tabac ; que Mme B...soutient que ces articles étaient des cadeaux destinés à des clients ou à des relations d'affaires de la SARL LBF CREA que cette dernière pouvait déduire de son résultat imposable en vertu du 5 de l'article 39 du code général des impôts ; que, cependant, la requérante n'apporte aucun élément permettant d'identifier les bénéficiaires éventuels de tels cadeaux, ni d'ailleurs que ces libéralités auraient été, le cas échéant, consenties dans l'intérêt du développement des relations commerciales de l'entreprise ; que c'est donc à bon droit que l'administration fiscale a regardé les sommes correspondantes comme des revenus distribués imposables en vertu du c de l'article 111 du code général des impôts ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration fiscale a également regardé comme constituant des rémunérations ou avantages occultes des achats de marchandises diverses, notamment des vêtements, des articles textiles, des fournitures, des livres, des articles de maquillage, des meubles ou des appareils informatiques réalisés avec le moyen de paiement dont disposait Mme B...à titre professionnel ; que si cette dernière justifie, à hauteur de la somme de 750 euros, de ce que l'achat d'un téléviseur effectué le 6 novembre 2008 a été effectué pour les besoins de la réalisation de la décoration d'un stand d'exposition pour le compte de la société Cartier-département Panerai, auquel le prix de cet équipement a, d'ailleurs, été refacturé le 28 novembre 2008 comme l'établit une facture n° 040842 émise le même jour, et que la somme correspondante pouvait, par conséquent, être déduite en charge par la SARL LBF CREA, elle ne démontre pas, en revanche, que les autres dépenses en cause auraient été engagées, comme elle le prétend, pour les besoins de l'activité de la société ou en remboursement d'effets personnels de salariés de l'entreprise dégradés à l'occasion de la réalisation de prestations effectuées par la société ; qu'ainsi, et à l'exception de la somme de 750 euros précitée, l'administration fiscale pouvait également qualifier de revenus distribués les sommes correspondant à ces dépenses ;

10. Considérant, en troisième lieu, que l'administration fiscale a également regardé comme des revenus distribués le montant de nombreux frais de déplacement, de restauration, d'hôtel et de stationnement remboursés à Mme B...ou directement réglés par cette dernière à l'aide de la carte bancaire dont elle disposait ; que si cette dernière, en produisant des factures n°s 040789, 040790, 040864 et 040912, émises respectivement les 22 avril et 27 mai 2008 pour la société Baume et Mercier, le 26 mars 2009 pour la société TWC et le 30 octobre 2009 pour la société Baume et Mercier et assorties d'un récapitulatif détaillé et daté des dépenses effectivement refacturées à ces clients, justifie du caractère professionnel des frais de déplacement et de séjour engagés à hauteur de 226 euros le 14 avril 2008, de 920 euros le 29 avril 2008, de 265, 32 euros le 30 mars 2009 et de 558, 69 euros le 28 octobre 2009, elle n'établit pas, en revanche, que les autres dépenses en cause, qui n'ont pas de date certaine ou qui ne sont assorties d'aucune pièce justificative, auraient été supportées à l'occasion de déplacements justifiés par l'activité de la SARL LBF CREA et qu'elles ne revêtent donc pas le caractère de revenus distribués ;

11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que Mme B...n'établit pas que les frais de réception payés au moyen de sa carte bancaire professionnelle et correspondant à l'achat de denrées alimentaires auraient effectivement engagés pour les besoins de l'activité de la société SARL LBF CREA ;

12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les sommes en cause ont été, soit remboursées par la SARL LBF CREA à MmeB..., soit directement réglées par cette dernière société, ainsi qu'il a été dit, au moyen de la carte bancaire commerciale dont elle disposait personnellement ; que Mme B...ne démontre pas que ce moyen de paiement n'aurait pas été exclusivement utilisé par elle au cours de la période vérifiée en se bornant à produire deux attestations peu circonstanciées signées d'autres salariés de la société qui, d'ailleurs, disposent également de cartes de paiement professionnelles ; qu'elle n'établit pas, dans ces conditions, ne pas avoir appréhendé les rémunérations occultes litigieuses ;

13. Considérant, cependant, que, s'agissant plus particulièrement de la somme de 139 euros correspondant à une note du restaurant " Mori Venice Bar " réglée à Paris le 30 juin 2009, Mme B...établit qu'elle n'a pas appréhendé cette somme dès lors qu'elle justifie qu'une autre salariée de la société a payé dans cet établissement cette somme à l'occasion du même repas, comme le démontre la production d'un extrait du compte courant correspondant à la carte bancaire professionnelle dont disposait cette salariée ; qu'elle est fondée à demander, dans ces conditions, que son revenu imposable rectifié au titre de l'année 2009 soit réduit à hauteur de la somme de 139 euros ;

En ce qui concerne les pénalités :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré... " ; qu'eu égard à la durée de la période concernée par les rehaussements contestés, au nombre important et au montant des dépenses engagées dans l'intérêt personnel de Mme B...et supportées par la SARL LBF CREA au cours de cette même période, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant le caractère délibéré des inexactitudes et omissions relevées dans les déclarations de revenus de la requérante au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; qu'il s'ensuit que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les impositions litigieuses ont été assorties de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de réduire le montant des bases d'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers qui lui a été assignées, d'une part, au titre de l'année 2008 à due concurrence de la somme de 1 896 euros, et, d'autre part, au titre de l'année 2009, à due concurrence de la somme de 963, 01 euros, et de lui accorder la réduction correspondante, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de ces deux années ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers assignées à Mme B...au titre des années 2008 et 2009 sont réduites, respectivement, de 1 896 euros et de 963, 01 euros.

Article 2 : Mme B...est déchargée, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009, dans la limite de la réduction de bases prononcée à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1405071 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

N° 17VE01260 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01260
Date de la décision : 03/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. SKZRYERBAK
Avocat(s) : GUILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-07-03;17ve01260 ?
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