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14/06/2018 | FRANCE | N°18VE00068

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 14 juin 2018, 18VE00068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le PREFET DES YVELINES a implicitement porté le délai de son transfert vers l'Allemagne à dix-huit mois et refusé de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue par les dispositions de l'article

L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des

étrangers et du droit d'asile ainsi que le formulaire de demande d'asile dans un dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le PREFET DES YVELINES a implicitement porté le délai de son transfert vers l'Allemagne à dix-huit mois et refusé de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue par les dispositions de l'article

L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le formulaire de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1705037 du 8 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles annulé ces décisions et a enjoint à l'autorité administrative compétente d'enregistrer la demande d'asile de l'intéressée dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de délivrer à cette dernière une attestation de demande d'asile.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 8 janvier 2018, le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de Mme E... D....

Le préfet soutient que c'est à bon droit qu'il a porté le délai de transfert de Mme D... vers l'Allemagne à dix-huit mois et qu'il a refusé d'enregistrer sa nouvelle demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; l'intéressée étant en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le délai à l'issue duquel l'Allemagne était libérée de son obligation de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de l'intéressée était transférée à la France, n'était pas expiré ; lors de la notification des arrêtés de transfert aux autorités allemandes et d'assignation à résidence du 22 mars 2017,

Mme D...a été informée par le truchement d'un interprète dans une langue qu'elle comprenait qu'elle était susceptible d'être convoquée par les services de la police aux frontières aux fins d'exécution de son transfert aux autorités allemandes et elle a très clairement indiqué qu'elle " refusait d'aller en Allemagne " ; il n'est pas contesté que Mme D...ne s'est pas rendue à une première convocation du 13 février 2017, pour un entretien du 28 février 2017, ni à la convocation du 21 avril 2017, pour un entretien du 5 mai 2017.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Campoy,

- les conclusions de Mme Belle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour Mme D....

1. Considérant que MmeD..., ressortissante chinoise, est, selon ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 1er novembre 2016 ; qu'elle a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès du PREFET DES YVELINES le 29 novembre suivant ; qu'elle s'est vue remettre, le même jour, l'attestation de demande d'asile en procédure normale prévue par les dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'instruction de sa demande ayant révélé que ses empreintes digitales avaient déjà été relevées en Allemagne, le PREFET DES YVELINES a décidé, le

16 février 2017, de la transférer aux autorités allemandes ; que Mme D...qui estimait que son transfert n'avait pas été effectué dans le délai de six mois prévu par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que la responsabilité de sa reprise en charge avait été transférée à la France, s'est présentée à la préfecture le 21 juin 2017 afin d'obtenir l'enregistrement de sa demande d'asile en France selon la procédure normale ; que l'agent l'ayant accueillie lui a, à cette occasion, remis une nouvelle attestation de demande d'asile en procédure " Dublin " valable du 19 avril 2017 au 18 août suivant ; que, par un jugement du

8 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision portant le délai du transfert vers l'Allemagne de Mme D...à dix-huit mois et refusant de procéder à l'enregistrement de la demande d'asile de cette dernière, que révélait la remise à l'intéressée de cette attestation de demande d'asile en procédure " Dublin " ; que le PREFET DES YVELINES relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1.Le transfert du demandeur (...) de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation (...) de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé (...). (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite " ; que cette notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; que le caractère intentionnel et systématique d'un tel comportement s'apprécie au regard, d'une part, des diligences accomplies par l'autorité administrative pour assurer l'exécution de la mesure de réadmission dans le délai de six mois, et, d'autre part, des dispositions prises par l'intéressé pour s'y conformer ;

3. Considérant que, pour annuler les décisions attaquées, le tribunal a estimé que Mme D...ne pouvait être regardée comme ayant pris la fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors, d'une part, que l'intéressée avait toujours satisfait aux obligations de pointage qui lui avaient été imposées par l'arrêté du

16 février 2017, d'autre part, que le PREFET DES YVELINES ne pouvait utilement se prévaloir de ce qu'elle s'était précédemment soustraite à la convocation de se présenter au guichet de la préfecture le 28 février 2017 en vue de recevoir notification des deux arrêtés du 16 février 2017 dès lors qu'elle avait honoré la seconde convocation du 22 mars suivant et, enfin, que si elle n'avait pas déféré à la convocation de se présenter dans les locaux de la direction de la police aux frontières le 5 mai 2017, cette circonstance ne caractérisait pas, à elle seule, l'intention de l'intéressée de se soustraire à la procédure engagée par l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à son transfert ;

