La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2018 | FRANCE | N°15VE01988

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 juin 2018, 15VE01988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie, en droits et pénalités, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondante.

Par un jugement n° 1311242 du 18 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme

de 1 545 euros en majorations pour manquement délibéré et rejeté le surplus de sa de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie, en droits et pénalités, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondante.

Par un jugement n° 1311242 du 18 mai 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 1 545 euros en majorations pour manquement délibéré et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2015, la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS, représentée par Me Rouzaud, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en droits et pénalités, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ;

3° et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification n'est pas motivée ;

- l'administration n'a pas répondu à son observation du 17 janvier 2012, selon laquelle la discordance de taxe sur la valeur ajoutée collectée s'élevait à 5 699 euros et non à 8 086 euros pour l'année 2009 ;

- pour déterminer le montant du passif injustifié, il convient de prendre en compte un total de taxe sur la valeur ajoutée de 170 euros en 2008, de 1 225 euros en 2009 et de ramener, par voie de conséquence, le compte " TVA à régulariser " à 43 394 euros ;

- le compte " taxe sur la valeur ajoutée à régulariser ", pour lequel les factures ont été fournies lors de la réclamation s'élève à 44 789 euros, et non à 61 755 euros ;

- la charge de la preuve de ce que la contribuable ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'article 44 octies I du code général des impôts pèse sur l'administration ;

- la condition relative à l'emploi d'un salarié sédentaire en zone franche urbaine est remplie, M. B...et M. A...assumant à tour de rôle cet emploi ;

- l'absence de salarié sur place les jours des interventions de la vérificatrice ne permet pas de conclure à l'absence de salarié sédentaire ;

- l'administration estime sans preuve que la contribuable ne réalise pas au moins 25 % de son chiffre d'affaires ou de ses recettes auprès de clients situés en zone franche urbaine ;

- la majoration fondée sur l'article 1729 du code général des impôts n'est ni motivée ni justifiée ;

- elle méconnaît l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'instruction n° 13 L-1-80 du 6 février 1980 et par la doctrine administrative n° 13 L-1611 n° 1 et 2 du 1er juillet 2002 ;

- s'agissant de la majoration prévue à l'article 1728 du même code, l'administration n'établit pas le dépôt tardif de la déclaration.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS relève appel du jugement n° 1311242 du 18 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 1 545 euros en majorations pour manquement délibéré et rejeté le surplus de sa demande ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par décision du 20 janvier 2016, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre des finances et des comptes publics a prononcé le dégrèvement à concurrence d'une somme de 469 euros, de la cotisation à l'impôt sur les sociétés, à laquelle la contribuable a été assujettie au titre de l'exercice 2010 et des pénalités correspondantes ; que, par suite, les conclusions de la requête de la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'en vertu du dernier alinéa du même article lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée ;

4. Considérant que la proposition de rectification du 16 novembre 2011 comporte les motifs de droit et de fait qui ont conduit l'administration à remettre en cause le montant des impositions acquittées et détaille le montant des cotisations supplémentaires qui en découlent pour la contribuable s'agissant notamment de l'exonération en zone franche urbaine ; que par suite le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de la proposition de rectification du 16 novembre 2011 concernant l'exonération en zone franche urbaine doit être écarté ;

5. Considérant qu'il ressort de sa réponse aux observations du 26 janvier 2012, comme d'ailleurs de sa proposition de rectification, que l'administration a déclaré qu'afin de compenser les omissions de taxe sur la valeur ajoutée d'amont, elle ne rehausserait pas la base imposable de la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS, à hauteur de la discordance constatée de 8 086 euros en matière de taxe collectée en 2009 ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de la réponse aux observations de la contribuable manque en tout état de cause en fait ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Quant au passif de TVA injustifié de l'exercice clos en 2010 :

6. Considérant que la comptabilité de l'exercice clos en 2010, qui a été considérée comme régulière par l'administration, fait apparaître un passif de taxe sur la valeur ajoutée constitué par deux écritures, à savoir le solde du compte de taxe sur la valeur ajoutée collectée figurant en à-nouveau d'un montant de 61 755 euros et une écriture libellée " REGUL CREDIT TVA 12/09 ", d'un montant de 23 679 euros ;

7. Considérant qu'en cas de reconstitution d'une comptabilité par l'administration, les sommes découlant de cette reconstitution et sur lesquelles sont assises les impositions litigieuses doivent être réputées avoir pris en compte de manière exhaustive et exacte les opérations de toute nature effectuées par l'entreprise au cours de l'exercice ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a écarté comme non probante la comptabilité de la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS au titre des exercices clos en 2008 et 2009, au motif, pour l'année 2008, que le livre-journal n'avait pas été produit et qu'il n'avait été présenté qu'une édition informatique du grand livre général et de la balance avant certaines opérations d'inventaire, de sorte que les écritures comptables ne correspondent pas au résultat fiscal et au bilan déposé auprès de l'administration et, pour l'année 2009, au motif que seuls des journaux mensuels ont été produits, dont les libellés sont trop vagues pour déterminer la nature des écritures passées et qui comportent de nombreuses anomalies en matière d'encours ; qu'en raison du rejet de cette comptabilité, il a été convenu avec le comptable et le gérant de la société requérante que la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de ces exercices clos serait calculée en appliquant à la différence entre les données apparaissant dans les journaux et les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée le prorata récurrent constaté pour l'activité de la société, soit 90 % du chiffre d'affaires soumis au taux réduit de 5,5 % et 10 % soumis au taux normal ; que l'application de cette méthode de reconstitution a fait apparaître une insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 9 006 euros ;

8. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 269-2-c du code général des impôts, la taxe est exigible pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ; que la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS produit en appel, s'agissant de l'à-nouveau, des factures de 2008 et 2009, non encaissées au 31 décembre 2009, qui justifient, selon elle, une réduction du passif injustifié de taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2009 de 1 225 euros ; que toutefois, la taxe grevant ces factures émises en 2009, et encaissées en 2010, aurait dû être débitée du compte de " report à nouveau ", et reversée au Trésor ; qu'en application des dispositions du code général des impôts qui viennent d'être résumées, cette taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 148,87 euros ne devait donc plus figurer au passif au 31 décembre 2010 ; d'autre part, que l'administration fait valoir, sans être contredite, qu'en réduisant la base du rehaussement de 1 246 euros, base correspondant aux factures clients émises avant 2010 et acquittées après 2010, elle a déjà donné satisfaction en ce qui concerne les conclusions de la requérante relatives au compte " régularisation crédit de TVA 12/09 " ; qu'ainsi, le moyen tiré de la surévaluation du passif injustifié doit être écarté ;

Quant à l'exonération pour activité en zone franche urbaine :

9. Considérant qu'aux termes du I de l'article 44 octies du code général des impôts : " Lorsqu'un contribuable dont l'activité, non sédentaire, est implantée dans une zone franche urbaine mais exercée en tout ou partie en dehors des zones franches urbaines, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein, ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. " ;

10. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt contesté ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; qu'ainsi, et comme l'ont estimé les premiers juges, la charge de la preuve ne saurait être dévolue, dans la présente instance, à l'administration ;

11. Considérant qu'il découle de la nature de son activité, dans le domaine de la construction, et de la composition de son personnel, consistant essentiellement en maçons carreleurs et métreurs, que la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS est une entreprise non sédentaire ; que, par suite, la circonstance qu'elle ait transféré en 2008 son siège social 228 avenue de Montfermeil à Gagny (93220), dans une zone franche urbaine, et qu'elle y dispose d'un bureau pourvu d'un fax et d'un téléphone, ne saurait à elle seule établir qu'elle est éligible au dispositif d'exonération mentionné au paragraphe 9 ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de ses interventions, la vérificatrice a constaté l'absence de personnel permanent dans ce bureau, d'ailleurs dépourvu de toute documentation, et qu'au demeurant, tous les contrats des salariés de l'entreprise stipulent une prime de panier repas ; que l'absence de personnel permanent au 228 avenue de Montfermeil n'est pas sérieusement contredite par les allégations de la requérante, selon lesquelles M. B..., métreur, y dresserait ses plans et occuperait un studio au-dessus de ce bureau, et M. A..., maçon, y travaillerait deux heures par jour ;

13. Considérant que, d'après la proposition de rectification, la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS n'a pas produit de factures relatives à des chantiers dans la zone franche urbaine où elle avait son siège et a déclaré ne pas y avoir exercé d'activités pendant les exercices en litige ; que si elle se ravise en appel, il lui appartenait de produire des documents établissant qu'elle y réalisait au moins 25 % de son chiffre d'affaires ; qu'à défaut, le moyen tiré de ce qu'elle remplissait les conditions prescrites au I de l'article 44 octies du code général des impôts doit être écarté ;

En ce qui concerne les pénalités :

14. Considérant qu'il y a lieu, par adoption de motifs des premiers juges, d'écarter le moyen repris sans changement en appel, tiré de ce que les pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ont été infligées à tort à la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS ;

15. Considérant qu'ayant constaté que cette société avait déposé sa déclaration de résultats pour l'exercice clos en 2010 le 6 juin 2011, soit au-delà de la date du 3 mai 2011, l'administration lui a infligé la pénalité prévue à l'article 1728 du même code ; que, contrairement à ce que la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS soutient, il appartient à un contribuable d'établir qu'il a déposé en temps utile ses déclarations fiscales ; qu'en l'absence de tout élément de preuve apporté en ce sens, le moyen tiré de ce que ces pénalités ont été infligées à tort à la requérante, doit également être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence d'une somme de 469 euros, en ce qui concerne la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés pour 2010, à laquelle la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS a été assujettie et les pénalités, et que, pour le surplus des impositions en litige, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir de l'administration, cette société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

En ce qui concerne la conclusion tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État, qui est, dans la présente instance, la partie principalement gagnante, la somme que demande la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : A concurrence d'une somme de 469 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS a été assujettie au titre de l'exercice 2010 et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTIONS est rejeté.

2

N° 15VE01988


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award