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14/06/2018 | FRANCE | N°17VE02209

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 14 juin 2018, 17VE02209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 30 août 2016 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " v

ie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 30 août 2016 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de soixante-dix euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous les mêmes conditions.

Par un jugement n° 1609352 du 9 juin 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE en date du 30 août 2016 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2017, le PREFET DU VAL D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est à bon droit qu'il a refusé à M. A...un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; le médecin de l'Agence régionale de santé (ARS) qui a émis un avis sur l'état de santé de l'intéressé le 12 juillet 2016 a estimé que celui-ci pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; si M. A...a versé aux débats des certificats médicaux, ces documents qui datent de 2011, 2014 et 2015 sont anciens et ne peuvent être nécessairement regardés comme témoignant de l'état de santé de M. A...à la date de son arrêté, d'autant que l'intéressé a déjà été soigné pendant plusieurs années en France ; les pathologies liées à la santé mentale analogues à celles dont celui-ci souffre sont actuellement prise en charge en Haïti, parfois en lien avec des ONG nationales et internationales ; outre l'existence de 67 différentes structures médicales accueillant les patients dans le pays, deux institutions étatiques sont pourvus de médecins spécialistes disposant des qualifications adéquates, offrent des services de consultation externe et disposent même de capacités d'hospitalisation en cas de besoin ; les médicaments qui sont habituellement prescrits en France à l'intéressé sont bien disponibles dans son pays d'origine ainsi que l'indique le rapport IESM-OMS sur le système de santé mentale en Haïti édité en 2011 ainsi que la liste des médicaments essentiels établie en mai 2012 qui indique que les antidépresseurs de type Cymbalta, Duloxetine ou Valdoxan sont distribués en Haïti sous la dénomination commune internationale (DCI) : " amitriptyline " et " clomipramine " ; le pays dispose également des neuroleptiques et antipsychotiques Quiétapine et Xéroquel sous la DCI " chlorpromazine " et " Haloperidol " tandis que Diazepam est un anxiolytique disponible équivalent à l'Atarax et à l'Hydroxyzine ; M. A...peut également se voir administrer comme antiépileptique du Carbamazépine en lieu et place de la Dépamide ou du Valpromide ; celui-ci n'établit d'ailleurs pas qu'un traitement à base de médicaments génériques ou d'autres molécules équivalentes ne pourrait lui convenir ; il ne ressort pas des pièces de son dossier que le requérant aurait des difficultés financières à assumer la charge du traitement de sa maladie d'autant qu'un programme d'assurance maladie destiné aux plus vulnérables a été lancé dès 2012.

..........................................................................................................

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Campoy a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant haïtien, est, selon ses déclarations, entré en France le 18 novembre 2010 ; que le PREFET DU VAL-D'OISE lui a refusé une première fois un titre de séjour pour raison médicale et a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement le 21 avril 2015 ; que ces décisions ont été annulées par jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 mars 2016 ; qu'après réexamen de la situation de l'intéressé et consultation le 12 juillet 2016 du médecin de l'Agence régionale de santé (ARS), le préfet a, par un arrêté en date du 30 août 2016, de nouveau, refusé à M. A...la délivrance d'un titre de séjour, a obligé ce dernier à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai ; que, par un jugement du 9 juin 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement ; que le PREFET DU VAL-D'OISE relève appel de ce jugement ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE en date du 30 août 2016 au motif que celui-ci méconnaissait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. A...un titre de séjour pour raison médicale, le PREFET DU VAL-D'OISE s'est fondé sur l'avis du médecin de l'ARS du 12 juillet 2016 qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement approprié à son état de santé existait dans son pays d'origine ; que, pour établir que, contrairement à ce qu'indique cet avis, le syndrome post-traumatique dont il souffre ne pourrait être soigné en Haïti, M. A...produit un certain nombre de certificats médicaux ; que l'un d'entre eux datant du 30 décembre 2014 est toutefois illisible ; que trois autres de ces documents datant respectivement des 12 décembre 2011,

24 octobre 2014 et 26 janvier 2015 sont trop anciens pour être regardés comme attestant de l'état de santé de l'intéressé à la date de l'arrêté attaqué ; que le certificat médical établi par un médecin généraliste le 19 mai 2016 ne précise pas les raisons pour lesquelles les traitements administrés en France à M. A...ne pourraient, selon ce praticien, être dispensés en Haïti ; que le préfet produit, d'ailleurs, des extraits d'un rapport de 1'Instrument d'évaluation des systèmes de sante mentales de l'Organisation mondiale de la sante sur le systeme de santé mentale en Haïti de 2011 dont il ressort, d'une part, qu'il existe dans ce pays 67 structures dispensant des soins ambulatoires de santé mentale et deux établissements psychiatriques gérés par l'Etat haïtien, d'autre part, que dans l'un de ces deux centres hospitaliers au moins un médicament psychotrope de chaque catégorie thérapeutique est disponible tout au long de l'année ; qu'il produit également la liste nationale des médicaments essentiels établie par le ministre de la santé haïtien qui confirme ce constat ; que le requérant confirme que les médicaments contenus dans cette liste, ainsi que ceux visés par le préfet, sont des neuroleptiques, des antidépresseurs, des régulateurs de l'humeur et des anxiolytiques utilisés dans le traitement des affections psychiatriques ; qu'il n'établit pas qu'il s'agirait de médicaments de " première génération " et non de " seconde génération " comme ceux qui lui sont actuellement administrés en France et qui comportent, selon lui, moins d'effets secondaires ; qu'en toute hypothèse, la seule circonstance alléguée que les médicaments qu'il est appelé à se voir administrer en Haïti comporteraient plus d'effets secondaires que ceux qui lui sont délivrés en France n'implique par autant que le traitement disponible en Haïti ne serait pas approprié à son état de santé ; que, dans ces conditions, les différents documents produits par M. A...ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'Agence régionale de santé, ainsi que par le PREFET DU VAL-D'OISE, sur la disponibilité des traitements dans son pays d'origine ; que le préfet est, par suite, fondé a soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitees du 11° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des etrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 30 août 2016 ;

5. Considérant qu'il suit de là qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...en première instance et en appel ;

Sur les autres moyens invoqués :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 9 novembre 2011 : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...). " ;

7. Considérant que l'avis du médecin de l'ARS n'avait pas à comporter d'autres indications que celles prévues par les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté susvisé du

9 novembre 2011 ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, toutes ces indications figurent dans l'avis concerné qui est, de la sorte, suffisamment motivé ; qu'ainsi, le PREFET DU VAL D'OISE pouvait légalement prendre une décision de refus de séjour au vu de l'avis du médecin de l'ARS du 12 juillet 2016, même si celui-ci n'indique pas la raison pour laquelle ce médecin serait revenu sur le contenu d'un précédent avis relatif à l'état de santé de M. A...;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... s'est, à juste titre, vu refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'à cette date, il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté en date du 30 août 2016 et lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'avocat de M. A...demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1609352 du 9 juin 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.

2

N° 17VE02209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02209
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Luc CAMPOY
Rapporteur public ?: Mme BELLE
Avocat(s) : TCHIAKPE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-14;17ve02209 ?
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