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12/06/2018 | FRANCE | N°17VE00178

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 12 juin 2018, 17VE00178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1507097 du 14 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des impositions dégrevées par l'administration en cours d'instance,

a prononcé la décharge des droits et pénalités assignés aux contribuables au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1507097 du 14 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des impositions dégrevées par l'administration en cours d'instance, a prononcé la décharge des droits et pénalités assignés aux contribuables au titre de l'année 2011 à raison d'une réduction de bases de 11 300 euros et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2017 et régularisée le 31 janvier suivant, et un mémoire en réplique, enregistré le 6 octobre 2017, M. et MmeC..., représentés par

Me Estève, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2° de prononcer la réduction des impositions laissées à leur charge ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme C...soutiennent que :

- à hauteur de 2 550 euros, les dépôts opérés en 2010 sur leurs comptes bancaires, taxés en tant que revenus d'origine indéterminée, correspondent à des dons manuels de leurs parents ;

- à hauteur de 12 756 euros, les revenus d'origine indéterminée de l'année 2010 correspondent à des salaires régulièrement déclarés, qui ont donc été à tort doublement taxés ;

- à hauteur de 3 450 euros, les dépôts opérés en 2011 sur leurs comptes bancaires, taxés en tant que revenus d'origine indéterminée, correspondent à des dons manuels de leurs parents ;

- faute d'avoir démontré que M. C...avait la qualité de maître de l'affaire, l'administration ne pouvait taxer entre leurs mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus réputés distribués en 2011 par la société Kalem Déco ;

- en se bornant à faire référence sur ce dernier point à la vérification de la société et à chiffrer les distributions assignées à M. C...sans mentionner les raisons de droit ou de fait pour lesquelles l'administration estimait devoir rehausser ses bases imposables, le service a insuffisamment motivé la proposition de rectification du 17 juin 2013 ; de surcroît, cette proposition de rectification a été adressée au liquidateur de la société et M. C...n'avait plus le droit d'y répondre ;

- la proposition de rectification du 5 avril 2013, notifiée à la société Kalem Déco en la personne de son liquidateur, vise l'année 2010 et non l'année 2011 ; cette erreur substantielle doit entraîner la nullité de l'imposition des revenus distribués qui leur a été personnellement notifiée au titre de l'année 2011 ;

- la décision portant application des majorations pour manquement délibéré méconnaît les dispositions des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a été signée par un inspecteur principal, grade inférieur à celui d'inspecteur divisionnaire.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.

1. Considérant que l'administration a procédé à une vérification de comptabilité de la SARL Kalem Déco, dont M. C...était associé et gérant, ainsi qu'à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme C...; qu'à l'issue de ces contrôles et aux termes d'une proposition de rectification du 17 juin 2013, le service vérificateur a, d'une part, réintégré dans le revenu imposable des intéressés de l'année 2011 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes regardées comme distribuées par la SARL Kalem Déco et, d'autre part, taxé d'office, au titre des années 2010 et 2011, par application des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, plusieurs crédits bancaires dont l'origine est demeurée indéterminée ; que l'administration a assorti les rehaussements correspondants de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du

14 novembre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil en tant que, par ce jugement, le tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des impositions dégrevées par l'administration en cours d'instance, n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été ainsi assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les revenus d'origine indéterminée :

2. Considérant que M. et MmeC..., qui ne contestent pas avoir été régulièrement taxés d'office sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et

L. 69 du livre des procédures fiscales, supportent, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, la charge de démontrer le caractère exagéré des impositions établies au titre des revenus d'origine indéterminée des années 2010 et 2011 ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme C...soutiennent qu'à hauteur de sommes de 2 550 et 3 450 euros, ayant donné lieu respectivement à quatre dépôts bancaires opérés en 2010 et à six dépôts effectués en 2011, les crédits taxés par l'administration correspondent à des dons en numéraire de leurs parents ; que, toutefois, en se bornant à produire une déclaration de don manuel établie le 31 août 2016, soit plus de trois ans après l'achèvement du contrôle, laquelle, au surplus, fait état d'un versement de 4 000 euros au 1er janvier de chacune des années en cause sans que soit établie une concordance entre cette somme globale et les divers versements bancaires en litige, les intéressés n'établissent pas l'origine familiale des sommes ayant fait l'objet de ces versements ;

4. Considérant, en second lieu, que les requérants font valoir que le service aurait omis de déduire des crédits bancaires de l'année 2010 les salaires de M. B...régulièrement déclarés pour un montant de 12 756 euros, aboutissant ainsi à une double imposition de cette somme ; que, toutefois, ils ne produisent aucun document et, en particulier, aucun bulletin de salaire de l'année 2010 permettant de rapprocher les salaires perçus des crédits bancaires ayant fait l'objet d'une taxation en tant que revenus d'origine indéterminée et, par suite, d'établir, le cas échéant, l'existence de la double imposition alléguée ; que, dès lors, ils ne sont pas fondés à demander la réduction de leur base imposable de l'année en cause à hauteur de 12 756 euros, que ce soit au titre des revenus d'origine indéterminée ou à celui des traitements et salaires ;

