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25/06/2018 | FRANCE | N°18VE00661

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 25 juin 2018, 18VE00661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 26 décembre 2017 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a décidé de le transférer aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1800085 du 22 janvier 2018, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2018, M.B..., représenté par Me Girard, av

ocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision attaquée ;

3° d'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 26 décembre 2017 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a décidé de le transférer aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1800085 du 22 janvier 2018, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2018, M.B..., représenté par Me Girard, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision attaquée ;

3° d'enjoindre au préfet de mettre un terme à la procédure de transfert et de lui délivrer un dossier de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- le préfet a saisi les autorités italiennes d'une requête aux fins de remise plus de deux mois après le résultat positif de la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système Eurodac, en violation des prescriptions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il aurait bénéficié d'un entretien individuel et que cet entretien aurait été mené en respectant les exigences posées par cet article ;

- la décision attaquée ne lui a pas été notifiée en présence d'un interprète, en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'Italie ne peut être regardée comme l'Etat responsable de sa demande d'asile au sens des articles 18 et 19 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que la procédure de demande d'asile a été menée à son terme dans ce pays et qu'il n'est plus saisi d'aucune demande depuis le rejet définitif de sa demande par la Cour d'appel catalane le 17 novembre 2017 ;

- la décision viole l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où l'Italie présente des défaillances systémiques de la procédure d'asile et où ce pays le renverrait au Pakistan où il existe un risque de traitements inhumains et dégradants ;

- il ne pourra être fait droit à la demande de substitution de base légale demandée par le préfet dans son mémoire de première instance du 19 janvier 2018, quelques heures avant l'audience, sans méconnaître les droits de la défense ; les dispositions du d) de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne sauraient, en tout état de cause, fonder la décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruno-Salel ;

- et les observations de Me Girard, pour M.B....

1. Considérant queB..., ressortissant pakistanais né le 23 octobre 1987, demande l'annulation du jugement du 22 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 26 décembre 2017 décidant de le transférer aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1. de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par les premier et deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche décadactylaire EURODAC produite par le préfet, que les empreintes de M. B...ont été enregistrées le 3 novembre 2017 dans le fichier EURODAC et que le résultat positif qui en est sorti a été transmis le jour même par le directeur de l'asile au préfet des Hauts-de-Seine ; qu'ainsi, en saisissant le 14 novembre 2017 les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, le préfet n'a pas dépassé le délai de deux mois prévu par les dispositions du deuxième alinéa du 1. de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et la France n'était pas devenue l'Etat-membre responsable de la demande d'asile de M. B...en vertu du troisième alinéa de ces dispositions ; que le moyen tiré de la violation de l'article 21 dudit règlement doit par suite être écarté comme manquant en fait ;

4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication (...)" ;

5. Considérant que le préfet fait valoir que l'entretien individuel qui a eu lieu au guichet " asile " de la préfecture le 3 novembre 2017 a été mené avec l'assistance téléphonique d'un interprète en langue ourdou de la société ISM interprétariat, langue que l'intéressé a indiqué comprendre ; que, d'une part, si M. B...conteste la présence d'un interprète, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte rendu de cet entretien qu'il a signé sans émettre d'observations, qu'il a pu mentionner tous les éléments pertinents relatif à sa situation pour la détermination de l'Etat membre responsable et qu'il ne fait valoir aucun élément qui aurait été mal compris ou mal interprété ; que, d'autre part, si, comme le relève le requérant, le compte-rendu d'entretien ne mentionne pas le nom de l'agent de la préfecture qui l'a conduit, cette circonstance n'est pas par elle-même de nature à faire douter de la qualité de l'agent ayant procédé à l'entretien ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence d'allégation précise, que les conditions matérielles de l'entretien n'auraient pas permis de garantir la confidentialité de celui-ci, ni que le requérant aurait été privé d'une quelconque garantie ; que M. B...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les conditions de notification d'une décision administrative étant sans incidence sur la légalité de cette décision, le requérant ne peut utilement se plaindre de ce que la décision attaquée ne lui aurait pas été notifiée avec l'assistance d'un interprète et qu'elle aurait, de ce fait, méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, aux termes duquel : "1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ", qui peuvent être substituées à celles du b) du 1 du même article dès lors, en premier lieu, que le requérant se trouvait dans la situation où, en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, le préfet des Hauts-de-Seine pouvait décider de son transfert aux autorités italiennes, qui ont implicitement accepté le 29 novembre 2017 de reprendre en charge M.B..., en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; que, par suite, l'Italie peut être regardée comme l'Etat responsable de sa demande d'asile au sens des articles 18 et 19 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté ;

8. Considérant que le requérant soutient que la décision viole l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où l'Italie présente des défaillances systémiques de la procédure d'asile et où ce pays le renverrait au Pakistan où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants ; que, toutefois, il n'apporte aucun élément pour établir ses allégations relatives aux défaillances systémiques qui existeraient en Italie et il ne justifie pas davantage les risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine en se bornant à produire sa carte d'appartenance au parti politique Pakistan Tehrree-Insaf et à soutenir que ce parti s'oppose au pouvoir en place ; que ces moyens ne peuvent dès lors qu'être écartés comme non fondés ;

9. Considérant, en dernier lieu, que si le requérant soutient que la décision méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale, il n'est entré en France que depuis le 12 août 2016, il est célibataire sans charge de famille, il ne fait valoir aucune attache familiale en France et n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; que, dans ces conditions, les seules relations affectives qu'il entretient avec la personne qui l'héberge et quelques autres personnes de son voisinage ne sont pas suffisantes pour établir une telle méconnaissance ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, d'astreinte, et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

1

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N° 18VE00661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00661
Date de la décision : 25/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : GIRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-25;18ve00661 ?
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