4. Considérant qu'à supposer que Mme D...n'ait pu se rendre à une première convocation de l'administration le 28 février 2017 en raison du délai de notification du courrier correspondant et alors même qu'elle a assisté le 22 mars 2017 à un entretien au cours duquel elle s'est vue notifier les arrêtés de transfert aux autorités allemandes et d'assignation à résidence la concernant, il n'est pas contesté qu'elle a clairement indiqué, lors de cet entretien, qu'elle entendait refuser l'exécution de la mesure d'éloignement qui lui était notifiée ; qu'invitée une nouvelle fois, par courrier du 31 avril 2017 à se présenter aux services de la police aux frontières des Yvelines le 5 mai 2017 en vue de son transfert vers l'Allemagne, elle n'a pas déféré à cette convocation et n'a averti l'administration qu'elle ne pourrait assister à cet entretien que le jour même où celui-ci devait intervenir, sans invoquer le moindre motif justifiant son absence ; que la requérante a ainsi fait l'objet d'au moins deux convocations auxquelles elle n'a répondu qu'une seule fois ; qu'elle a également clairement manifesté son refus d'exécuter la mesure d'éloignement lors de l'entretien auquel elle a assisté à la suite de sa deuxième convocation ; que, dans ces conditions et compte tenu des diligences ainsi accomplies par l'administration qui a adressé à l'intéressée plusieurs convocations successives, le PREFET DES YVELINES pouvait légalement regarder Mme D...comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) 604/2013 et informer, de ce fait, les autorités allemandes, le 5 mai 2017, de ce que les délais de transfert de l'intéressée seraient portés à 18 mois à compter de leur accord en application des dispositions de l'article 29 du Règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; que la circonstance que l'intéressée ait respecté les obligations de pointage liées à son assignation à résidence est sans incidence sur le fait qu'en refusant de déférer à la dernière convocation de l'administration et en s'opposant à la mesure d'éloignement dont elle devait faire l'objet, elle a entendu faire obstacle de manière intentionnelle et systématique à la décision de transfert la concernant ; qu'ainsi, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée n'était pas en fuite pour annuler les décisions attaquées ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...en première instance et en appel ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'attestation de demande d'asile en procédure " Dublin " délivrée 19 avril 2017 dont la remise à l'intéressée matérialise les décisions attaquées, a été signée par Mme B...C...qui avait reçu, pour ce faire, délégation de signature de la part du préfet des Yvelines par un arrêté du 7 février 2017 publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'agent présent au guichet le jour de la visite de Mme D...et lui ayant remis ce document, ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 9, du chapitre 3 relatif à la " mise en oeuvre du transfert ", du règlement européen (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers : " 1. L'État membre responsable est informé sans délai de tout report du transfert dû, [au] fait que le demandeur s'est soustrait à l'exécution du transfert. (...) 2. Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée, ou de la décision finale sur le recours ou le réexamen en cas d'effet suspensif, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) n° 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement. " ;

8. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que le défaut d'information de l'Etat membre responsable au sujet du report du transfert d'un demandeur d'asile dans les cas prévus au 1 de cet article, c'est-à-dire lorsque, comme en l'espèce, le demandeur s'est soustrait à l'exécution du transfert, n'a pas pour effet, contrairement aux cas de reports de transfert visés par le 2 de ce même article, de faire peser, sur l'Etat membre ayant omis de transmettre une telle information, la responsabilité du traitement de la demande d'asile ; qu'au demeurant, l'administration justifie que les autorités allemandes ont été informées, le 5 mai 2017, d'une prolongation des délais de transfert portée à 18 mois à compter de leur accord en application des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PRÉFET DES YVELINES est fondé à demander l'annulation du jugement n° 1705037 du 8 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles annulé les décisions attaquées ; qu'il s'ensuit que la demande présentée devant le tribunal administratif et les conclusions à fin d'injonction de

Mme D...doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1705037 du 8 décembre 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Versailles et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

2

N° 18VE00068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00068
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Luc CAMPOY
Rapporteur public ?: Mme BELLE
Avocat(s) : PERE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-14;18ve00068 ?
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