Sur les revenus de capitaux mobiliers :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; que, par ailleurs, lorsque, à la suite d'une vérification de comptabilité d'une société passible de l'impôt sur les sociétés, des revenus réintégrés au résultat imposable de la société sont regardés comme distribués entre les mains d'un tiers et que l'administration entend imposer le bénéficiaire des distributions sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il lui appartient d'informer ce dernier des motifs du redressement notifié à la société, dont procède le redressement notifié à son égard, afin de lui permettre, le cas échéant, d'en contester utilement le bien-fondé ; que l'administration peut satisfaire à cette obligation soit en reprenant la teneur de la proposition de rectification adressée à la société soit en la joignant à celle qu'elle adresse au bénéficiaire des distributions, ou, à défaut, si ce dernier en fait la demande, en la lui transmettant, après en avoir, s'il y a lieu, occulté les passages couverts par le secret fiscal, ou en en lui communiquant la teneur ;

6. Considérant que la proposition de rectification adressée le 17 juin 2013 aux époux C...mentionne, d'une part, l'origine et le montant des distributions assignées aux intéressés au titre de l'année 2011, à savoir les bénéfices reconstitués afférents à l'exercice clos en 2011 par la SARL Kalem Déco et s'élevant à 153 046 euros, d'autre part, les motifs ayant conduit le vérificateur à regarder M. C...comme maître de l'affaire et, par suite, comme unique bénéficiaire de la somme en cause, et, enfin, le fondement légal, soit le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, justifiant l'imposition de ladite somme dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'en outre, ainsi qu'en témoigne la mention portée sur la page de garde, cette proposition de rectification était accompagnée de celle établie le 5 avril 2013 à l'encontre de la SARL Kalem Déco, laquelle détaillait, de manière très précise, les motifs du redressement notifié à la société et, en particulier, les éléments retenus par le vérificateur pour reconstituer, en l'absence de comptabilité présentée, le bénéfice imposable de la société ; qu'il n'est pas contesté que le pli correspondant a été reçu le 20 juin 2013 par les intéressés, qui n'ont alors pas fait valoir qu'il ne contenait pas les pièces annoncées, ni, en tout état de cause et à la supposer absente, n'ont pas sollicité copie de la proposition de rectification de la société ; que

M. et Mme C...ont ainsi disposé, conformément aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, des éléments leur permettant de formuler leurs observations de façon entièrement utile ; qu'est sans incidence à cet égard la circonstance, qui concerne un contribuable distinct, que M. C...n'avait pas la possibilité de répondre à la proposition de rectification de la SARL Kalem Déco dès lors qu'il n'en n'assurait plus la gérance à la suite de son placement en liquidation judiciaire ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, si la proposition de rectification du 5 avril 2013 fait référence, en sa page 18, à l'année 2010, cette mention isolée ne saurait, eu égard à l'ensemble du document et notamment au tableau récapitulatif figurant sur la même page, être regardée que comme une simple erreur de plume, sans incidence sur la régularité ou le

bien-fondé des impositions litigieuses ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts, " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) " ; qu'en cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que, toutefois, toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle ;

9. Considérant que l'administration fait valoir, sans être contredite, que

M. C...qui détenait 33 % des parts de la SARL Kalem Déco et en était gérant de droit au cours de la période vérifiée, possédait seul la signature sur les comptes bancaires de la société dont il était, par ailleurs, l'unique détenteur de la carte bleue ; qu'au surplus, ainsi que l'ont révélé un droit de communication exercé auprès du principal client de l'entreprise ainsi que l'examen des contrats et avenants, l'intéressé agissait en tant qu'interlocuteur et représentant de la SARL Kalem Déco auprès des tiers ; qu'ainsi, alors même qu'il n'était qu'associé minoritaire, le vérificateur, qui n'était pas tenue de démontrer l'existence d'un enrichissement personnel, a pu, à juste titre déduire de ces constatations, que M.C..., qui disposait seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société et était en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, devait être regardé comme le maître de l'affaire, peu importe qu'il n'ait pas été poursuivi ou même dénoncé pour abus de biens sociaux ; que, par suite, l'administration apporte la preuve de l'appréhension par l'intéressé des revenus distribués par la SARL Kalem Déco et, dont, par ailleurs, le montant n'est pas contesté par les requérants ;

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. " ; qu'aux termes de l'article R. 80 E-1 de ce livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire " ;

11. Considérant que la proposition de rectification du 17 juin 2013, comportant la décision d'appliquer la pénalité visée au a) de l'article 1729 du code général des impôts, a été signée, outre par le vérificateur, par M.D..., titulaire du grade d'inspecteur principal des finances publiques, lequel, en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 26 août 2010, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, est supérieur à celui d'inspecteur divisionnaire ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales manque en fait ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de leur demande ; que, par voie de conséquence, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

5

N° 17VE00178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00178
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. SKZRYERBAK
Avocat(s) : ESTEVE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-12;17ve00178 ?
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